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Édito

Rayons de soleil

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Rayons de soleil | business-magazine.mu

La semaine dernière, au terme de plusieurs semaines de déferlantes de chiffres inquiétants et parfois accablants, je faisais acte de contrition et écrivais que «cela m’écœure et me tracasse beaucoup d’être chaque semaine un Cassandre de circonstance pour l’économie nationale». Je suis allé plus loin en suppliant que quelque lecteur miséricordieux m’indique «des rayons de soleil, quelques belles poussières d’étoile, desquels je pourrais tenter de parler et auxquels je m’efforcerais de m’accrocher».

Les commentaires les plus réfléchis en réponse directe ont été rares et ne projettent pas beaucoup d’optimisme. Hamid Jhumka, un ex de la MCCI – parle, pour l’essentiel, de l’obésité artificielle de notre économie nationale et de la nécessité absolue de reconnaître que nous avons vécu au-dessus de nos moyens et qu’il faut donc maigrir. Le diagnostic est bon, mais le purgatif comme posologie à terme ne me paraît pas évident. Quant à Maurice de l’isle – il rajoute quelques louches sur nos difficultés d’avenir et répète sa litanie sinistre que nous devenons un îlot du tiers-monde, «affamé, malade, sans emploi, sans avenir pour des décennies !» Oulala !

Pramod est à peu près le seul ayant essayé de projeter un avenir plus optimiste, mais il ne propose rien de précis, se contentant d’affirmer que «les rayons de soleil sont (déjà) présents dans de multiples secteurs» pourvu que l’on cesse de se concentrer sur l’augmentation des profits, la consommation excessive, l’endettement personnel, etc. En effet ! Il semble donc proposer la fin de l’approche actuelle, je pense, ce qui sent la révolution fondamentale, que je trouve défaitiste et dangereuse et pour laquelle je suis loin d’être qualifié, de toute façon.

Les propositions du gouvernement, dans le dernier budget de juin 2020, se résumaient à utiliser la construction comme moteur principal de la relance. Rs 12 milliards (Mds) pour 12 000 logements sociaux, un réservoir de Rs 7,5 Mds à Rivière des Anguilles, Rs 9,2 Mds pour des terminus de bus neufs, encore Rs 5 Mds pour terminer le métro vers Curepipe, Rs 5,2 milliards pour routes et ponts divers, Rs 2,2 Mds pour un breakwater, un port de pêche et un terminal pour bateau de croisière. On économisera sur le dernier item sans doute maintenant, mais le gouvernement comptait aussi sur 34 projets du secteur privé, tous étudiés à l’EDB, totalisant Rs 62 milliards d’investissements et dont on a, malheureusement, peu de détails, dont celui de savoir s’ils survivront tous dans l’ère post-Covid.

Parmi les nouvelles idées émises, signalons le Data Technology Park de Côte d’Or (dont du «Deep Artificial Intelligence»), le «bitcoin» de la BoM et l’industrie pharmaceutique. Cependant, les nouvelles idées doivent être concrétisées bien au-delà de lois et des bâtiments neufs, bien sûr, sinon cela ne sert à rien. Rappelons-nous donc, ici, quelques-unes des grandes idées de ces dernières années. Celles de Lutchmeenaraidoo, c’étaient les «smart cities» et le projet de port «de Baie du Tombeau à Pointe aux Sables», par exemple. On sait ce qui s’est passé quand on a essayé de professionnaliser le port et de causer avec DP World et son équivalent singapourien… Quant aux «smart cities», ils ont surtout été des passeports utiles pour du développement foncier. La FinTech fut un autre buzz word qui marche toujours à quatre pattes, biberon en main. Le «hub pétrolier» est probablement mort avec le Wakashio. La «Blue economy» en est réduite, si l’on se réfère au dernier Budget, à de l’aquaculture… à terre ! De fait, ce sont les autres qui exploitent notre ZEE et nous encaissons leurs bien maigres pitances. Le contentieux avec les Maldives représentera, semble-t-il, notre plus gros investissement dans l’économie bleue pour longtemps encore.

Les idées nouvelles sont rares et elles ne sont pas simples, surtout si elles doivent être montées de toutes pièces, de A à Z.

Pour les «rayons de soleil», je rappellerai donc deux idées qui ont déjà été mentionnées parce qu’elles représentent des conversions ou des compléments d’activités existantes. Elles sont donc, a priori, plus réalistes.

D’abord, les séjours «long terme» pour l’hôtellerie. Pour l’avoir déjà suggéré comme une option pour tous nos vieux qui voudraient se mettre à l’abri si nous ouvrons nos frontières et dont la charge financière pourrait être idéalement assumée par le gouvernement, puisqu’il a un intérêt économique clair à ouvrir nos frontières ; il y a aussi, bien sûr, en parallèle, la véritable industrie de la retraite.

De nombreux pays dont les populations vieillissent devraient trouver intérêt à acheter ou à louer des facilités hôtelières ici et de les convertir en résidences de retraite de qualité. Il y a peu de doute que le climat est meilleur, cette activité générera en amont des services médicalisés de qualité améliorée, le service mauricien coûtera sans doute moins que dans les pays développés que l’on pourra intéresser, l’emploi est assez directement convertible et nous pouvons (et pourrons !) offrir un environnement Covid-free, tant que nous resterons alertes et disciplinés face aux risques de transmissions dans ces enclaves de retraite de qualité. Une étude rapide mérite d’être faite, face aux perspectives pour le moment tiède de reprise de l’activité touristique classique…

Ensuite, la production de chanvre. Que ce soit pour le marché récréatif (THC) ou le marché médical (CBD), au fur et à mesure que ce marché se libéralise mondialement. Je ne vais pas répéter les arguments alignés dans un article datant du 13 janvier 2019 intitulé : «Cannabis Repetita» et signé par KCRanze, mais il faut quand même rappeler que, même post-Covid, ce marché, contrairement à celui du sucre, aura un CAGR annuel de plus de 30 %*, que l’association des fermiers irlandais postule actuellement pour la légalisation de la production du cannabis médical, alors qu’Amazon vend désormais librement des produits CBD sur le marché britannique. Du chanvre pour l’industrie textile, c’est possible aussi. La lignine du chanvre, dont on peut faire plusieurs récoltes par an, serait aussi un excellent complément de la bagasse pour aider nos ambitions d’énergie renouvelable. Il faut rappeler que le Canada, la Géorgie, l’Afrique du Sud, l’Uruguay, 11 États des États-Unis, ainsi que Canberra ont récemment légalisé le cannabis récréatif, que 42 pays ont légalisé l’usage du CBD et que de nombreux autres pays choisissent délibérément de tolérer l’usage du cannabis récréatif, même si ça reste, à l’officiel, illégal **. La tendance est claire. 

On continuera donc, goguenard et bloqué par notre conservatisme visqueux, à regarder passer le train ?

Finalement, dans la lignée des voyageurs à accueillir pour de plus longs séjours, pourquoi ne pas s’organiser pour attirer certains parmi les tout meilleurs professeurs de golf du monde et tenter de créer ici des académies de tuteurs pour aspirants champions ou des écoles de réhabilitation pour amateurs ou pros désirant corriger ou bonifier leur jeu ?

D’ailleurs, vers le 4 novembre, il pourrait y avoir pour ce service un postulant de marque, aux cheveux bouffants, qui pourrait avoir bien besoin de s’éloigner de chez lui pendant quelque temps…***


*https://www.marketsandmarkets.com/Market-Reports/cannabis-market-

**https://en.wikipedia.org/wiki/Legality_of_cannabis

***201768301.htmlhttps://www.golfchannel.com/news/new-book-details-donald-trumps-alleged-cheating-golf-course

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