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Édito

Révélateur

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Le récent cas de fraude dont le montant reste toujours à être déterminé (il est question de Rs 700 millions à Rs 1 milliard) devrait nous ouvrir les yeux sur le changement sociétal qui s’opère à Maurice. Depuis environ une décennie, nous assistons dans le pays à une profonde transformation du fonctionnement de la société dite de consommation.

L’île Maurice est passée d’une époque de consommation que nous pouvons qualifier de semi-collective, où les gens achetaient un téléphone, une voiture, une télé ou encore une radio par famille, à une nouvelle tendance beaucoup plus individualiste. Le taux de pénétration de la téléphonie cellulaire mobile en est un bel exemple.

Si la démocratisation de l’économie s’est révélée jusqu’à présent être un slogan politique creux, en revanche, les désirs du luxe se sont vraiment démocratisés. L’accès rendu plus facile au crédit avec le nombre d’institutions financières qui ont pignon sur rue, n’a fait que favoriser cette course effrénée à la consommation.

Statistics Mauritius annonce d’ailleurs une croissance de 3 % de la consommation pour cette année, alors que les données publiées par la Banque de Maurice indiquent que les avances sur les cartes de crédit ont crû de 175 % entre les années 2000 et 2010. Des chiffres qui témoignent non seulement de l’évolution au sein de notre société, mais qui montrent aussi que la carte de crédit est devenue un produit financier incontournable pour de nombreux ménages mauriciens.

C’est donc une toute nouvelle culture qui s’est installée. Car contrairement à nos grands-parents qui se faisaient un devoir d’économiser le moindre sou possible de leurs revenus pour des lendemains meilleurs, la nouvelle génération ne semble guère disposer de la même patience. La preuve, le taux d’épargne est en net recul.

Cette génération Internet qui vit à cent à l’heure est attirée par l’appât du gain. Se faire de l’argent et monter dans l’échelle sociale figurent parmi ses priorités. Peut-on le lui reprocher, étant conscient du matraquage publicitaire qu’elle subit quotidiennement et de son exposition aux moyens modernes de communication ?

Cela dit, il est permis de se demander si nos institutions ont également évolué avec leur temps afin, justement, de veiller à ce que les gens ne tombent pas dans le piège de la facilité. La question se pose surtout après avoir constaté avec quelle aisance les arnaqueurs ont pu tromper la vigilance de nos institutions régulatrices.

Rien que d’y penser donne froid dans le dos. Comment des sociétés qui ne sont pas dûment enregistrées ont-elles pu proposer leurs services en toute impunité sur notre sol pendant des années sans que personne ne daigne lever le petit doigt ? Quel rôle ont joué les institutions financières dans cette escroquerie alléguée alors que dans la pratique, des tonnes de questions sont posées à un client cherchant à ouvrir un compte bancaire ? Est-ce que les règles de base de KYC ont été appliquées ?

Le ministre des Finances, Xavier Luc Duval, dit avoir demandé au Secrétaire financier de lui faire un rapport sur la performance des instances régulatrices. Il est important de pouvoir situer les responsabilités dans toute cette affaire car il y va de notre image en tant que centre financier international.

Déjà que la presse indienne traite souvent le secteur offshore de machine à laver, imaginons un instant l’impact de ce scandale financier sur notre image à la veille de la nouvelle rencontre du Joint Working Group sur le traité fiscal.

Il est temps d’arrêter de faire preuve de complaisance en se gargarisant de la stabilité de notre système financier car il est clair que notre structure de surveillance financière comporte des failles et nécessite des actions appropriées dans le meilleur délai. Nous ne devons pas oublier que dans le sillage de la crise financière mondiale, un fort consensus avait émergé sur l’insuffisance de l’appareil réglementaire financier. Il s’avère, en effet, que les organismes de régulation existants n’avaient pu remplir leurs fonctions pour prévenir ou gérer la crise qui a secoué le système financier mondial.

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