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Édito

Tensions sociales

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Depuis le début de 2020, ce monde ne connaît pas de répit. La crise économique provoquée par la pandémie est la pire que nous ayons connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle a coûté plus de 85 000 milliards de dollars au PIB mondial. Alors que l’on aurait pu s’attendre à plus de solidarité entre les nations au sortir de la pandémie, l’on a vu des foyers de tension apparaître aux quatre coins du monde. Dans le même temps, le nationalisme, dans sa forme la plus radicale et la plus hideuse, gagne du terrain. Graduellement, la démocratie cède la place à plus d’autocratie. La directrice du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, ne s’est pas trompée quand elle a déclaré récemment que 2023 pourrait être une année marquée par de fortes tensions sociales causée par les conflits politiques, mais aussi par la dégradation des paramètres économiques, avec de graves craintes par rapport à la croissance, au marché de l’emploi et au niveau d’endettement suivant les multiples tours de vis monétaires donnés par les banques centrales pour lutter contre l’inflation.

Clairement, il y a une corrélation entre le cycle de crise dans lequel on s’est envasé et le glissement vers les régimes autocratiques. Car, durant la pandémie, l’État est devenu surpuissant, s’ingérant de plus en plus dans la vie économique, stoppant l’activité économique sur la base des données épidémiologiques et parquant les gens comme du bétail dans un enclos. Certes, le Grand confinement a permis de sauver la vie de millions d’individus, mais, dans ce processus, certains dirigeants se sont laissé griser par le pouvoir et ont fini par avoir la folie des grandeurs. Si, dans le monde occidental, les valeurs libérales avaient graduellement amoindri le rôle de l’État, au profit de l’économie du marché, aujourd’hui, l’État est omniprésent, pour ne pas dire envahissant. Comme le souligne l’institut V-Dem, basé en Suède, pas moins de 81 périodes de déclin démocratique ont été recensées depuis 1900, dont une cinquantaine depuis 2000. Et dans 75 % des cas, c’est la crise qui a débouché sur une transition vers la dictature. Parmi les pays où l’on enregistre un recul de la démocratie, l’on retrouve notamment le Brésil, la Pologne, le Niger, l’Indonésie, le Botswana, le Guatemala, la Tunisie, la Croatie, la République tchèque, Guyana, la Slovénie et… Maurice. Cela dit, l’on n’est pas dans la même situation que des pays comme la Turquie, les Philippines ou encore la Hongrie, où le recul de la démocratie est quasi complet depuis une décennie.

En parlant de dérives totalitaires, l’événement le plus marquant est la guerre d’agression de la Russie en Ukraine. Un conflit armé déclenché par Vladimir Poutine, qui est aveuglé par ses rêves de restauration de la Russie impériale et, sans doute, par une volonté de casser l’hégémonie du monde occidental incarnée principalement par le couple États-Unis–Union européenne. Les conséquences de cette guerre seront durables. À court et moyen termes, ce conflit armé devrait continuer à perturber les prix de l’alimentaire et des énergies. À plus long terme, il pourrait donner lieu à une bipolarisation des forces économiques et politiques, avec, d’une part, l’axe États-Unis–Union européenne et, de l’autre, l’axe de l’Organisation de coopération économique du Shanghai, dirigée par le triptyque que sont la Chine, la Russie et l’Inde.

Mais il n’y a pas que le conflit russo-ukrainien. Aux quatre coins du monde, c’est l’effervescence ! Plus près de chez nous, au Congo, au Burkina Faso et dans la région du Sahel, les conflits armés font rage. En Iran, la population ne décolère pas malgré l’exécution des personnes jugées coupables d’avoir participé à des émeutes et des persécutions contre les femmes. Au Pérou, une forte frange de la population demande la démission de la présidente Dina Boluarte, arrivée au pouvoir à la suite de la destitution et de l’arrestation de Pedro Castillo en décembre dernier. La nouvelle administration a décrété l’état d’urgence. Alors qu’au Brésil, les pro-Bolsonaro manifestent toujours violemment pour contester l’élection de Luiz Inácio Lula da Silva.

En France et au Royaume-Uni également, le climat social est extrêmement tendu. Dans l’Hexagone, les contestations portent notamment sur la réforme des retraites, avec près de 150 000 personnes qui ont défilé dans les rues dans le cadre de #Marche21Janvier#. Alors que les Britanniques manifestent contre la hausse des prix, avec une inflation autour de 10 % consécutivement notamment à la flambée des prix des énergies.

À Maurice, le moral des citoyens est autant plombé par les distractions politiques et les scandales à répétition que par la précarité économique. Les Mauriciens ont vu leur pouvoir d’achat s’effriter considérablement en raison des pressions inflationnistes, d’une politique de roupie faible et du fardeau de la dette qui s’est alourdi avec la stratégie de resserrement monétaire. La situation ne devrait pas s’arranger avec la révision des tarifs d’électricité et le maintien des prix des carburants. Sans compter que le ralentissement économique pose des risques sur l’emploi. Autant de tensions sociales qui sont loin d’être propices pour stimuler la croissance.

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