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Dr Raj Auckloo (directeur, HRDC): «Beaucoup d’entreprises déplorent un manque de compétences socio-émotionnelles chez les candidats»

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Dr Raj Auckloo

Le Dr Raj Auckloo, directeur du Human Resource Development Council (HRDC), fait ressortir que nous vivons dans un monde en constante mutation professionnelle. Avec la digitalisation, de nouveaux métiers se créent, les anciens métiers disparaissent alors que d’autres évoluent. Il est donc primordial que les jeunes soient suffisamment informés du dynamisme du marché de l’emploi.

 

Les employeurs déplorent que les établissements d’enseignement et de formation ne forment pas aux compétences professionnelles requises. Pourquoi les programmes de formation ne s’alignent-ils pas sur les besoins de l’industrie ? La qualité de la formation est-elle pointée du doigt ?

Les systèmes d’enseignement et de formation sont souvent accusés de ne pas fournir au marché du travail les qualifications nécessaires. Cependant, il est important de faire ressortir qu’un certain déséquilibre entre l’offre et la demande de compétences dans certains domaines est inévitable, surtout face à l’évolution des métiers dans un monde du travail complexe. Surtout avec les nouveaux enjeux tels que l’automatisation et la robotisation. S’y ajoutent l’impact majeur qu’a eu la pandémie de la Covid-19 sur l’emploi et le recrutement. Comme en témoignent les nombreuses études menées par le HRDC, certaines entreprises font face à des pénuries de main-d’œuvre qualifiée qui entravent leur développement tandis que des chômeurs, jeunes et moins jeunes, semblent faire face à l’inemployabilité par manque de qualifications nécessaires. Cette inadéquation peut être expliquée par un manque de moyens et de ressources de certains employeurs de prévoir les pénuries à court comme à long termes. Le rôle du HRDC est de minimiser cette inadéquation entre l’offre et la demande de compétences en assurant une meilleure gestion de notre ressource humaine locale à travers des formations bien ciblées. Sous le Fonds national de formation, le HRDC offre des incitatifs financiers aux employeurs et institutions de formation pour encourager le développement du capital humain à la fois au niveau de l’entreprise et au niveau national. Nous assurons la liaison entre les établissements d’enseignement et de formation et les employeurs. Le HRDC travaille en étroite collaboration avec le secteur privé ainsi que d’autres acteurs clés afin d’identifier les besoins en compétences. Pour assurer la formation des personnes sans emploi et remédier au manque de compétences, nous avons mis en place plusieurs programmes de formation et des stages industriels tels que le National Training and Reskilling Scheme (NTRS), le National Skills Development Programme (NSDP) et le Graduate Training for Employment Scheme (GTES).

 

On note une pénurie de compétences hautement spécialisées, notamment dans le secteur des Tic, dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques aux niveaux graduate et postgraduate. Comment y remédier ?

Le programme de GTES, qui compte des formations aux niveaux du diplôme et de la maîtrise, répond en grande partie aux besoins des entreprises quant aux compétences spécialisées. Le HRDC a aussi mis au point un système de remboursement des licences pour les plateformes en e-learning préconisées afin de permettre aux employeurs de se prévaloir des formations non disponibles sur le marché local. Le Skills Development Support for Artificial Intelligence, un programme d’appui au développement des compétences en intelligence artificielle (IA) et des nouvelles technologies associées, a été développé pour répondre aux besoins actuels et futurs des entreprises. Le HRDC offre également des bourses dans le domaine de l’IA et a mis sur pied des programmes de formation en Deep Learning et blockchain destinés à différents bénéficiaires, notamment des professionnels, étudiants et universitaires. Il est nécessaire de renforcer les fonctions d’orientation professionnelle pour assurer l’accompagnement des élèves dans le processus de construction de leur projet professionnel. Dans ce contexte, le HRDC travaille en étroite collaboration avec le Career Guidance Service et depuis peu a formé quelque 160 Senior Educators (des enseignants expérimentés ayant des responsabilités spécifiques pour l’orientation professionnelle des jeunes) sous le programme Integrated Career Counselling System. Le HRDC, conjointement avec le Career Guidance Service, a aussi développé un Career Guidance Toolkit en 2020. Ce document essentiel se veut être un outil de travail pour mieux encadrer les Senior Educators sur l’orientation professionnelle des élèves. Aussi, nous organisons régulièrement, dans les établissements scolaires publics et privés du secondaire, des séances d’information sur les métiers, les carrières et les débouchés. Nous œuvrons à sensibiliser et encourager les étudiants dès le plus jeune âge (Grade 9) à poursuivre des études en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM). Nous organisons aussi des sessions de rencontre entre les élèves et acteurs professionnels qui apportent leur expertise et leurs conseils afin de sensibiliser les jeunes aux exigences et à la réalité du monde professionnel.

 

Ne pensez-vous pas que c’est le décalage entre les besoins de l’industrie et les pénuries de compétences qui pose problème aux secteurs touchés ?

En partie seulement. Il y a d’autres facteurs à considérer. Par exemple, certains sous-secteurs n’ont pas la capacité, les ressources ou les outils nécessaires pour identifier leurs besoins futurs en compétences. Pour les industries qui font face à des fluctuations de la demande, il est difficile, surtout pour les petites entreprises, d’anticiper leurs besoins en compétence, que ce soit à court ou à long terme, alors que pour d’autres, cela n’est pas une des premières priorités. D’autres facteurs liés au décalage entre les besoins de l’industrie et la pénurie de compétences comprennent, entre autres, le manque d’équipements et d’infrastructures de formation ou même un coût élevé pour avoir recours à l’expertise étrangère.

 

Le gouvernement a élaboré le National Skills Development Strategy (NSDS) 2020-2024. Quelles en sont les grandes lignes ? Le secteur privé y est-il pleinement engagé ?

Le NSDS a été développé en étroite collaboration avec le secteur privé, les associations industrielles et Business Mauritius. Ce plan stratégique national a été élaboré avec l’appui technique de l’Agence Française de Développement (AFD) et répond aux besoins contextuels du pays. Il s’agit d’une stratégie par étapes et tous les collaborateurs du système de développement des compétences ont un rôle à jouer. Les stratégies ont été développées de manière à engager les entreprises dans la mise en œuvre du plan d’action pour répondre en permanence à leurs besoins changeants et en tenant compte de la nature dynamique du monde du travail. Le NSDS est au stade de l’approbation ; néanmoins certaines des stratégies urgentes ont déjà été mises en œuvre et font également partie du plan stratégique de notre institution.

 

Il en ressort que l’absence d’un leadership et d’une coordination efficace entre toutes les parties prenantes concernées affaiblit les liens nécessaires pour équilibrer le marché du travail. Est-ce le cas ?

Travailler en collaboration avec toutes les parties concernées est intrinsèque au mandat du HRDC. Selon le HRDC Act, qui réglemente notre fonctionnement, nous avons pour responsabilité de faire la liaison entre les systèmes d’éducation et de formation et le monde du travail, ainsi que de fournir un forum pour le processus de dialogue constant et de consensus entre l’ensemble des acteurs concernés en matière de développement des ressources humaines. Donc, nous organisons souvent des plateformes dynamiques regroupant autour d’une même table les institutions d’éducation et de formation, les employeurs, les opérateurs industriels, les professionnels, les associations industrielles et d’autres partenaires des secteurs public et privé. Nous travaillons aussi avec les étudiants et les personnes sans emploi pour assurer leur formation et intégration sur le marché du travail.

«Il est nécessaire de renforcer les fonctions d’orientation professionnelle pour assurer l’accompagnement des élèves dans le processus de construction de leur projet professionnel»

Il y a actuellement six comités sectoriels – Agriculture, Services financiers, Tic, Manufacturier, Fonction publique, Tourisme – et des comités spéciaux qui sont présidés par le secteur privé, et qui servent de liaison entre le HRDC et leur secteur. Qu’est-ce qui ressort de ces comités sur les stratégies à mettre en place pour la formation ?

Les comités sectoriels du Human Resource Development Council comprennent des professionnels qui représentent les secteurs clés à Maurice. Ce sont des sous-comités du conseil qui ont le mandat de faire des interventions stratégiques dans les domaines où les compétences sont nécessaires. Ils servent de liaison entre le Conseil et l’industrie et se penchent sur les besoins en développement des ressources humaines. Des programmes de formation sous le Sectoral Skills Development Scheme (SSDS) et d’autres projets de développement des compétences émanent de ces comités.

Les représentants du secteur privé sont préoccupés par le manque de compétences socio-émotionnelles chez les jeunes sur le marché du travail. Cela se traduit par une faible assiduité au travail, une mauvaise communication, un manque de travail d’équipe et un manque de leadership. Pensez-vous que les institutions de formation doivent inclure des cursus en soft skills ?

Effectivement, selon nos études sur les besoins en développement des compétences, beaucoup d’entreprises déplorent un manque de compétences socio-émotionnelles chez les candidats. Pour remédier à cette situation, toutes nos formations, que ce soit sous le GTES pour les diplômés sans emploi, ou les formations dispensées sous le NSDP et le NTRS pour les jeunes qui quittent l’école et les chômeurs, nous encourons les entreprises et les centres de formation à incorporer des modules sur les compétences non techniques. Néanmoins, l’école aussi a son rôle à jouer dans l’apprentissage socioémotionnel des jeunes, d’où l’importance d’une orientation professionnelle structurée. Le Career Guidance Toolkit, développé par le HRDC et nos collaborateurs, propose une série d’activités pour développer les soft skills des étudiants.

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