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Un nouveau paradigme se dessine-t-il ?

Comme l’a dit le ministre des Finances, le Dr Renganaden Padayachy, l’éducation est ce qui forgera notre nation. Nous devons de ce fait tendre vers un système d’éducation inclusif et pleinement adapté aux nouveaux besoins de développement de notre économie et de notre société. Alors que nous nous dirigeons vers une économie fondée sur la connaissance et l’innovation, Maurice doit accroître ses capacités et offrir une plus grande diversité de cours, en particulier dans les domaines des nouvelles technologies et de l’innovation.

Pour les observateurs, il faut que Maurice devienne un hub d’éducation qui puisse profiter aux locaux et attirer des talents étrangers qui pourront par la suite travailler dans le pays, comme c’est le cas en Europe. Ainsi, encourager les meilleures universités à s’implanter à Maurice est certainement une bonne initiative pour encourager une culture de start-up après les études. Avoir plus d’interaction gouvernement à gouvernement avec les pays du continent africain est également très important.

Mais nous évoluons actuellement dans une ‘nouvelle normalité’. Comme le souligne Steena Kistnen, General Manager d’Uniciti Education Hub, la Covid-19 a redistribué les cartes en matière d’enseignement supérieur dans le monde et, bien qu’elles soient saines, les logiques de concurrence entre établissements poussent ceux-ci à revoir leurs stratégies de développement et même d’acquisition d’étudiants. Cette ‘nouvelle normalité’ a aussi vu l’émergence d’un modèle hybride d’éducation avec de réels avantages. L’intégration de nouveaux outils technologiques dans l’apprentissage académique prendra graduellement de l’ampleur, pour devenir à terme une partie intégrante du système éducatif à tous les niveaux.

Nouveaux enjeux

L’éducation tertiaire devra encore s’armer pour faire face aux nouveaux enjeux : éducation en ligne, recours plus prononcé aux technologies, maintien de l’internalisation, tout en gardant la motivation pour la recherche. Pour réussir cette transition, il est impératif que les étudiants soient bien équipés ; outil informatique et accès à Internet haut débit, entre autres.

«Cette conjoncture économique globale impacte Maurice, qui devra déployer les moyens nécessaires pour mettre en place de nouveaux dispositifs afin de se hisser comme une destination attirante et refuge pour des étudiants qui hésitent encore à quitter leur pays pour entamer des études supérieures. Dans cette logique, le pays devra considérer, tant sur la forme que sur le fond, d’autres avenues de développement telles qu’élargir son portefeuille de formations pour permettre aux étudiants mauriciens, mais également étrangers, de profiter de formations de qualité sur le sol mauricien et dans cet élan, contribuer à freiner la fuite de cerveaux», fait ressortir Steena Kistnen.

Le gouvernement, dans son ambition de positionner Maurice comme un centre d’excellence, a déjà, dans le dernier exercice budgétaire, signifié l’intention de faciliter l’installation de branch campuses sur le sol mauricien et permettre ainsi aux institutions internationales d’offrir un plus large choix de programmes. L’exercice budgétaire 2020-2021 propose à cet effet un ensemble d’incitations pour encourager les 500 premiers établissements au monde à aménager des campus annexes à Maurice. Ceux-là bénéficieront d’un congé fiscal pendant les huit premières années d’opération et d’une exonération de la taxe sur les technologies de l’information et sur le matériel ainsi que les équipements liés aux technologies de l’information à des fins d’e-learning.

«Cette crise sanitaire a repositionné le phénomène de la mondialisation avec les limites qui le composent. L’initiative du gouvernement est certes ambitieuse et salutaire ; il faudra maintenant toutefois s’adresser à la pertinence des institutions existantes et nouvelles dans leur vocation, ainsi que ‘re-former’ et s’adapter au contexte pour répondre au plus près aux besoins des différents marchés. Un autre enjeu sera de bâtir un écosystème autour de l’étudiant et de la vie universitaire, tout en favorisant une culture de l’innovation pour permettre le développement de talents en local», ajoute Steena Kistnen.

Maurice a certes sa carte à jouer pour rayonner en tant que centre de la connaissance. L’objectif est de façonner des expertises répondant aux besoins réels du pays et non probables, élément primordial pour favoriser l’intégration professionnelle et neutraliser le chômage des diplômés. Effectivement, de jeunes diplômés peinent toujours à trouver un emploi qui correspond à leurs études universitaires et le Human Resource Development Council (HRDC) joue un rôle prépondérant avec le programme Graduate Training for Employment Scheme (GTES). L’objectif du programme GTES est de former les diplômés selon les besoins en compétences des entreprises et ainsi les aider à obtenir du travail. Aussi, le gouvernement, à travers le HRDC, a mis en place le National Skills Development Programme (NSDP) pour faciliter l’intégration des personnes sans emploi sur le marché du travail. L’important, ce sont les compétences acquises et celles recherchées par les employeurs.

Des employés immédiatement

productifs avec le TVET

Par ailleurs, il ne fait plus aucun doute que l’éducation et la formation pour un emploi productif sont des composantes essentielles de la croissance économique et du développement. Le Technical and Vocational Education and Training (TVET) – un aspect du processus éducatif – est de plus en plus considéré comme un outil d’amélioration de la productivité en vue de la croissance économique. Le TVET se concentre sur les applications pratiques des compétences acquises et vise à préparer les stagiaires à devenir des professionnels efficaces dans une vocation spécifique. Il les dote également d’un large éventail de connaissances, de compétences et d’attitudes indispensables à une participation significative au travail et à la vie.

Pour la Banque mondiale, les travailleurs qualifiés améliorent la qualité et l’efficacité du développement, de la production et de la maintenance des produits, et ils supervisent et forment des travailleurs moins qualifiés. En fait, les pays dotés de systèmes de TVET bien établis ont tendance à connaître un taux de chômage des jeunes plus faible. En effet, l’orientation du TVET associée à l’acquisition de compétences relatives à l’employabilité permet de résoudre des problèmes tels que l’inadéquation des compétences qui a empêché de nombreux jeunes de passer de l’école au travail sans heurts.

«Dans l’ensemble, le marché du travail mondial se contracte et la mobilité des talents est de plus en plus omniprésente. Bien sûr, avec la pandémie de la Covid-19, on peut se demander si la mobilité des talents sera la même dans la ‘nouvelle normalité’, mais dans le monde entier, les employeurs recherchent des employés adaptés et immédiatement productifs car la concurrence est féroce. Ici, le TVET a un avantage car grâce à des compétences pratiques, les étudiants de ce secteur bénéficient de l’apprentissage learning-by-doing par rapport à leurs pairs universitaires. De manière générale, le TVET a des taux d’emploi plus élevés et une adoption plus rapide de l’industrie que des universités», explique Yamal Matabudul, Chief Executive Officer de Polytechnics Mauritius.

Celui-ci ajoute que dans le passé, le TVET et le monde universitaire se disputaient différents emplois sur le marché du travail, mais avec une offre excédentaire, de plus en plus, les deux partagent le même «espace d’apprentissage» et parfois la même destination. Mais, encore une fois, le contexte évolue rapidement, le TVET devenant plus sophistiqué avec la technologie et l’automatisation et le monde universitaire voit ses programmes d’études se professionnaliser davantage. Par exemple, on peut ici mentionner la conversion des écoles polytechniques en Angleterre en 1992 en universités. En revanche, au cours des quatre dernières années, plus de 600 universités ont manifesté leur intérêt à se convertir en polytechniques en Chine.

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