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André Pouillès-Duplaix : changement climatique, bâtir une meilleure résilience pour Maurice

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André Pouillès-Duplaix : changement climatique

Le développement durable constitue un enjeu transversal à toutes les interventions de l’AFD à Maurice. Comment l’agence accompagne-t-elle Maurice dans sa transition énergétique ?

Tout d’abord, il faut savoir que l’AFD œuvre à deux niveaux: le développement durable, qui comprend à la fois les questions climatiques et de biodiversité, et le développement économique, qu’il soit inclusif et durable. À Maurice, nous sommes essentiellement sur un portefeuille à deux types d’entrées : une entrée très climat et une entrée infrastructure structurante pour le pays.

Concernant le climat, nous avons financé une troisième ligne de crédit pour le Sustainable Use of Natural Ressources and Energy Finance (SUNREF). L’accord a été signé avec la MCB et la SBM le 11 septembre 2018. Celui-ci comprend 75 millions d’euros de crédit incluant 7 millions d’euros financé par l’Union européenne qui, elle, délègue l’argent à l’AFD. Cela est venu s’ajouter aux 100 millions d’euros des deux précédentes lignes de crédit. Il y aura encore 10 millions d’euros dans le collimateur. Au total, c’est une ligne de crédit de 185 millions d’euros qu’on débloque pour soutenir aussi bien les particuliers que les entreprises dans l’investissement durable. Il y a une troisième banque qui nous a approchés pour intégrer ce programme.

Valeur du jour, SUNREF I et II ont permis l’économie de plus de 234 000 tonnes équivalent de CO2 par an et la création de 15 mégawatts de capacité de production d’énergies renouvelables. Ils ont permis à leurs bénéficiaires d’acquérir des équipements de qualité et de réduire leurs dépenses d’électricité. Les entreprises y ont aussi gagné en compétitivité. SUNREF III vise à poursuivre les efforts engagés mais également à élargir l’appui financier et technique à deux nouvelles thématiques : l’adaptation au changement climatique et l’égalité femmes-hommes.

Nous finançons également le Central Electricity Board (CEB) à hauteur de 16,5 millions d’euros. Cela, pour moderniser deux sous-stations à La Chaumière et Henrietta, afin qu’elles puissent recevoir de l’énergie photovoltaïque intermittente. De plus, nous finançons sous forme de subvention l’Adapt’Action pour Maurice. Cela concerne le financement d’études de vulnérabilité sur des sites prioritaires afin de lutter contre l’effet de la submersion marine, l’augmentation du niveau de la mer, l’érosion et les inondations à Grand-Baie, Pereybère, Port-Louis, Flic-en-Flac, Bel-Ombre, Riambel, Nouvelle-France et Belle-Mare.

Nous avons aussi réalisé une Gap analysis entre la législation mauricienne et le cadre défini à Sendai sur les risques liés aux catastrophes naturelles. Nous aidons aussi la Land Drainage Authority, un organisme créé il y a deux ans, à mettre en place un plan directeur pour le drainage des terres pour l’ensemble de l’île. Ainsi, l’on pourra définir les investissements prioritaires en matière de drainage et de lutte contre les inondations.

Pour revenir au SUNREF, les entreprises mauriciennes et les particuliers profitent-ils de cette ligne de crédit ?

Bien sûr ! Je dirais même à 100 % puisque ce sont les banques qui accordent les prêts aux entreprises mauriciennes ou aux particuliers. Cela permet de subventionner 5 % de l’investissement dans l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique ; 10 % pour ce qui est de l’égalité professionnelle femme-homme et 4 % pour tout projet d’adaptation au changement climatique.

Il semblerait que Maurice dispose d’une longueur d’avance sur le développement durable dans les pays de la région où l’AFD œuvre…

Maurice a certes une longueur d’avance sur les questions de développement durable et de lutte contre les effets négatifs du changement climatique. Mais Maurice peut encore aller plus loin et améliorer son mix énergétique. Cette année, Maurice doit déposer devant la Conférence des Parties (COP) des Nations unies une version révisée de sa contribution au changement climatique. Nous allons apporter notre soutien aux autorités mauriciennes.

Mais vous pouvez aller plus loin en augmentant la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique et en améliorant les questions d’efficacité énergétique, notamment, dans le bâtiment. Vous pouvez aussi aller plus loin dans tout ce qui touche au déplacement et à la mobilité urbaine avec des transports collectifs plus économes. L’inauguration du métro léger en est d’ailleurs la preuve ; le mix énergétique n’est pas 100 % renouvelable, mais il est mieux que le fossile.

D’un autre côté, Maurice peut encore aller plus loin sur l’adaptation des infrastructures et des populations à plus de résilience pour lutter contre les effets de changement climatique. Et, enfin, l’AFD pourrait aider Maurice avec ce que nous appelons un prêt de contingence. Ainsi, s’il y a une catastrophe naturelle comme un cyclone qui dévaste un tiers ou un dixième du pays, nous pourrions apporter des fonds – des sommes variant entre 30 millions et 50 millions d’euros – dans les 48 heures qui suivent. Cela permettra de passer à l’étape de construction et d’appui à la population sinistrée.

Un autre aspect sur lequel nous pouvons apporter notre soutien sur le changement climatique, c’est d’aider la Banque de Maurice pour les banques ou la Financial Services Commission (FSC) pour les compagnies d’assurances à étudier la sensibilité des portefeuilles aux changements climatiques. Il s’agit de voir comment leur portefeuille va résister aux catastrophes naturelles ou encore à une hausse des prix de l’énergie fossile. Si, par exemple, le prix de l’énergie fossile ou du charbon est multiplié par trois, comment les emprunteurs des banques vont rembourser. En Europe, nous faisons de plus en plus cela pour les pays émergents, en Amérique latine et en Asie.

Concernant l’étude de la sensibilité des portefeuilles aux changements climatiques, cette proposition a-t-elle été emmenée devant les organismes concernés à Maurice ?

Nous n’avons pas encore discuté avec la Banque centrale, mais nous en avons parlé avec deux banques, à savoir, la MCB et la SBM. Mais à travers notre Facilité 2050, conçue pour financer l’élaboration par les pays de trajectoires de développement bas carbone et de résilience à travers une assistance technique et le renforcement des capacités, nous pouvons aider à construire une meilleure résilience de Maurice. Mais aussi pour éviter des risques systémiques car il ne faudrait pas que le système financier mauricien soit bloqué ou meurtri par une catastrophe liée à un changement climatique important. Comme vous le voyez, l’AFD peut aider sur beaucoup de sujets en matière de climat.

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Est-ce à dire que Maurice est sur la bonne voie ?

Maurice est effectivement sur la bonne voie. Le pays a pris des engagements courageux en termes d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique ou encore de mobilité de transport. Mais comme je vous l’ai dit, vous pouvez aller plus loin. Il ne s’agit pas là de porter la réflexion sur une période de cinq ans ou de dix ans, mais de réfléchir à l’horizon 2050. Et aussi de travailler avec des partenaires comme l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) qui, par exemple, a fait une étude pour transformer l’île de la Réunion en une île 100 % énergie renouvelable. Ce n’est certes pas pour demain, mais c’est un objectif à l’horizon 2080.

La gestion des déchets est un sujet très important. Comme vous le savez, Maurice n’est pas très en avance là-dessus. La France, à travers l’AFD, a aidé Maurice sur une stratégie sur ce sujet, élaborée par les autorités mauriciennes en 2017. Aujourd’hui, elle demande à être validée. Il y a des comités interministériels qui se sont créés sous l’égide de la primature pour passer à l’étape suivante, dont l’économie circulaire, le tri sélectif, le recyclage. Sur ces questions, nous avons la capacité d’aider Maurice à travailler sur ce que nous appelons l’ERC : Éviter, Réduire et Compenser.

Oui, Maurice est bien avancé, mais Maurice a quand même trois fragilités liées à sa géographie : les risques de catastrophes naturelles ; sa dépendance des énergies fossiles parce qu’aujourd’hui, le pays n’est qu’à 21 % d’énergies renouvelables. Demain, cela passera à 35 % ou 40 %, mais il faut viser les 100 %. Vous êtes aussi dépendant des importations, qui risquent de coûter de plus en plus cher. Actuellement, Maurice importe beaucoup de son alimentation, que ce soit pour l’humain ou pour le bétail. Et cela, de très loin. Pour y remédier, on peut imaginer des processus d’intégration régionale plus proche et ainsi importer de moins loin. C’est une autre de vos fragilités.

Il est vrai que notre facture d’importation augmente alors que, d’un autre côté, nos exportations stagnent. Quelle serait la solution ?

Vous pouvez produire plus de choses à Maurice, y compris en termes de production animale et de production végétale. Je crois comprendre qu’est à l’œuvre une restructuration de la filière sucrière à Maurice. Peut-être qu’il y a un travail sur l’aménagement du territoire à faire à Maurice. Je ne pense pas qu’il faille rêver d’une autonomie alimentaire en la matière. Mais il peut y avoir plus de production locale et des importations qui viennent de moins loin, peut-être de Madagascar ou encore de la côte orientale africaine.

Il est clair que Maurice gagne en économie, puisque le pays entre bientôt au rang des pays émergents à revenu élevé. Cela est une très bonne nouvelle pour vous et la continuité du développement économique du pays. Pour autant, la MCB, avec le cabinet Utopies, a travaillé sur l’étude Lokal is Beautiful.

 Ainsi, on s’aperçoit que la valeur ajoutée va progresser davantage si on arrive à trouver des processus locaux, de production locale, d’utilisation locale, et davantage de consommation locale. Cela est valable pour l’alimentation, l’artisanat ou encore les industries. Il faut donc concevoir des constructions avec des cercles concentriques pour les petits États insulaires comme Maurice, les Seychelles ou comme l’île de la Réunion. Priorité au local, au régional et ensuite quand on ne peut pas s’approvisionner localement et régionalement, il faut aller voir plus loin.

Vous êtes en poste à Maurice depuis deux ans. Quelle est votre analyse de l’économie mauricienne ?

Maurice est un pays qui montre une sorte d’excellence parmi les pays émergents puisqu’il enregistre une croissance de 3,5 % en moyenne par an, voire un peu plus. L’inflation est inférieure à 1 %, le déficit budgétaire à l’endettement est maîtrisé et la stabilité politique permet aujourd’hui de placer Maurice parmi les pays de tête. Pour preuve, Maurice sera bientôt un pays à revenu élevé, mais cela ne vient pas supprimer sa vulnérabilité face au changement climatique. Cela ne supprime pas, non plus, les besoins importants en matière d’investissements publics qu’il va falloir réaliser. Si, par tête d’habitant, avoir le statut de pays à revenu élevé est très bien, en termes de valeur absolue, Maurice reste une économie modeste sur le plan international par rapport à d’autres économies comme l’Europe, les États-Unis ou la Chine.

Maurice poursuit une stratégie ambitieuse axée sur la modernisation des infrastructures, la promotion de la diversification et la stimulation de l’investissement privé. Pensez-vous que tout cela favorisera une croissance inclusive ?

Le gouvernement actuel a mis l’accent sur une systématisation de l’inclusivité lors de sa campagne électorale, avec, notamment, l’augmentation du salaire minimum, de la pension pour les retraités, la part subventionnée en matière d’éducation et de santé, la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la lutte contre les violences à l’encontre des femmes. On pense que c’est la bonne solution et il ne faut pas s’arrêter là. Les chercheurs Kate Pickett et Richard Wilkinson ont démontré que les sociétés qui sont les moins inégalitaires étaient les sociétés les plus heureuses, les plus en bonne santé et plus à croissance économique durable. Donc, on suggère que Maurice continue sur cette voie. En tout cas, il semble que les calculs qui sont faits ne mettent pas en péril les équilibres de Maurice en la matière. Le déficit budgétaire est maîtrisé ainsi que l’endettement. Donc, cette inclusivité systémique devrait permettre d’accompagner la croissance de manière durable.

Nous sommes toutefois confrontés à plusieurs défis structurels, notamment une pénurie de maind’œuvre qualifiée et une population vieillissante…

Vous avez une partie de votre vivier national qui est à l’étranger. Et on pourrait imaginer que cette population puisse être incitée à rentrer au pays pour continuer à construire le développement durable du pays. On n’est pas sûr que le fait d’attirer les populations retraitées étrangères soit la meilleure solution en termes d’image, de revenu et de durabilité. Mais en tout cas, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, que j’ai rencontré en décembre dernier, parlait bien de ce vivier mauricien qui est à l’étranger et qui pourrait bien servir au maintien de la démographie mauricienne. 

Après tout, un processus de développement économique est aussi accompagné par un processus de transition démographique. Ce qui fait que les populations ont moins d’enfants.

Certains estiment que la politique fiscale du gouvernement est expansionniste. Ce type d’approche est-t-elle durable sur le long terme ?

Nous savons que Renganaden Padayachy a lu Thomas Piketty et on peut s’en féliciter parce qu’il est sur des niveaux de responsabilité intéressants. Vous êtes au seuil de l’entrée de Maurice dans la classe de pays à revenu élevé et la réduction des inégalités doit rester une priorité. Tant que vous restez dans les limites raisonnables de cette politique fiscale – ce qui est le cas aujourd’hui – il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Les conditions d’emprunt à l’international sont au plus bas. Il faut plutôt regarder la charge d’intérêt sur la dette publique. Cela reste encore très supportable pour Maurice. Aujourd’hui, Maurice a une fiscalité qui est extrêmement avantageuse. Peut-être qu’il y a un travail d’optimisation et d’affinement qui permettrait de réduire un peu ces avantages fiscaux sans pour autant pousser à la porte les particuliers ou encore les entreprises.

Vous vous êtes doté d’un plafond pour l’endettement et vous êtes à peu près à ce plafond, mais vous avez encore des investissements publics à réaliser. L’AFD a recruté le cabinet Ernst & Young pour essayer d’aider les autorités mauriciennes à trouver des financements innovants qui permettent de financer des investissements publics sans pour autant que cela soit automatiquement reporté sur la dette publique. Donc, on parle de partenariat public-privé, de la mobilisation de l’épargne privée, d’obligations, entre autres. Bref, dans quelques mois, nous allons remettre une étude à ce sujet.

En France – je ne sais pas si ce sera pertinent à Maurice –, nous avons la Caisse des Dépôts et consignations (CDC) qui permet de mobiliser l’épargne privée. La CDC réalise ainsi des investissements publics en termes d’hôpitaux, de transports ou encore de développements urbains. On pourrait imaginer quelque chose comme cela à Maurice.

Vous faisiez référence à la croissance. À Maurice, nous peinons à atteindre une croissance de 4 %. Pourquoi ce seuil psychologique nous fuit-il ?

C’est vrai que 4 % semble être une cible importante. Pour autant, vous êtes entre 3,5 % et 3,9 % depuis de longues années. Vous êtes pratiquement le seul pays au monde à avoir depuis 1968 connu une croissance sans faille. Ce qui est important, c’est la stabilité de la croissance, c’est que vous soyez toujours dans une croissance qui dépasse la progression démographique. Nous évoluons maintenant dans un monde où les ressources sont finies. Nous sommes dans ce qu’on appelle un donut, où nous avons le plancher social avec un certain nombre d’accompagnements sociaux. Et au-delà d’une certaine utilisation des ressources naturelles en termes d’eau, de biodiversité, de sol, de forêts, d’océans, le développement n’est pas durable. Maurice est bien au milieu des deux; vous avez ce plancher social et vous avez également considéré le plafond environnemental.

Donc, je pense qu’il ne faut pas considérer que ces 4 % soient forcément la chose exclusive à atteindre. Dans ce monde fini, la croissance économique ne peut pas être infinie. Si vous continuez à évoluer entre 3,5 % et 4 %, je trouve que c’est parfait. L’importance, c’est d’être socialement et d’un point de vue environnemental entre ce plancher social et ce plafond environnemental. Faute de quoi, votre croissance, même si elle atteint 4 %, ne sera pas durable.

Comment Maurice peut-il contrer les chocs externes alors que la situation mondiale s’assombrit ?

Face aux risques de crise financière mondiale ou encore aux risques de renforcement des mesures fiscales internationales, nous pensons que Maurice ne doit pas dépendre trop fortement de son secteur financier offshore. De plus, Maurice ne doit pas dépendre d’un tourisme trop lointain ; il faut arriver à construire un tourisme régional. Il faut aussi construire des infrastructures plus résilientes au choc climatique et permettre à votre système financier d’analyser la sensibilité aux effets négatifs. Face au risque protectionniste, Maurice doit, le plus possible, assurer sa souveraineté alimentaire et énergétique et rester maître de ses choix en termes d’énergies fossiles et d’alimentation.

Sur l’énergie, il y a trois sujets. D’abord, il faut voir comment réduire la demande en coupant, par exemple, la climatisation, en ne prenant que des douches et non pas des bains. Ensuite, il faut considérer comment arriver à une meilleure efficacité énergétique dans les constructions. Et, finalement, il s’agit de voir comment produire plus d’énergies renouvelables. C’est cela la construction de la souveraineté pour Maurice. C’est pareil pour la souveraineté alimentaire. C’est aménager son territoire pour produire de manière essentielle et importante. Maurice dispose d’un petit territoire, mais on peut quand même faire beaucoup de choses ; les zones agricoles sont encore très importantes ici.

Ce qui est clair aussi, c’est par rapport au choc externe : il faut gérer la résilience d’un côté et ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier en diversifiant son économie. Aujourd’hui, l’économie mauricienne est relativement bien diversifiée. Toutefois, elle souffre, me semble-t-il, de secteurs tels que le sucre et le textile qui ont porté la croissance, mais qui sont aujourd’hui en perte de vitesse. Il faut encourager leur restructuration et aller vers de la valeur ajoutée. D’ailleurs, c’est ce qui se fait dans l’industrie sucrière à travers la production de sucres spéciaux.

Vous dites que Maurice ne doit pas dépendre trop du global business. Où voyez-vous la croissance pour notre secteur financier ?

Maurice a travaillé sur des passerelles entre l’Afrique et l’Asie et vice versa, y compris avec l’Europe. Le système financier est assez développé avec une projection sur l’Afrique et l’Inde. À travers Proparco, l’AFD a accordé un prêt de $ 100 millions à la MCB pour l’aider à se déployer sur l’Afrique et à l’étranger. Je sais que la SBM a également un axe de déploiement sur l’Inde et l’Afrique. Les secteurs sucrier et textile ne sont pas uniquement implantés à Maurice. Maurice doit continuer sur cette voie tout en jouant cette excellence de plateforme possible entre ces continents.

Vous mentionnez Proparco. Est-ce que ce fonds intervient souvent à Maurice ?

Oui. Proparco est une filiale de l’AFD dédiée au secteur privé. Elle intervient pour promouvoir un développement durable en matière économique, sociale et environnementale. Proparco intervient effectivement à Maurice. Nous sommes d’ailleurs actionnaire du groupe CIEL. Proparco a accordé un prêt de $ 100 millions et catalysé $ 50 millions supplémentaires auprès de la DEG, l’institution allemande de financement du développement à la MCB. Au total, c’est une ligne de crédit de $ 150 millions.

Nous sommes en train d’instruire une ligne haute de bilan pour une autre banque à travers une somme de 25 millions d’euros. Nous instruisons également une garantie de portefeuille de 5 millions d’euros pour une autre banque. Je ne peux citer les banques parce que les accords ne sont pas encore signés. Expertise France est une autre filiale qui est en train d’être fusionnée à l’AFD. Celle-ci permet d’apporter de l’expertise et du renforcement de capacité aux entreprises publiques et privées ou aux administrations. Avec Proparco, Expertise France et l’AFD, nous estimons avoir une palette complète pour appuyer un pays comme Maurice ainsi que ses acteurs économiques.

Nous avons l’ambition de peser plus que nos financements. À savoir que nous effectuons des financements sous forme de prêts, de garanties, d’actions et de dons. Mais nous apportons notre propre expertise et celle des fonctionnaires français ou de secteur privé qui peuvent travailler en partenariat avec les acteurs mauriciens.

À Maurice, certaines activités sont-elles financées par des dons ?

Oui. La Facilité Adapt’Action, ce sont 2 millions d’euros de dons. Toutes les études de faisabilité, ce sont aussi des dons. Sur SUNREF, ce sont 75 millions d’euros de prêts et 7 millions d’euros de dons. Quand nous avons financé le port, c’étaient 40 millions de prêts et 3 millions de dons. Quand on finance la modernisation de la Cargo Handling Corporation, ce sont 28 millions de prêts et 1,5 million de dons. Tout ce que nous finançons au niveau régional, ce sont uniquement des dons.

Peut-on en déduire que l’AFD dispose d’un étroit partenariat avec le secteur privé mauricien ?

Certainement ! On travaille en étroite collaboration avec Business Mauritius. D’ailleurs, c’est Business Mauritius qui représente l’assistance technique avec SUNREF. Et qui apporte l’appui aux banques et aux investisseurs privés. Nous sommes aussi en contact avec cette organisation sur le Programme d’Efficacité Énergétique, les questions de développement durable, la préservation des écosystèmes côtiers. De plus, Proparco fait le lien avec elle pour financer les entreprises privées.

Maurice est un pays où le secteur privé embarque le développement économique. Et derrière, le secteur public, une fois très sollicité par le secteur privé, va gérer les législations correspondantes. En France, c’est le secteur public qui accorde les incitations. Ici, c’est le secteur privé qui mène l’expérimentation. De son propre chef, la MCB a adopté les initiatives Lokal is Beautiful et Klima Neutral 2050.

L’égalité hommes-femmes est un sujet très important pour l’AFD. D’ailleurs, SUNREF III vise également à élargir l’appui financier et technique en ce sens. Êtes-vous satisfait des actions prises par Maurice sur ce sujet ?

Nous essayons d’être impliqués sur ce sujet, mais il faut savoir que c’est compliqué. Pour l’instant, nous n’avons pas encore eu de projet soumis en la matière. Mais nous souhaitons le promouvoir et nous proposons une incitation financière à hauteur de 10 % pour des projets ayant trait à l’égalité hommes-femmes.

Nous savons que ce sujet est pris en compte par le gouvernement mauricien. Pour autant, il nous semble que nous pouvons encore aller plus loin en termes de représentativité à l’Assemblée nationale, au sein des conseils d’administration, dans les entreprises publiques et privées. Il y a un gros travail à faire là-dessus.

Nous avons soutenu le Maroc dans la concrétisation de son ambition d’institutionnaliser la Budgétisation sensible au genre (BSG), qui est une approche transversale et multisectorielle pour lutter contre les inégalités entre les sexes. L’AFD soutient la démarche ambitieuse du Maroc en finançant un prêt de politique publique afin que la BSG devienne un véritable outil de pilotage de l’action publique marocaine ciblée sur la réduction effective des inégalités de genre. En parallèle, l’AFD déploie un programme de renforcement des capacités pour accompagner l’appropriation de la BSG et sa bonne application par tous les ministères.

Un projet pareil peut se faire à Maurice. Toutefois, il faut que la demande émane du gouvernement mauricien.

En termes de financement, le pays s’appuie fortement sur les relations bilatérales. Dans quelle mesure est-il souhaitable de dépendre de prêts généreusement accordés par des pays comme la Chine et l’Inde ?

Il est vrai qu’on connaît mal les conditions financières associées au financement chinois et indien. C’est donc un peu difficile d’en parler. La France, à travers l’AFD, est tout à fait transparente. Je pense qu’il faut éviter de travailler en silo, les Français d’un côté, les Chinois d’un autre et les Indiens d’un autre. Ce qui serait bien, c’est que tous puissent travailler ensemble sur la base de politique publique. Par exemple, ce serait intéressant de financer un schéma directeur national – la France peut le faire – sur le transport à Maurice et que cela soit un document produit par les autorités mauriciennes avec l’appui de différentes expertises. Et ainsi définir qui finance quoi.