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Carine Charlette-Katinic : «La saisie des avoirs est un outil puissant contre le crime»

L’affaire Franklin a propulsé la financial intelligence unit (FIU) au-devant de la scène. Cet organisme autonome et indépendant, qui ne prend pas de mandat des autres, a joué un rôle crucial dans la mise en oeuvre du plan du groupe d’action financière (GAFI) pour sortir Maurice de la liste noire de l’Union Européenne. Aujourd’hui, la FIU est la régulatrice pour les professions et institutions non financières telles que le secteur de l’immobilier. Sa Directrice, Carine Charlette-Katinic, est également la vice-présidente de l’information exchange working group du Groupe Egmont et la Présidente de l’Asset Recovery Inter-Agency Network of Southern Africa (ARINSA). Elle nous parle de l’importance capitale de la FIU pour le pays. Elle s’est confiée en exclusivité à Business Magazine.

La Financial Intelligence Unit (FIU) a vu le jour en 2002 dans le but d’agir comme une agence nationale de renseignement financier afin d’enquêter sur les cas suspects de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Pouvez-vous nous préciser les paramètres légaux dans lesquels opère la FIU ?

Tout d’abord, j’ai tenu à faire cet entretien – aujourd’hui plus que jamais et cela, après l’affaire Franklin – parce que je veux que l’île Maurice et les Mauriciens comprennent qu’ils ont parmi leurs organisations une Financial Intelligence Unit qui fait partie d’un groupe de FIU à l’international qui opère au même niveau. Nous sommes une organisation de premier plan qui applique totalement les meilleures pratiques internationales, avec des protocoles et des règles strictes concernant notre identité, notre mode de fonctionnement, la manière dont nous utilisons les informations et ce que nous faisons à ce sujet. Nous avons le privilège et la grande responsabilité d’avoir accès à l’information et nous n’avons pas besoin de l’ordre d’un juge pour cela. À la FIU, nous sommes tous dévoués, absolument amoureux de notre sujet d’intérêt, et la formation, la sensibilisation et les meilleures pratiques sont capitales pour nous.

La FIU se compose de trois divisions distinctes. La première est la Financial Intelligence Analysis Division, division à laquelle la plupart des gens nous associent. La deuxième est l’Asset Recovery Division, qui a été ajoutée à notre mandat en 2016 et qui est un outil crucial au sein d’une FIU. La troisième division est la dernière à avoir été ajoutée à la FIU ; il s’agit de la Compliance, qui concerne l’Anti-Money Laundering/ Combating the Financing of Terrorism (AML/CFT). Dans cette division, nous avons un rôle de superviseur. Nous supervisons ce que nous considérons comme étant des domaines d’intérêt où il est possible de blanchir de l’argent ou de financer le terrorisme. Ces domaines comprennent le secteur de l’immobilier, des négociants en métaux précieux et en pierres précieuses et, enfin, des praticiens du droit indépendants (notaires, avocats). L’année dernière, en juillet, nous avons également reçu un mandat supplémentaire, soit la supervision des cabinets d’avocats, ce qui est assez logique.

Ainsi, nous sommes l’organe central pour obtenir des informations financières, pour enquêter et analyser ces informations, les données financières, et nous connectons ensuite les points. C’est beaucoup de travail où nos analystes – nous avons d’excellents analystes qui sont formés au niveau international – sont au courant de tout ce qui se passe. Nous analysons les informations, nous retraçons les informations et nous développons un money map et social mapping pour savoir qui a de l’argent sale, quel crime a été commis, qui sont les associés, qui sont ceux qui ont aidé ces gens à blanchir l’argent et où est l’argent blanchi ; bref, qui possède quoi et où. Nous demandons et recevons également des informations des autorités chargées de l’application de la loi, qu’elles soient locales ou internationales.

Par exemple, nous partageons des informations avec les autorités chargées de faire respecter la loi, c’est-à-dire la police, à qui il appartient d’ouvrir une enquête. Nous n’avons certes pas les mêmes pouvoirs que la police, mais nous avons divers autres pouvoirs qui nous permettent d’enquêter sur tout ce qui touche au blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Dans la division des enquêtes financières – le côté renseignement financier – nous avons des agents qui sont très bien formés. C’est une compétence qui s’acquiert et ils sont formés internationalement. Ils ne cessent de se perfectionner car la criminalité change et nous devons être à jour concernant les méthodes qu’utilisent les criminels ici et à travers le monde. Je dois dire que nous travaillons discrètement. Par ailleurs, nous comptons également sur le fait que les informations nous soient fournies en temps voulu.

Une fois que nous avons transmis des renseignements aux autorités compétentes, c’est à ces autorités d’enquêter et de prendre les mesures d’après leur mandat respectif. S’il y a de nouvelles informations, nous les analysons de sorte que, quelle que soit l’enquête en cours, nous apportons notre aide. Mais il faut faire la différence entre les renseignements et les preuves.

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