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Croissance durable : le nouveau challenge du monde des affaires

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Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer dans le développement durable du pays, estime Clency Appavoo, président de la Mauritius Employers Federation (MEF). Les réglementations ne suffisent pas, selon lui. La culture d’entreprise, des valeurs fortes et un fort sens du leadership aux plus hauts échelons sont des éléments cruciaux pour concrétiser le développement durable au sein des entreprises.
Il y a trente ans, la plupart des hommes d’affaires pensaient qu’il fallait d’abord faire des profits, puis songer à protéger l’environnement, explique Rama Sithanen, ancien ministre des Finances. Amartya Sen a été probablement le premier économiste à affirmer qu’il fallait intégrer l’élément humain et l’environnement dans la prise de décision économique, pour permettre à l’entreprise ou au pays de vraiment prospérer dans le sens large du terme.
Le temps des choix difficiles
Pour respecter cette équation, observe Rama Sithanen, des choix difficiles doivent être consentis afin de mitiger les effets de la récession actuelle, tout en promouvant une croissance robuste et inclusive.
« Dans le milieu des années ’70, il y avait un débat acrimonieux sur le type de développement qui serait approprié pour Maurice. Par la suite, nous avons mis en oeuvre l’ouverture économique. Aujourd’hui, il faut poursuivre cette ouverture que ce soit en termes de stratégie économique, de nouvelles idées, de technologie et d’investissement. » Il reconnaît qu’il y a eu des critiques sur certains effets de l’ouverture économique, notamment dans le secteur immobilier, mais estime qu’il faut savoir gérer ces désavantages. Il faut aussi continuer à créer un climat des affaires favorable et redoubler d’effort pour attirer l’investissement local et étranger.
Sur le dossier de la fiscalité, Rama Sithanen revient sur le barème uniforme de 15 % initié par lui-même et qu’il a justifié, tout en maintenant qu’il faut une « progressivité » dans le système fiscal, avec d’autres taxes comme la PropertyTax, la taxe sur les dividendes et sur les intérêts, la taxe pour le CSR, la Gaming Tax et la Capital Gains Tax. Selon lui, l’abolition de ces taxes n’est pas une bonne chose car elle prive le pays de revenus qui auraient pu servir au développement social et environnemental dans des villages. À cet égard, il a cité la foire de Belle- Rose et le début des travaux pour la rénovation du Plaza et du théâtre de Port-Louis.
Miser sur le capital humain
Il faut doter le pays d’infrastructures de qualité dans des domaines comme l’eau, l’énergie, l’accès aérien et l’efficience énergétique, estime Rama Sithanen. Avec le vieillissement de la population, l’ex-ministre des Finances prévient que la main-d’oeuvre va diminuer dans les années à venir et qu’on devra investir massivement dans le capital humain. Il faudra aussi trouver de l’argent pour développer l’énergie renouvelable, l’énergie photovoltaïque et l’éolienne. Il faut aussi mettre l’accent sur l’efficience énergétique, argue l’ancien ministre. En misant sur l’efficience énergétique, le secteur privé a le potentiel de réaliser une économie de Rs 1 milliard par an sur sa facture énergétique. Cela a d’ailleurs été prouvé dans une étude menée par l’Application européenne de technologie et service (AETS) et commanditée par le Joint Economic Council et l’Agence Française de Développement.
Jusqu’à maintenant, ce qui a empêché les entreprises d’atteindre cet objectif c’est l’absence d’informations sur le sujet, ainsi que l’absence d’une institution privée capable de conseiller et d’aider les entreprises à réduire leur consommation d’énergie, explique le représentant d’AETS. Franck Draganaud, du cabinet AETS, suggère ainsi un plan d’action en quatre axes. D’abord une campagne d’audits énergétiques, sachant que ce genre d’audit demeure inexistant à Maurice à ce jour. De même, il recommande la mise en place de formations pour des Energy Officers qui auront pour mission de s’assurer de l’efficacité énergétique dans les entreprises. En outre, Franck Daganaud évoque la nécessité de disséminer un maximum d’informations sur l’efficience énergétique à travers des ateliers de travail, brochures, guides techniques, notamment.
De son côté, Jean Pierre Hardy, collaborateur de Joël de Rosnay, ne comprend pas pourquoi les entreprises mauriciennes tardent à investir dans les énergies renouvelables. Il déplore que certaines entreprises tentent de se justifier en arguant que l’énergie renouvelable coûte trop cher. Hors, ce n’est pas le cas sur la durée, insiste-t-il, surtout si ces entreprises considèrent l’évolution de leur facture énergétique dans le futur. Les entreprises doivent relever le défi de l’équité sociale, poursuit Jean-Pierre Hardy. Il déplore : « Ce n’est pas possible que 80 % des ressources naturelles de la planète soient consommées par seulement 20 % de la population. Cela démontre l’échec cuisant du système capitaliste. Le développement durable peut et doit devenir un pôle de croissance. »

Pas de croissance durable sans des réformes
Pour assurer une croissance économique durable, Rama Sithanen est d’avis que le pays doit savoir trancher et entamer les réformes nécessaires dans des secteurs comme l’État-providence, le marché de l’emploi et les corps paraétatiques. « Notre système de protection sociale n’est pas soutenable dans le temps avec notre population vieillissante et dans le futur ce sera difficile d’atteindre des taux de croissance de 5 à 6 % si ces réformes ne se font pas », avance-t-il.

Secteur financier : développer une masse critique
Notre centre financier mauricien a développé un sens de l’éthique et de bonne gouvernance ces dernières années, observe Clairette Ah Hen, Chief Executive de la Financial Services Commission.
L’un des défis à venir, selon elle, pour assurer une croissance durable dans le secteur financier, c’est de développer une masse critique de professionnels en vue d’offrir des services financiers à plus forte valeur ajoutée. Maurice souffre également d’un manque de banques d’investissements avec suffisamment d’expérience et de crédibilité. Il n’y a pas non plus assez de firmes privées engendrant des opérations de Merger & Acquisitions.
En outre, le secteur fait face à des contraintes qu’il faudra surmonter pour pérenniser son développement dans le futur, à l’instar des frais de connectivité élevés, d’un manque de connexions aériennes et maritimes, d’un niveau d’investissement intra-régional et intracommercial très minime.

Tic : investir dans la recherche et les talents

Les défis pour assurer une croissance durable dans le secteur des Tic sont nombreux, soutient Vidia Mooneegan, Managing Director de Ceridian. « Nous n’avons même pas un Roadmap pour le développement du secteur. Où voulons-nous que le secteur soit dans dix ans ? Personne ne peut répondre à cette question. Il y a un manque de vision flagrant. Un des gros problèmes est la connectivité Internet. Savez-vous que notre vitesse d’Internet figure parmi les plus lentes au monde ? » Par ailleurs, pour assurer un développement durable dans le temps, les entreprises du BPO doivent recruter beaucoup de talents : 4 000 par an, selon Vidia Mooneegan. Mais il s’agit de former davantage de jeunes pour fournir des services plus pointus. Il cite le cas de l’Estonie. Ce pays a la même population que Maurice et son secteur des Tic emploie le même nombre de personnes (16 000). Par contre, en Estonie, le secteur des Tic produit trois fois plus que Maurice (3 milliards d’euros en 2011). « La différence c’est qu’en Estonie, il y a 9 000 personnes qui travaillent dans le R & D pour les Tic contre 681 à Maurice. C’est cela notre point faible, nous avons un gros problème sur le plan de la recherche. Il est intéressant de savoir que l’Estonie est la plus importante plate-forme de développement pour des géants informatiques comme Skype », indique Vidia Mooneegan.

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