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Dhanesswurnath Thakoor : «La sortie de Maurice de la liste noire va permettre d’attirer plus d’investisseurs»

Depuis le 13 mars, Maurice ne figure plus sur la liste des pays tiers à haut risque de l’union européenne. C’est un chapitre sombre qui se referme. Aujourd’hui, le secteur du Global Business est très bien régulé, embrassant un haut niveau de conformité aux réglementations internationales sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. À la Financial Services Commission, on est conscient que la sortie de la liste noire n’est pas une fin en soi et qu’il est primordial de continuer à exercer un contrôle rigoureux. Son Chief Executive, Dhanesswurnath Thakoor, répond aux questions de Business Magazine sur l’avenir du secteur financier.

C’est désormais officiel : Maurice ne figure plus sur la liste noire de l’Union européenne. Est-ce que l’on peut dire que le pays a toutes les cartes en main pour se positionner comme un centre financier international à la confluence entre l’Asie et l’Afrique ?

En effet, la sortie de Maurice de la liste noire de l’Union européenne et, auparavant, le retrait de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), donnent un boost à notre ambition de devenir un centre financier international de choix, positionné stratégiquement entre l’Asie et l’Afrique. Nous possédons plusieurs atouts. D’abord, le fait que Maurice ne figure plus sur aucune liste grise ou noire fait qu’on est perçu comme une juridiction conforme aux normes internationales, et cela attire beaucoup d’investisseurs. Puis, les accords de libreéchange entre l’Inde et Maurice, entre la Chine et Maurice, et également entre l’Afrique et Maurice font que nous offrons plus de valeur ajoutée aux investisseurs. Ces derniers peuvent utiliser ces accords à leur avantage, et donc se servir de Maurice comme une plateforme financière.

Dans quelle mesure la présence de Maurice sur la liste noire a-t-elle impacté la performance du secteur du global business ?

Il n’est pas évident d’évaluer l’impact direct de notre présence sur la liste noire, sur la performance du secteur du global business parce que pendant cette période il y a eu d’autres facteurs qui ont influencé cette performance. D’abord, nous étions en pleine pandémie. L’impact sur le monde des affaires s’est fait sentir au niveau global. Et puis, nous avons connu la fin du Grandfathering sur les GBC 2. Cela a engendré des changements d’un point de vue structurel au profit des sociétés opérant dans le global business. Aussi, bien qu’il y ait eu une baisse dans le nombre de nouveaux fonds qui ont été incorporés à Maurice – passant de 993 à 949 pour la période 2020-2021 jusqu’à présent –, nous avons observé qu’il n’y a pas eu d’exode de compagnies incorporées à Maurice vers d’autres juridictions pendant cette période. La raison est que comme nous étions en train de travailler pour sortir de la liste grise du GAFI ; nous avions également communiqué suffisamment pour que les investisseurs gardent leur confiance et restent chez nous.

Depuis 2016, le secteur du global business se réinvente. Il y a eu notamment l’épisode de la révision de la convention fiscale avec l’Inde. Puis, il y a eu les réformes fiscales et réglementaires dans le cadre du BEPS. Avec la conformité aux réglementations du GAFI, estce que la boucle est presque bouclée ?

Oui et non. La révision de la Mauritius-India DTAA est définitivement un chapitre du passé et le secteur s’est certainement adapté à la nouvelle réalité changeante. Maurice a pris les mesures nécessaires pour se conformer aux exigences du BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) en ce qui concerne les réformes fiscales entreprises, ainsi que les modifications réglementaires apportées aux législations pertinentes en 2018. Entre-temps, dans le cadre de ses fonctions de réglementation, la FSC a surveillé les exigences en matière de substance auxquelles doivent satisfaire les entités du global business. Cette surveillance est constante. Concernant la conformité aux exigences du GAFI, toutes les parties prenantes se sont engagées à faire en sorte que Maurice continue sur sa lancée afin de garantir une conformité constante aux exigences de l’organisation. La boucle est donc presque bouclée par rapport aux exigences d’aujourd’hui, mais il y a d’autres défis qui se profilent à l’horizon. Le monde des services financiers est très dynamique et tout changement dans l’environnement des affaires a un impact direct sur ce qu’on fait.

«Il n’y a pas eu d’exode de compagnies incorporées à maurice vers d’autres juridictions»

Sortir de la liste noire ne constitue en aucun cas un acquis. Au niveau de la Financial Services Commission, comment est-ce que vous vous êtes organisé pour veiller à ce que les Management compagnies se conforment scrupuleusement aux recommandations du GAFI ?

Les premières sociétés de gestion, à savoir les Managing companies, sont des institutions financières au sens de la FIAMLA (Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act). Elles ont des obligations fiduciaires pour assurer le respect des exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT) Au niveau de la FSC, nous avons mis en œuvre notre cadre de surveillance basé sur le risque pour les institutions financières. Notre approche est en deux volets. D’une part, nous avons expliqué le cadre aux sociétés de gestion par le biais d’un certain nombre de sessions de sensibilisation et de formation et, d’autre part, nous avons élaboré des manuels et des lignes directrices lorsque cela était nécessaire. Je peux mentionner qu’au cours de la mise en œuvre de ce cadre de supervision basé sur le risque, nous avons publié notre manuel d’inspection de conformité, notre manuel de contrôle hors site, notre manuel d’application, le cadre réglementaire des sanctions administratives et le cadre des règlements. Dans le même temps, nous avons élaboré le manuel de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, les lignes directrices sur la mise en œuvre des sanctions financières ciblées et la note d’information sur les audits indépendants. Concernant notre cadre de surveillance basé sur le risque, nous avons un cycle dans lequel nous émettons des questionnaires de surveillance hors site à environ 1 900 entités et nous effectuons dans notre cycle, approximativement, 350 inspections sur site et 650 examens hors site. En conséquence, nous nous assurons que les entités que nous jugeons à haut risque sont inspectées dans l’année et veillons donc à ce que les sociétés de gestion respectent les exigences de la loi. Je souhaite également faire ressortir que l’année dernière, lorsque nous avons terminé un cycle, nous avons observé une augmentation du taux de conformité, qui est passé de 65 % au début à 80 % et plus à la fin du cycle. Ce qui signifie que les sociétés de gestion et les institutions financières adoptent désormais une culture de conformité.

À quelle fréquence se font les inspections ?

Notre approche n’est pas de faire des inspections sur une base de fréquence. Nous adoptons plutôt une approche de supervision basée sur le risque, ce qui signifie que selon notre cadre, lorsque nous émettons ces questionnaires sur le blanchiment d’argent, nous faisons une évaluation, nous classons les institutions dans la catégorie de faible risque, de risque moyen, de risque élevé, entre autres. Nous faisons en sorte que celles qui tombent dans la catégorie de risque élevé soient inspectées sur une base annuelle.

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