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Hemraj Ramnial : «Maurice est sorti plus fort de la crise»

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HEMRAJ RAMNIAL (CHAIRMAN DE L’ECONOMIC DEVELOPMENT BOARD)

2021 aura été une année de transition. Bien que subissant toujours l’impact de la crise, l’économie mauricienne amorce graduellement son redressement, observe le chairman de l’Economic Development Board. Dans l’entretien qui suit, Hemraj Ramnial, fait remarquer qu’il était primordial de sauvegarder les emplois et d’assurer la survie des entreprises. Désormais, il s’agira de consolider notre résilience tout en bâtissant une croissance durable et forte, laquelle doit être soutenue par la consommation, les exportations, les dépenses d’investissement du gouvernement et, surtout, les investissements du secteur privé, qui comprennent les investissements directs étrangers.

Après une forte contraction de -14,9 % en 2020, l’économie mauricienne a amorcé graduellement sa reprise cette année. On devrait terminer 2021 avec une expansion de 4,8 % du PIB. Quel regard jetez-vous sur l’année qui se termine ?

En marge de la crise sanitaire qui a ébranlé le monde, plusieurs économies, dont la nôtre, ont été prises au dépourvu par l’ampleur et la propagation rapide du virus. Cependant, il est indéniable que nous terminons l’année 2021 dans une situation bien meilleure qu’en janvier. En effet, 2021 a redonné de l’espoir, et a surtout permis de redémarrer la machinerie économique pour une relance solide. Le succès de la campagne de vaccination et son déploiement réussi auprès de la population ont définitivement renversé la vapeur et jeté les bases pour la réouverture de nos frontières et la reprise de nos activités économiques. Cela dit, il y a également eu des revers avec le second confinement qui a ralenti le rythme de la reprise, et le variant Omicron qui a provoqué des ondes de choc à travers le monde. Il faut néanmoins souligner qu’il y a un regain de confiance car nous constatons aujourd’hui une reprise honorable des exportations, des investissements, des arrivées touristiques ainsi qu’un retour à l’optimisme au sein de la communauté des affaires.

Depuis l’éclatement de la crise, Maurice a dû batailler dur pour ne pas se laisser emporter par la tempête. Outre les effets pernicieux de la crise, le pays s’est retrouvé sur la liste noire de l’Union européenne. Avonsnous gagné en résilience et en maturité ?

Certainement ! Tout d’abord, je tiens à saluer les efforts et engagements entrepris par le gouvernement mauricien au plus haut niveau afin de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour l’application du plan d’action du Groupe d’action financière (GAFI). Il faut aussi souligner que le Comité technique (Core Working Group) placé sous la présidence du secrétaire financier, Dev Manraj, comprenant toutes les instances publiques y compris l’EDB et les représentants du secteur privé avait pour but d’appliquer le plan d’action du GAFI qui a permis la sortie de Maurice de la liste grise en octobre dernier. Notre juridiction a réalisé d’importants progrès en termes d’amélioration et de renforcement de notre régime en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Malgré tous les défis, le secteur financier a enregistré une croissance positive de 1 % alors que presque tous les autres secteurs se sont contractés en 2020. De plus, les flux de capitaux domiciliés par des Global business companies (GBC) à travers notre centre financier ont également atteint un montant supérieur et s’élevaient à 322 milliards de dollars en juin 2020. Autrement, malgré la crise, le secteur des technologies de l’information et de la communication (Tic) a maintenu le cap, faisant ainsi preuve d’une résilience qui a grandement contribué à maintenir l’économie à flot. Les entreprises opérant dans ce secteur se sont rapidement réadaptées et ont revu leur mode d’opération en privilégiant un modèle de travail hybride et l’adoption des technologies numériques. La Covid-19 a agi comme un catalyseur pour la transformation numérique dans plusieurs secteurs économiques, notamment l’éducation, la santé et le commerce. Il faut aussi saluer les mesures annoncées et mises en place par le gouvernement pour soutenir l’activité et préserver le tissu économique comme le Wage Assistance Scheme, le Self-Employed Assistance Scheme parmi tant d’autres. Ces mesures ont grandement aidé à éviter un écroulement total de l’économie et, couplé aux annonces budgétaires, ont jeté les jalons pour une reprise plus rapide de l’activité économique.

«Il est indéniable que nous terminons l’année 2021 dans une situation bien meilleure qu’en janvier»

Est-ce qu’on peut dire que 2021 aura été une année de transition ?

L’économie mondiale, même avant la Covid-19, était déjà confrontée à de constantes transitions et perturbations, que ce soit dans les domaines de l’énergie, du commerce, des chaînes d’approvisionnement ou de la technologie. Il y a quelques années, nous parlions de la technologie blockchain, puis l’intelligence artificielle a émergé et maintenant nous parlons du métavers. Nous avons vu l’émergence du télétravail, des réunions en ligne et une automatisation accrue des processus commerciaux. En 2021, le gouvernement a annoncé une série de mesures radicales afin d’accélérer la transition énergétique, ce qui aura des impacts importants à moyen et long termes sur notre économie, que ce soit sur nos importations ou sur la productivité. Des retombées semblables sont attendues avec les nouveaux accords commerciaux que nous avons signés avec l’Inde et la Chine.

Ces accords augurent une nouvelle ère pour nos entreprises, tant pour les produits que pour les services. De plus, lors du dernier Budget, le ministre des Finances, de la Planification économique et du Développement a annoncé l’émergence d’une nouvelle économie qui se concentrera sur la biotechnologie, les produits pharmaceutiques, l’enseignement supérieur et la transition énergétique pour nous mettre sur une trajectoire de croissance durable et inclusive. Cependant, le travail ne s’arrête pas là et l’économie doit être à la fois résiliente et agile. De même, nous devons renforcer notre capacité à maintenir un avantage concurrentiel dans cet environnement imprévisible et hautement volatil.

Certes, la crise sanitaire est toujours là, mais la bonne nouvelle, c’est que l’économie est à nouveau pleinement fonctionnelle. Selon vous, combien de temps prendra la reconstruction ?

La découverte du variant Omicron a conduit à des revers indésirables mais, dans une certaine mesure, attendus pour ce qui est de la reprise qui avait commencé dans le tourisme. Les exportations de produits, par exemple, devraient atteindre les mêmes niveaux qu’en 2019, et les dépenses de consommation sont nettement plus élevées que l’année dernière. Par ailleurs, on note avec beaucoup d’encouragement que certains secteurs tels que les Tic et les services financiers ont enregistré une croissance positive malgré la crise et un PIB qui s’est, quant à lui, contracté de 14,9 %. Cela dit, la contraction économique de l’an dernier a été particulièrement aiguë et les dommages causés pourraient avoir un impact non négligeable sur la production potentielle. Cependant, la dynamique à court terme est encourageante, et si l’élan se maintient et en l’absence de toute autre pierre d’achoppement majeure, nous pourrions éventuellement revenir à nos niveaux d’avant la Covid-19 à court ou à moyen terme. L’EDB, sous la supervision du ministère des Finances, travaille étroitement avec le gouvernement pour accélérer le retour de l’économie à la normale. Avec les mesures du récent Budget, nous sommes en train d’intensifier les efforts de relance.

La crise nous a appris que le pays doit accélérer son processus de diversification économique et ne plus s’appuyer sur cinq ou six piliers. Est-ce que l’EDB a déjà défini la nouvelle orientation du développement économique de concert avec les autorités ?

L’EDB a toujours été un partenaire stratégique du gouvernement dans l’élaboration des politiques, compte tenu de notre proximité auprès des investisseurs ainsi que notre connaissance des évolutions possibles de l’économie. Ce partenariat s’est révélé mutuellement avantageux tout en assurant qu’il n’y a pas d’inadéquation entre l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. L’EDB est souvent appelé à formuler et soumettre des recommandations au gouvernement. Dans le dernier Budget, plusieurs incitations et mesures ont été annoncées pour catalyser l’émergence de nouveaux secteurs d’activité, notamment l’évolution dans la haute technologie, les produits pharmaceutiques, la biotechnologie, l’éducation et le marché pour les seniors (Silver economy). Or, s’il est important de se diversifier dans de nouveaux secteurs, nous considérons qu’il est également important d’exploiter de nouveaux créneaux dans des secteurs bien établis. Nos entreprises ont le potentiel d’améliorer leurs offres avec des produits à plus forte valeur ajoutée. En vue de fournir une plateforme efficace et collaborative pour renforcer le dialogue public-privé afin de relever les défis et d’exploiter de nouvelles opportunités, le ministère des Finances, de la Planification économique et du Développement a constitué quatre comités mixtes placés sous l’égide de l’EDB. Le comité placé sous la présidence du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, vise à institutionnaliser les échanges et assurer un suivi régulier des problématiques de nos industries et entreprises.

«Les services financiers ont enregistré une croissance positive de 1 % alors que presque tous les autres secteurs se sont contractés en 2020»

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