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Jacques Charles : «L’écologie est dans l’ADN de Heritage Resorts»

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Jacques Charles : «L’écologie est dans l’ADN de Heritage Resorts» | business-magazine.mu

Comment le groupe Heritage Resorts intègre-t-il la notion de développement durable dans son offre ?

Le développement durable est un modèle de croissance intégrant les contraintes liées à l’environnement, au fonctionnement de la société et l’économie. Il faut trouver un équilibre et une cohérence entre ces trois fondements. Le développement durable intéresse tout le monde. Il doit répondre à des besoins immédiats, actuels, mais également être une approche à long terme. Ce qu’on met en place aujourd’hui ne peut pas être dissocié de l’effet que cela aura sur les générations futures.

Personnellement, je rajoute qu’il y a aussi un aspect éthique lié au développement durable. On doit penser global, pour la planète, et agir localement, pour Maurice et pour Bel Ombre, où l’on est situé. Par exemple, nous sommes concernés par ce qui se passe en Amazonie, mais, ici, on a un véritable pouvoir d’action.

J’ai toujours été passionné par la nature. Enfant, je me suis toujours interrogé sur les inégalités qui existaient sur la planète, entre ceux qui souffrent dans le désert, sans eau, et les sociétés urbaines où l’on se permet de couler un bain. Au fil des années, la maturité a pris le dessus. Et j’en suis arrivé à me demander, comment moi, dans mon activité professionnelle, je pouvais répondre à ces problématiques de protection de l’environnement et d’actions contre les inégalités. Le développement durable permet de s’y pencher. On est sur une île ici, et la montée des eaux qui menace les Maldives m’interpelle. 

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Avez-vous une feuille de route concernant vos initiatives en matière de développement durable ?

Nous nous attachons à mettre Bel Ombre dans le contexte naturel mauricien. La déforestation et l’urbanisation gagnent du terrain. Il faut redonner la vraie vie naturelle, de la montagne jusqu’au lagon. On redonne vie à ce qui a été perturbé. Ce qui est pollué, on le dépollue. Ce qui n’existe plus, on le réintroduit. C’est cela notre obsession à Bel Ombre. 

L’objectif est de préserver cet environnement : il faut le mettre en valeur et le faire découvrir. Il y a une vraie notion d’enseignement derrière. Nous disposons de 1 200 employés. On se dit que s’ils repartent tous chez eux avec une meilleure connaissance de la protection de l’environnement, cela peut avoir un impact certain localement. Les jeunes qui mûrissent avec cette approche la transmettront à leurs enfants. Donc, l’impact s’étend aux générations futures.

Cette feuille de route est permanente. Déjà, nous avons recruté un Sustainability Management Executive en la personne d’Alexandre Piat pour mener de front les projets au quotidien. Il faut un expert qui agisse comme la locomotive pour accompagner cette multitude de projets et constamment repérer ce qui peut être amélioré, être à l’écoute des feed-back et assurer la formation. Il y a eu une très nette différence avant et après son arrivée.

Par ailleurs, nous avons mis en place un comité environnemental avec les acteurs clés des hôtels, des directeurs, des responsables de ressources humaines et des ambassadeurs de projets.

Il est clair que nous voulons diminuer notre impact environnemental, notamment en suivant des indicateurs clés de performance (KPI). Parmi, les KPI que nous suivons, il y a les services publics, à savoir, l’eau, le gaz et l’électricité. On a une gestion raisonnée des déchets. On étudie la biodiversité, notamment l’utilisation d’herbicides et de pesticides dans le golf et les jardins. On s’attache au management des achats dans une logique environnementale. On fait le suivi des études menées en matière de protection du lagon. Du point de vue de l’inclusion, on favorise l’économie circulaire. Et on s’attache à l’innovation. Heritage Resorts s’inscrit dans un écosystème constitué de villages, d’établissements hôteliers et d’entreprises.  

Qu’en est-il des certifications?

Nous avons deux établissements Green Key. Ce qui est intelligent avec ces certifications, c’est qu’elles sont évolutives et ne sont pas permanentes. Cela oblige à une remise en question constante. Les employés doivent être formés et s’approprier ces notions. Ils doivent pouvoir être autonomes et capables de répondre aux questions des clients et leur expliquer les bonnes pratiques. En cela, la formation des employés est clé.

Comment la démarche de Heritage Resorts s’inscrit-elle dans l’authenticité ?

Le développement durable ne peut pas être de la tromperie. L’écologie est dans notre ADN. Nous avons une multitude d’actions et de processus. Nous communiquons une passion de la protection de l’environnement et de l’histoire des lieux autour de nous. Il n’y a pas de volonté de dicter les bonnes pratiques, mais plutôt de les partager, de faire vivre les choses et de se les approprier.

Notre démarche s’étend à nos fournisseurs auxquels nous expliquons notre démarche de développement durable et proposons d’en tenir compte. 

Il y a une sélection plus rigoureuse des fournisseurs et une démarche d’intégration progressive pour qu’ils s’adaptent à nos exigences et proposent des solutions compatibles.

Un exemple est la réduction de 23 000 sachets en plastique dans lesquels étaient emballées les pantoufles que nous mettons à disposition de nos clients. Nous avons fait comprendre à nos fournisseurs que nous ne souhaitions plus d’emballages individuels. Et que nous voulions être livrés en gros tout en respectant les normes de sécurité et d’hygiène. Aujourd’hui, ces fournisseurs ont adopté cette démarche au niveau international auprès d’autres clients.

Toutefois, le meilleur exemple reste notre propre station d’embouteillage d’eau qui nous a permis d’éliminer 27 tonnes de plastique en trois ans. Dorénavant, ce sont les bouteilles en verre qui sont utilisées, nettoyées et réutilisées.

Il y a six mois, nous avons introduit le tri sélectif. Nous visons à réduire le volume de déchets par nuitée de 40 %. Cela afin de diminuer au minimum les déchets devant être acheminés au centre d’enfouissement de Mare Chicose. Nous croyons fermement que le meilleur des déchets est celui qu’on ne produit pas. Donc, dès le début de la chaîne, nous sommes dans une démarche de réduction et d’évitement de tout déchet superflu. 

Quelles sont les actions que vous avez mises en place au niveau de vos différents départements ?

Pour la cuisine, par exemple, il y a plusieurs aspects, dont la gestion et le tri des déchets à la source, notamment les huiles usées. L’accent est aussi mis sur l’élimination du gaspillage. Cela impacte la préparation des aliments. Nous favorisons le Live Cooking plutôt que les buffets et cela permet d’éviter le surplus. Depuis peu, nous avons démarré une collaboration avec l’ONG Foodwise. Des aliments qui sont réutilisables sont congelés par la méthode de «blast freeze». Ils sont livrés à l’organisation Sapphire à Riambel. Ensuite, les repas sont préparés et distribués à des enfants en situation de précarité sociale.

Toujours à la cuisine, côté plonge, les deux points de consommation sont l’eau et les détergents. Nous avons investi dans des machines calibrées et formé les plongeurs. Ce qui est important, c’est d’obtenir l’adhésion afin que les bonnes pratiques et les bons gestes soient adoptés.

De même, les Front liners doivent pouvoir répondre aux clients et leur expliquer avec leurs propres mots pourquoi nous avons adopté des mesures, comme par exemple l’extinction de la climatisation. Le département de Housekeeping a aussi un rôle important dans le tri de déchets à la source, mais aussi afin de s’assurer que les appareils électriques, de climatisation et les lumières sont bien éteints. Dans ce département, une des recommandations de la certification Green Key est d’utiliser des éponges fabriquée dans une fibre spéciale pour utiliser le moins d’eau et de produits.

Le département des ressources humaines a aussi un rôle clé à jouer dans la démarche durable. Ainsi, dès leur intégration, les nouvelles recrues sont introduites à la démarche durable. Elles vont grandir avec cet état d’esprit tout au long de leur carrière à Heritage Resorts. Entre 2016 et 2018, Heritage Telfair a baissé sa consommation électrique par nuitée de 12 %.

Entre 2016 et 2019, Heritage Awali a réalisé une économie de 13 % en termes de consommation d’eau. Cela, en équipant tous les robinets d’économiseurs d’eau. Nous avons remplacé les filtres à sable par des filtres de verre fabriqués localement. La récupération de l’eau de pluie et le recouvrement des piscines sont autant d’actions combinées qui permettent d’économiser de l’eau. 

Avez-vous mené des actions en dehors de l’établissement ?

Oui, le Lagoon Management Plan est une de nos grandes fiertés. Une étude du lagon nous a permis de faire un constat inquiétant : entre 2003 et 2016, nous avions perdu entre 8 mètres et 10 mètres de plage. À l’horizon 2030, cela aurait eu des conséquences économiques et sociales graves. 

De ce fait, conjointement avec quatre hôtels du littoral et le soutien des villageois, des pêcheurs et des plaisanciers, nous nous sommes lancés dans un projet de préservation du lagon. Afin de contrer l’érosion et la montée des eaux, des brise-lames ont été installés. Pour l’ensemble des hôtels, nous avons regagné entre 4 et 5 mètres de plage. Alors qu’auparavant la pente s’était aggravée entre 18 % et 20 %, cette action commune a permis, en 2019, à la voir se stabiliser à 13 %. Une pente dite normale se situe entre 8 % et 12 %. C’est très encourageant ! Le projet était coûteux, mais chaque acteur était prêt à investir pour résoudre le problème. De plus, nous avons travaillé avec les autorités, la Reef Conservation et l’Université de Maurice sur de nombreux éléments qui ont été mutuellement enrichissants. Nous constatons que la vie marine reprend ses droits dans le lagon. Les analyses de l’Université de Maurice confirment d’ailleurs que la qualité de l’eau est conforme. Ainsi, même si un environnement s’est dégradé, on a la capacité d’inverser la situation, voire de l’améliorer.

Quels sont les obstacles que rencontrent les hôteliers qui sont dans une démarche de développement durable ?

Le développement durable comporte des difficultés qu’il faut identifier et affronter dans une démarche logique et cohérente. D’abord, il faut s’attendre au manque de compréhension et à l’ignorance, que ce soit au niveau du personnel, des partenaires et fournisseurs ou au niveau de la clientèle. Pour cela, il faut former, éduquer et tout mettre en place pour développer une culture du choix durable.

Autre obstacle : le budget. Par exemple, les pesticides bio coûtent trois à quatre fois plus cher que les pesticides chimiques. Donc, les mesures doivent progressivement être budgétées. Ensuite, ce qui est durable n’est pas forcement conforme aux normes HACCP ou d’autres standards. Il faut trouver des solutions sur la durée.

Une autre forme d’embûche, quand il s’agit d’un établissement cinq-étoiles, c’est de gérer les attentes des clients. Chez certains, il y a une tendance à la comparaison avec d’autres établissements, par exemple. Mais il y a des tendances différentes selon les générations et l’origine des clients. La clientèle nordique est très active et exigeante en matière de démarche durable, que ce soit en termes d’infrastructures ou de chaînes de fournisseurs. Ainsi, par exemple, en matière de climatisation, nous avons démarré un projet pilote qui fait appel à l’énergie solaire. Cette technique est déjà utilisée en supermarché et donc, nous mettons en place un partenariat pour l’introduire dans le milieu hôtelier. 

L’exemple du groupe Heritage Resorts peut-il servir à d’autres établissements hôteliers ?

La philosophie du développement durable est tout sauf une compétition. Heritage Resorts, à travers le groupe Rogers, est une force de proposition en matière d’hôtellerie durable lors des consultations budgétaires annuelles. Par ailleurs, notre expérience nous vaut d’être approchés par des institutions comme Business Mauritius et l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice.

Nous avons une réelle compétence à partager en matière de référencement de fournisseurs, de mise en place de procédures et de formation. Heritage est ouvert à l’adoption des meilleures pratiques et tire un grand honneur de pouvoir être référent sur des projets pilotes.

La démarche durable s’arrêtet-elle aux portes de l’hôtel ?

Heritage Resorts accorde une attention particulière au social. Le groupe travaille en collaboration avec les autorités locales, notamment le conseil de district pour coordonner un certain nombre d’actions comme l’installation de poubelles ou le nettoyage des plages.

Mais Heritage Resorts va plus loin, notamment pour aider, former et recruter dans le bassin de la population locale. Une vingtaine de jeunes sont formés dans une académie pour les métiers de service en salle et en cuisine, par exemple. Cela permet de lutter contre l’alcoolisme, la pauvreté et d’autres maux de la société.

En matière d’emploi et de recrutement, notre approche se veut la plus compréhensive possible en fonction des besoins et des possibilités. Nous appliquons des horaires flexibles afin que les parents puissent s’occuper de leurs enfants à la sortie d’école, par exemple.

Par ailleurs, Heritage Resorts donne l’exemple en matière de protection de la faune et de la flore. Et les enfants de l’école primaire viennent découvrir l’espace de jeu éducatif qui a été aménagé. Il s’agit d’un conteneur qui a été transformé en sous-marin dans lequel ils apprennent quantité de choses sur la faune et la flore. 

Qu’en est-il de votre projet de golf durable?

Maurice est une destination golfique. Et Heritage Resorts s’est engagé dans un projet unique pour l’océan Indien. Il s’agit de la construction d’un deuxième golf qui sera la plus durable possible. Il n’y aura pas de déforestation car l’espace est occupé par des champs de canne actuellement. Et son originalité vient de son tracé exceptionnel – de la montagne au récif – qui va assurer la continuité entre les hauteurs et la partie basse. Il intégrera les ruisseaux et rivières et disposera d’un système d’irrigation faisant usage de la captation d’eau de pluie. La biosphère en haut sera constituée de plantes endémiques et indigènes, qu’il s’agisse de palmiers, de fougères ou d’autres types de plantes. Par ailleurs, la faune sera également protégée, notamment les oiseaux et les lézards. Une nurserie est prévue. Elle sera nourrie par les déchets végétaux transformés en compost. Les différents types de plants seront ensuite replantés selon les besoins sur le géo-golf.

En matière de technologie, ce deuxième golf fera appel à des capteurs et senseurs. L’irrigation pourra ainsi être pilotée à distance et en fonction de la météo. Entre 2 000 et 3000 arroseurs seront installés. Ils seront régis par des mini-stations météo. Ce qui permettra d’assurer une économie d’énergie maximale.

Et pour couronner le projet, nous installerons un club-house bioclimatique. Il se fondra totalement dans la nature et fera appel à l’énergie photovoltaïque. Tout déchet sera recyclé au maximum pour que le clubhouse ne cause aucune perturbation. Le géo-golf de Heritage Resorts sera une référence dans l’océan Indien.

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