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Libre-échange : Maurice explore de nouvelles opportunités commerciales

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Trop dépendant de l’occident sur le plan commercial, Maurice doit repenser son modèle de développement en tablant sur la régionalisation et en exploitant au mieux ses alliances commerciales avec les puissances de l’asie et le Moyen-Orient. L’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale africaine et les nouveaux accords scellés avec la Chine et l’Inde laissent entrevoir de nouvelles perspectives commerciales pour Maurice. De même, il est important de tirer avantage d’autres accords prometteurs, avec notamment le Pakistan et la Turquie.

La crise a mis au jour les défaillances de notre modèle commercial, qui demeure trop euro-centrique. Avec les perturbations au niveau des chaînes d’approvisionnement qui ont donné lieu notamment à une hausse significative des coûts de fret et amoindri sa compétitivité, Maurice se doit de consolider sa coopération avec des marchés géographiquement moins éloignés et qui offrent des perspectives intéressantes d’un point de vue commercial. Tout en consolidant nos relations commerciales avec l’Europe et les États-Unis, nous devons opérer un décentrage de l’Occident en misant sur nos accords de libreéchange, qui sont des leviers d’investissement et d’exportation. C’est la stratégie à adopter. Valeur du jour, Maurice compte des partenariats économiques et commerciaux avec l’Union européenne et le Royaume-Uni. Ce sont des marchés à consolider. Parallèlement, de nouvelles perspectives commerciales s’ouvrent à nous grâce à l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), du Comprehensive Economic Cooperation and Partnership Agreement (CECPA) avec l’Inde et de l’accord de libre-échange scellé avec la Chine. En outre, nous avons des accords avec le Pakistan et la Turquie qui doivent être actionnés. Car ces traités peuvent apporter toute une série de résultats économiques pour Maurice en termes de diversification des exportations, d’accélération de la croissance du commerce et de l’investissement, d’intégration économique compétitive dans l’arène économique internationale, d’extension de l’intégration économique, de stimulation de l’investissement direct étranger (IDE) et de perspectives d’emploi. Par le biais de l’intégration économique, ces accords devraient de plus offrir aux consommateurs un plus large éventail de biens et de services à des prix compétitifs, ainsi que de nouvelles technologies et de pratiques.

AMÉDÉE DARGA (MANAGING DIRECTOR DE STRACONSULT)

AMÉDÉE DARGA (MANAGING
DIRECTOR DE STRACONSULT)

«Après avoir expérimenté une transition économique remarquable, soit une économie à faible revenu basée sur l’agriculture à une économie intermédiaire élevée et diversifiée qui a attiré l’investissement étranger, Maurice devrait saisir au maximum les opportunités qu’offrent les accords commerciaux. Un avenir brillant s’offre au pays qui poursuit ses partenariats alors que le monde s’adapte à la nouvelle normalité en conséquence de la pandémie», fait-on valoir à la Chambre de Commerce et d’Industrie. Au niveau de la Banque mondiale, l’on est également d’avis que Maurice devrait prendre avantage des récents accords de libre-échange qu’il a ratifiés avec l’Inde, la Chine, et l’Afrique. Car cela pourrait représenter des opportunités d’affaires et d’exportation «potentiellement significatives». D’ailleurs, dans son Country Economic Memorandum pour Maurice, la Banque mondiale fait remarquer que déjà dans la période pré-Covid-19, le secteur faisait face à «une perte soutenue de la compétitivité globale des exportations, qui se traduit par une combinaison de baisse de part de marché dans les exportations traditionnelles de biens et de services, et l’incapacité de développer rapidement ou d’intensifier de nouvelles activités en ligne avec l’évolution de l’avantage comparatif du pays»

Baisse de 21 % des exportations en dollars

Dans les faits, les exportations de marchandises de Maurice ont diminué de 21 % en dollars américains si l’on compare les exportations moyennes de 2010-14 à celles de 2015-19. Une baisse attribuée à la mauvaise performance des produits manufacturés traditionnels tels que le sucre et les vêtements de base. Cela peut se vérifier avec l’Export Complexity (Hausmann 2013), qui est un indicateur utile de la sophistication technologique d’un produit. Au cours de la première moitié de la décennie, 72 % des exportations de marchandises de Maurice se situaient dans les deux percentiles les plus bas de complexité – y compris la plupart des produits du sucre, de l’habillement et du poisson – et la totalité des exportations dans ce segment ont diminué de 30 % en moyenne entre 2010-14 et 2015-19. Cette contraction ne s’est pas accompagnée d’une expansion proportionnelle des exportations de produits plus sophistiqués à laquelle on aurait pu s’attendre compte tenu de l’augmentation du niveau de revenu de Maurice, ce qui a conduit à la contraction globale. La reconstruction de l’économie passera par la restauration de la compétitivité au niveau des exportations. Pour ce faire, Maurice peut s’appuyer sur ses nouveaux accords de libre-échange.

La MCCI facilite le réseautage parmi les opérateurs

Engagée dans l’avancement du développement économique du pays, la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’île Maurice (MCCI) travaille à mettre tout en œuvre pour accompagner et guider la communauté des affaires dans le cadre des nouveaux accords ratifiés par Maurice, ainsi que ceux signés précédemment. Outre des campagnes de sensibilisation et d’explications, la MCCI compte sur son réseau régional et international, à l’instar de ses affiliations avec la Federation of Indian Chambers of Commerce and Industry, la Confederation of Indian Industry ou encore les SADC et COMESA Business Council, pour aider davantage les firmes qui souhaitent tirer avantage du potentiel offert par les accords de libre-échange. «Grâce à ses différents réseaux, la MCCI peut faciliter le networking parmi les opérateurs. Un homme d’affaires qui souhaite développer des contacts dans un pays spécifique peut nous contacter. On le met en relation avec la Chambre de Commerce et d’Industrie concernée. Les opérateurs de la région ont souvent l’occasion de participer à des ateliers de travail qui traitent des thèmes liés au commerce régional. Ces ateliers, organisés avec l’objectif d’identifier les entraves au commerce régional, ont pour objectifs de proposer des solutions et de faire des recommandations aux instances régionales», soutient-on à la MCCI.

 

«Plus important encore, ces accords renforcent l’attrait du pays en tant que hub régional de services pour les investisseurs, y compris ceux des pays tiers, désireux de profiter du réseau croissant d’accords commerciaux préférentiels du pays vers les marchés clés, notamment ceux de l’Afrique, de l’Inde, de l’Union européenne et de la Chine», soutiennent les auteurs du Country Economic Memorandum. Dans un entretien accordé à Rogers Capital, en août dernier, Sunil Boodhoo, directeur du département de Commerce International au ministère des Affaires étrangères, disait que «pour un petit pays comme Maurice, où le commerce représente plus de 100 % de son PIB, la conclusion d’accords commerciaux est devenue cruciale pour soutenir sa trajectoire de croissance. La conclusion d’accords bilatéraux est une réponse logique pour élargir les opportunités de marché et rester compétitif. Avec seulement 1,3 million d’habitants, notre marché est trop petit pour soutenir notre économie. En outre, les marchés traditionnels tels que l’Union européenne et les États-Unis, qui ont joué un rôle essentiel dans notre développement économique, ne sont plus aussi attrayants et séduisants en raison de pressions concurrentielles croissantes et de l’évolution du contexte économique». Avec l’entrée en vigueur du CECPA, de la ZLECAf et de l’accord de libre-échange avec la Chine, il y a de réelles opportunités qui s’offrent à Maurice en termes d’exportation ou d’investissement, souligne Kwang Poon, fondateur et Chairman de l’Africa Europe Asia Business Council. «Rien qu’avec les accords de libreéchange avec l’Afrique, l’Inde et la Chine, Maurice se voit offrir un accès préférentiel vers pratiquement un marché total de plus de 3 milliards de consommateurs, représentant plus de 40 % du marché mondial. À nous maintenant d’utiliser ce joker pour attirer les investissements et le transfert de technologie pour donner un nouveau souffle à l’économie», souligne-t-il. De son côté, Amédée Darga, Managing director de Straconsult, est également d’avis que Maurice devra tirer pleinement avantage de son réseau d’accords de libreéchange. «L’accord avec l’Inde nous donne un accès hors taxes à 376 produits, y compris le rhum, la bière, le sucre et le thon en boîte. Avec la Chine, nous avons un accès préférentiel immédiat pour 87 % des lignes tarifaires. La ZLECAf va prendre un certain temps pour une libéralisation du commerce, mais nous avons déjà avec le COMESA accès sans droits de douane à 16 pays et avec la SADC à 8 autres. Mais nous sommes encore très loin à tirer plein avantage de tous ces marchés», argue-t-il.

KWANG POON, FONDATEUR ET CHAIRMAN DE L’AFRICA EUROPE ASIA BUSINESS COUNCIL.

KWANG POON, FONDATEUR ET
CHAIRMAN DE L’AFRICA EUROPE
ASIA BUSINESS COUNCIL.

Les produits en demande

Au passage, il précise qu’une étude récente de la Banque mondiale identifie une vingtaine de produits qui devraient être fabriqués pour l’exportation sur ces pays : des dispositifs médicaux, articles en aluminium et fer, équipements de signalisation, eaux de toilette et parfums, équipements électriques, conducteurs électriques, produits pharmaceutiques, entre autres. «Je suis convaincu que Maurice devrait pouvoir produire du matériel d’ingénierie légère, que ce soit par des entrepreneurs mauriciens ou avec des investisseurs étrangers», soutient-il.

Les accords de libre-échange aplanient les barrières non tarifaires

Les accords de libreéchange ne font pas que réduire et éliminer les droits de douane, mais ceux-ci aident également à éliminer les barrières transfrontalières qui, autrement, entraveraient la circulation des biens et des services, nous communique-t-on au niveau de la MCCI. Ces barrières, particulièrement les barrières non tarifaires (BNT), peuvent prendre la forme de quotas d’importation, de subventions, de délai douanier, d’obstacles techniques ou d’autres systèmes empêchant ou entravant le commerce. Les parties concernées devraient dorénavant s’appuyer sur les accords de libreéchange pour traiter ces questions, encourager l’investissement et améliorer les règles ayant trait à des enjeux tels que la propriété intellectuelle, le commerce électronique et les marchés publics.

La Tanzanie intéresse les entreprises locales

La Mauritius Export Association (MEXA) accompagne activement en ce moment des entreprises pour installer leurs comptoirs de commerce en Tanzanie, souligne Amédée Darga. «Trois entreprises y sont déjà depuis l’année dernière et quatre autres au moins sont en piste pour y aller. La MEXA soutient aussi activement les exportateurs sur d’autres destinations», indique-t-il.

Un avis partagé par Kwang Poon qui estime qu’une analyse SWOT doit être effectuée pour connaître les forces et faiblesses des entrepreneurs mauriciens dans le développement de produits pour des marchés spécifiques, pour ensuite capitaliser sur les avantages comparatifs. «Déjà, on note que Maurice fabrique des bijoux pour de grandes enseignes comme Tiffany, des pièces pour les avions d’Airbus ou même des stents cardio-vasculaires. Je crois qu’on peut continuer dans cette direction avec des produits très techniques correspondant à notre niveau de développement et nos capacités», recommande-t-il. Avant même l’entrée en vigueur des derniers accords de libre-échange, poursuit Kwang Poon, les fabricants mauriciens exportaient des sucres spéciaux, de la bière, du rhum, voire du textile vers la Chine. «Un domaine qui demeure sous-exploité serait notre Zone économique exclusive (ZEE). Il y a un fort potentiel pour développer les ressources halieutiques et même les gisements sous-marins afin de donner un vrai départ à l’économie bleue», ajoute-t-il. Plus de six mois après avoir ratifié le CECPA, l’accord de libre-échange Chine-Maurice, et l’accord portant sur la ZLECAf, la manifestation d’intérêt des entrepreneurs mauriciens est palpable. «Compte tenu de la participation enthousiaste des entreprises pour les ateliers autour des accords de libreéchange, on peut avancer que les acteurs sont à la recherche d’opportunités. Malheureusement, la pandémie a quelque peu ralenti l’élan, mais on commence à entrevoir la lumière au bout du tunnel. Les forums autour de ces accords de libre-échange se déroulent entre-temps en ligne à travers des webinaires», explique Kwang Poon. Se voulant réaliste, le Managing director de StraConsult rappelle qu’il faut un certain temps pour identifier les importateurs et négocier les premiers contrats. Cependant, fait-il ressortir, «il est à constater que sur les pays comme le Pakistan ou la Turquie, dont les accords remontent à presque dix ans, il n’y a pas eu de développement dans les exportations. Cela est dû au fait que le secteur privé n’a pas fait de grands efforts et qu’il n’y a pas eu de campagne forte pour attirer des investisseurs étrangers pour produire ici».

La connectivité et le transport limitent le potentiel des accords de libre-échange

Selon le secrétaire général de la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’île Maurice (MCCI), Yousouf Ismaël, la connectivité et le transport demeurent les principaux leviers à débloquer pour tirer pleinement avantage des accords de libre-échange. «Ce qui nous amène à nous demander s’il n’est pas temps de mettre sur pied une stratégie pour le cargo à Maurice. La valeur de la roupie en baisse n’a pas arrangé les choses et la compétitivité des exportations en souffre. Par rapport au commerce sur le continent africain, la Southern African Development Community (SADC) et le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) sont appelés à jouer un rôle crucial en venant de l’avant avec une feuille de route concernant la connectivité maritime régionale. Car les connectivités aérienne et maritime, respectivement, demeurent un problème dans la mesure où cela coûte plus cher d’exporter sur les marchés africains régionaux, comparativement aux marchés d’Europe. Il est temps d’avoir une ligne maritime régionale pour les États-membres de la SADC et du COMESA afin d’assurer la fréquence du commerce dans la région. Le mouvement fluide des ‘Business people’ en facilitant les procédures par rapport à l’obtention des visas, ou encore, l’harmonisation des standards en ce qui concerne les produits à travers des signatures d’accords avec des institutions étrangères sont d’autres enjeux à adresser dans l’optique de pouvoir profiter de ces accords», étaye-t-il. Il est rejoint par Amédée Darga, qui martèle que «le gouvernement doit vraiment avoir une grande ambition pour notre port, celle d’en faire le port de référence dans la région, le port essentiel sur l’axe de commerce Asie-Afrique. Je l’ai dit depuis longtemps et je continue de dire que le port sera notre moteur principal ou notre cercueil. Le port a besoin d’un traitement de choc comme Air Mauritius et d’une vraie grande ambition. Il ne faudrait pas que le port soit l’otage de quelques centaines de personnes et de politiciens qui ne considèrent que les votes à court terme. Dans le sillage de la crise logistique dans le monde, le port de Maurice est déjà considéré comme un port de moindre importance, de troisième catégorie. Un handicap sérieux en termes de desserte par les lignes maritimes et en conséquence de la vitesse de mouvement de nos exportations».

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