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L’inflation redevient le sujet de préoccupation de la BoM

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L’inflation redevient le sujet de préoccupation de la BoM | business-magazine.mu

Le comité de politique monétaire (CPM) de la Bank of Mauritius (BoM) a décidé, le lundi 26 décembre, le maintien de son taux repo à 4,90 %. Cette décision a été prise à la majorité et non à l’unanimité. Et il a fallu trois tours de vote pour dégager cette majorité qui a été obtenue « de justesse », selon Rundheersing Bheenick, le Gouverneur de la Banque centrale.

En effet, quelques membres du CPM étaient partisans d’un relèvement marginal du taux d’intervention afin de manifester leur inquiétude vis-à-vis de l’inflation. De fait, le communiqué publié à l’issue de la réunion du CPM cite plusieurs facteurs inflationnistes, parmi lesquels l’impact du rapport du Pay Research Bureau (PRB), le probable ajustement des prix des carburants par la State Trading Corporation (STC) et les mesures budgétaires comme la hausse des prix du tabac et des alcools.

Sans parler de la hausse des prix sur les marchés mondiaux de denrées alimentaires. Dans ce contexte, il faut noter que pour la première fois, le CPM a reçu un mémorandum de la part d’une association de consommateurs, en l’occurrence l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), réclamant une hausse des taux. En effet, au nom de la lutte contre l’inflation, de la défense du pouvoir d’achat, notamment chez les plus pauvres et de la protection des épargnants, l’ACIM demande un durcissement monétaire.

Le statu quo sur le taux d’intervention de la Banque centrale était très largement anticipé. En effet, selon un sondage publié par Business Magazine avant la réunion du CPM, 78 % des analystes économiques et financiers tablaient sur un niveau inchangé du taux repo. De son côté, l’agence de presse financière Reuters avait annoncé que sur 9 analystes interrogés, 8 anticipaient le maintien du repo rate à 4,90 %.

Dans l’ensemble, les opérateurs s’attendent, comme les membres du CPM, à une résurgence des tensions inflationnistes, notamment en raison de la hausse des salaires dans la fonction publique après le rapport du Pay Research Bureau (PRB).

Une inflation à 6 % en 2013

« Les bonus de fin d’année et les ajustements de salaires vont accroître les tensions inflationnistes. Nous ne devrions donc pas connaître de changement majeur sur le niveau des taux avant la mi-2013 », prévoit Rajiv Lutchmia, CEO du courtier Newton Securities. D’ores et déjà, le ministère des Finances a annoncé que l’inflation devrait atteindre 6 % en 2013, alors qu’elle se situe actuellement à 4 %.

Lors de sa précédente réunion en septembre, le CPM avait déjà joué le statu quo en estimant qu’il existait des risques de reprise de l’inflation en raison de la hausse des prix du pétrole et des denrées alimentaires. Entretemps, le ministère des Finances a lancé un programme d’achat de 100 millions de dollars afin \

de contenir l’appréciation de la roupie. Le ministre des Finances, Xavier Luc Duval, avait par ailleurs estimé que la fermeté de la roupie avait coûté un point de croissance au pays en 2012.

Les projections gouvernementales en matière de croissance pour 2013 sont de 4 % contre 3,4 % pour cette année. « Il serait bon de maintenir le taux repo à son niveau actuel car le coût de l’investissement est déjà élevé et les effets de la dépréciation de la roupie ne vont pas durer longtemps », indique Chandan Jankee, professeur associé en économie à l’Université de Maurice.

Faux débat sur la roupie

Signe des temps, Rundheersing Bheenick a tenu à rappeler le principal mandat de la Banque centrale, à savoir la lutte contre l’inflation. Les experts de la Banque centrale tablent désormais sur une inflation moyenne sur 12 mois (headline inflation) de 5,7 % fin 2013, sur la base d’une politique monétaire inchangée et en l’absence d’une dépréciation importante de la roupie. À ce propos, le Gouverneur rappelle que la dévaluation de la roupie n’est pas la solution en matière de compétitivité. « Il y a un faux débat sur la roupie. Notre monnaie se situe parmi les plus faibles. Et si la roupie devait encore se déprécier, cela gonflerait d’autant notre facture pétrolière et notre facture alimentaire », explique Rundheersing Bheenick.

Le Gouverneur insiste, en outre, sur le fait que le taux d’épargne ne cesse de baisser. Il était de 28 % il y a quinze ans et se retrouve à 13 % aujourd’hui. « Si cela continue, le financement de notre déficit commercial va devenir problématique. On ne peut donc pas raisonnablement exiger une baisse des taux. D’ailleurs, aucun membre du CPM ne l’a réclamée », affirme le patron de la BoM.

Prenant l’exemple du secteur textile très endetté et sous-capitalisé, le Gouverneur estime que la baisse des taux ne résoudrait rien. « La solution à la faiblesse structurelle de l’économie ne se trouve pas dans la politique monétaire », souligne-t-il. De toute façon, il apparaît clair que la tendance future sur les taux est à la hausse.

Le Gouverneur insiste, par ailleurs, sur la nécessité de diversifier l’économie. Les échanges avec le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont légèrement progressé. L’Afrique du Sud représente, par exemple, 10 % des débouchés du textile. Mais des progrès restent à faire. « Nous avions appelé, il y a deux ou trois ans, à la diversification, notamment dans le textile et le tourisme, mais les opérateurs n’y ont pas cru et nous avons perdu du temps. Si le tourisme avait entamé le mouvement en temps et en heure, nous n’en serions pas là alors que les Seychelles, les Maldives et le Sri Lanka ont de leur côté fait de gros progrès », déplore Rundheersing Bheenick.

Le Gouverneur met aussi l’accent sur la nécessité de mettre en place des réformes structurelles afin d’augmenter la productivité et la compétitivité.

Trop d’obsession sur le dette publique

« Nous ferions une erreur de croire que nous faisons mieux que nos pairs africains ou asiatiques. Le Rwanda et le Sri Lanka font des progrès énormes en matière de compétitivité et de productivité », indique-til, tout en soulignant que Maurice stagne ces dernières années. Pour redonner une bouffée d’oxygène à l’économie, Rundheersing Bheenick prône une plus grande intervention de l’État.

« Nous sommes en pleine crise. C’est le rôle de l’État de remplacer le secteur privé quasi-inexistant. Il y a trop d’obsession sur le niveau de la dette publique », remarque le Gouverneur. De fait, la dette domestique publique, mesurée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), baisse alors que celle du secteur privé augmente.

Si l’endettement des ménages et du secteur privé peut devenir problématique en l’absence de croissance, la dette publique ne pose pour l’instant aucun problème puisqu’elle se situe très largement en dessous de la cote d’alerte des 60 % du PIB. Le raisonnement du Gouverneur de la BoM rejoint celui de l’Organisation de Coopération et de Développement économiques.

L’OCDE estime, en effet, que les États-Unis et la zone euro doivent s’abstenir de tout excès de rigueur budgétaire dans les prochains mois pour éviter que l’économie mondiale, en plein accès de faiblesse, plonge à nouveau dans la récession.

Selon le club des pays riches, le « facteur clé » de ces perspectives moroses en matière de croissance est une « baisse significative de la confiance », sur fond de désendettement tous azimuts, de ralentissement dans les pays émergents et de chômage élevé qui, dans la zone euro, atteindrait le niveau record de 12 % de la population active en 2014.

Du coup, son chef économiste Pier Carlo Padoan appelle à éviter tout « assainissement excessif des finances publiques à court terme », des deux côtés de l’Atlantique. Un discours que ne renierait pas Rundheersing Bheenick.

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Un prochain rapport sur les banques commerciales

Lors de sa réunion de septembre, le CPM avait étudié un rapport sur le tourisme. Lors de sa dernière réunion, il a analysé un rapport sur le textile. Pour sa prochaine réunion, il va commander une étude sur les banques commerciales. Il s’agira notamment de voir comment elles arrivent à afficher une santé éclatante en ces temps de crise et d’approfondir la recherche en matière de créances douteuses.

La Banque centrale dispose déjà d’une « task force » chargée de surveiller le niveau des frais et des commissions bancaires, et de détecter les abus. À terme, la BoM souhaiterait voir comment les établissements de crédit pourraient venir en aide aux secteurs en difficulté. La Banque centrale avait mis en place des lignes de crédit en devises destinées à venir en aide aux entreprises endettées dans le tourisme et le textile notamment, mais ces produits n’ont pas rencontré un franc succès auprès des opérateurs ni auprès des banques commerciales qui étaient chargées de les proposer à leurs clients « corporate ».
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