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Louis-Vincent Gave: «Les marchés émergents sont en train de surperformer»

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Après deux années de pandémie, est-ce que le marché des capitaux a retrouvé une certaine stabilité ?

Si Hong Kong commence à s’extirper des restrictions sanitaires, la Chine continentale est toujours bloquée en raison de la politique de zéro Covid-19. Gavekal Research compte un bureau à Pékin. Et cela fait plus de deux ans depuis que je n’ai pas pu y aller et rencontrer mes collègues sur site. Dans notre cas, nous ne sommes pas encore revenus à la normale au niveau de l’activité chinoise, alors qu’un peu partout dans le monde, c’est déjà le cas.

J’ai bon espoir que dans les six mois qui arrivent, en sortant des contraintes de cette politique, la Chine rattrapera le reste du monde. Une fois qu’on rouvre, il y aura plein de choses intéressantes à faire en Chine.

Avec la politique de zéro Covid-19 en Chine, les ramifications de la pandémie, le conflit russo-ukrainien, le cadran de l’histoire est en train de pencher du côté de la démondialisation. Est-ce que dans vos recherches macroéconomiques, vous voyez cette tendance se dessiner ?

Loin de vouloir promouvoir mes livres – j’ai écrit deux ouvrages sur le thème, successivement en 2019 et en 2021 –, je dirais qu’il est évident qu’on vit dans une période de déglobalisation. Est-ce que cette déglobalisation tend vers une renationalisation ou une régionalisation du monde dans la mesure où, par exemple, les chaînes de production mondialisées, qui autrefois étaient installées en Chine, vont, par exemple, aller au Mexique pour les États-Unis ? Je crois qu’on est en train de vivre une régionalisation.

Et cela suscite évidemment une question importante pour tout le continent africain : dans la mesure où l’on entre dans un monde où il y aura trois monnaies de réserve (le dollar, l’euro et le renminbi), avec trois marchés obligataires de référence, avec trois chaînes de production séparées, de quel côté tombe l’Afrique ? Est-ce que l’Afrique tombe du côté chinois, européen, américain ? Je crois qu’il y a de bonnes chances que l’Afrique tombe du côté chinois. La Chine réalise beaucoup d’investissements sur le continent africain. Quelque part, l’Afrique a toujours été un grand producteur de matières premières et aujourd’hui le grand marché des matières premières est la Chine. Désormais, on entre dans une phase de régionalisation, ce qui pose des problèmes géopolitiques, des problèmes pour les investisseurs quant au meilleur endroit pour la sûreté de leur capital.

Aujourd’hui, si vous êtes un Chinois, que pendant 20 ans vous avez gagné de l’argent en Chine et que vous avez acheté une maison à Vancouver, un appartement à Londres, et que vous avez vu sur les six derniers mois le monde occidental dire qu’on procède à la nationalisation et la confiscation, vous vous rendez compte que cela pourrait vous arriver demain. Quand on évoque la déglobalisation, on pense à la chaîne de production de Nike, d’Adidas ou d’Apple. Mais la vraie déglobalisation, c’est celle des flux financiers. Le fait est que le richissime Chinois ne se sent plus confortable à acheter de l’immobilier à Vancouver ou le Russe à acheter de l’immobilier à Saint-Tropez ou à Londres. Je crois qu’il y a une vraie carte à jouer pour les pays émergents neutres. C’est ce que la Suisse faisait auparavant et qu’elle ne fait plus puisqu’elle a nationalisé les comptes russes.

Là, je crois que Maurice a une carte à jouer. Historiquement, votre pays s’est souvent aligné avec l’Inde sur beaucoup de sujets géopolitiques. Cela, sachant que l’Inde a toujours joué la carte de la neutralité. Pour en revenir à notre richissime Chinois, s’il veut, par exemple, sortir son argent de Chine, où peut-il le placer? S’il ne le met plus à Vancouver ou à Londres, il le mettra potentiellement à Singapour, à Dubaï ou demain à Maurice. Je crois que Maurice a une vraie carte à jouer puisque c’est un vrai pays neutre.

À travers le monde, les banques centrales sont en train d’accélérer leur processus de resserrement monétaire. Du coup, les rendements proposés sur les obligations d’État deviennent plus attrayants. Est-ce que cela a un impact sur le marché des actions ?

Définitivement ! D’ailleurs, on le constate que trop bien cette année. Nous vivons la même situation sur nos comptes américains. Aux États-Unis, vous pouvez acheter des obligations à Ford Motors qui vous donne du 6 % à 8 %. Vous pouvez acheter de l’0ccidental Petroleum, qui compte tenu des cours du pétrole ces jours-ci, génère du cash-flow absolument énorme à 6,5% – 5 % dans les deux prochaines années.

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