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Mardayah Kona Yerukunondu : «Maurice n’a jamais été un paradis fiscal»

Mardayah Kona Yerukunondu : «Maurice n’a jamais été un paradis fiscal»

Après maints efforts pour renforcer son mécanisme contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, Maurice est conforme aux 40 recommandations internationales du groupe d’action financière. Toutefois, de nombreux scandales financiers datant d’avant son inclusion sur la liste grise refont surface. Ce qui entache la réputation de la juridiction. Dans cet entretien, le président de la financial services commission et first deputy governor de la banque de Maurice, Mardayah Kona Yerukunondu, commente ces affaires auxquelles le centre financier mauricien se retrouve mêlé. Il évoque, par ailleurs, le processus de diversification en cours dans le secteur financier avec un accent sur les produits et services à valeur ajoutée.

Résilient face au double choc de la pandémie et de la liste noire, le secteur financier est aujourd’hui dans une bonne dynamique. Les perspectives sont-elles bonnes pour 2023 ?

En 2023, les perspectives pour le secteur financier sont prometteuses. Permettez-moi de retourner un peu en arrière. J’étais parmi ceux qui ont vu Maurice travailler pendant que nous étions sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI). J’ai été émerveillé par ce grand élan du patriotisme mauricien, avec le Premier ministre lui-même à la tête. Chacun aidait son prochain, sans arrière-pensée, avec un but précis. C’était comme si nous étions en guerre. Et nous avons gagné cette guerre. Aujourd’hui, beaucoup d’autres pays sollicitent notre aide. C’est vraiment une fierté. Le patriotisme peut être une force considérable.

Je salue tout bas la compréhension des membres du Board de la FSC pour les décisions qui avaient été prises à cette époque. Comme vous le savez, ceux les plus visés en général sont les sociétés de global business. Le Chief Executive de la FSC a abattu, avec son équipe, un travail formidable. Je craignais fort que nous n’allions pas nous en sortir. À la fin, on l’a fait. Comme le disait Zinédine Zidane, «les performances individuelles, ce n’est pas le plus important. On gagne et on perd en équipe».

Après la sortie de la liste, l’on a dénoté une dynamique de croissance au sein du secteur financier. C’est le résultat d’un travail acharné et soutenu de tous les acteurs du secteur, du régulateur et aussi de toutes les autorités compétentes. On a procédé à des réformes nécessaires pour maintenir un cadre réglementaire robuste et efficace.

À la mi-juin 2022, le secteur du global business comptait plus de 13 000 GBC avec des valeurs agrégées supérieures à USD 680 milliards. Le secteur du global business est un contributeur important au revenu national du pays, avec une contribution estimée à 8,4 % en 2022. Cette contribution demeure robuste malgré les défis sans précédent en 2020 et 2021. Les derniers National Accounts Estimates de Statistics Mauritius publiés en décembre 2022 indiquent que les Financial and insurance activities connaîtront une croissance de 3,7 % cette année, comme en 2022. Cela serait dû à la croissance attendue des segments de Monetary intermediation (3 %) et de Financial leasing and other credit granting (3,2%) et Others (5,1 %).

Nous avons aussi beaucoup diversifié notre panoplie de produits de services financiers pour que les management companies (MC) puissent en tirer avantage et les vendre.

Payons-nous encore aujourd’hui les frais d’un certain laxisme propre à un passé pas trop lointain lorsque certaines ‘management companies’ n’étaient pas assez rigoureuses par rapport aux procédures de due diligence ?

À la suite de l’inscription de notre pays sur la liste grise du GAFI et la liste noire de l’Union européenne en 2020, la FSC a revu son cadre réglementaire afin que Maurice se conforme aux règlements contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AMLCFT). À titre d’exemple, la FSC a mis en place un cadre de surveillance fondé sur les risques comprenant à la fois des inspections sur place et des examens à distance.

La FSC a déjà complété deux cycles et en est actuellement à son troisième. À ce jour, plus de 1 000 inspections sur place et 1 543 examens à distance ont été effectués. Dans les cas où des lacunes sont constatées et que les sociétés de gestion (MC) ne sont pas disposées ou incapables de prendre des mesures correctives satisfaisantes, elles sont soumises à des mesures d’exécution appropriées en sus de sanctions administratives comme des amendes qui sont imposées aux institutions financières présentant des lacunes.

La conformité aux 40 recommandations du GAFI n’est pas une fin en soi. Ainsi, la FSC multiplie les inspections au sein des ‘management companies’ pour s’assurer que leur système de contrôle est efficace ou encore que les procédures de KYC sont suivies. Pouvez- vous nous en dire plus ?

Comme mentionné précédemment, la FSC a revu son cadre réglementaire afin d’adopter une approche fondée sur les risques tant pour ses inspections sur place que pour ses examens à distance.

Parlant du mécanisme de contrôle contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la FSC vient de mettre en place sa plateforme de due diligence alimentée par l’intelligence artificielle. Comment cela va-t-il rendre plus efficaces les exercices de supervision du régulateur ?

En tant que régulateur ouvert sur l’avenir, la FSC a continuellement amélioré ses capacités technologiques grâce à la numérisation de ses processus et en les intégrant sur de nouvelles plateformes technologiques telles que la FSC One Platform. Nous nous dirigeons maintenant vers des applications d’intelligence artificielle (IA). Dans un esprit d’innovation, une plateforme de due diligence alimentée par l’IA a été récemment lancée. Ce projet, une initiative conjointe de la FSC et du Mauritius Research and Innovative Council, dans le cadre du Public Sector Transformation Scheme, a pour but d’examiner l’ensemble du due diligence pour un profilage plus rapide et donc plus efficace.

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