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Marie-Christine Oghly: «La crise est synonyme d’opportunités pour les femmes entrepreneurs.»

Marie-Christine Oghly a dû combattre les préjugés et s’affirmer dans le monde du travail, qui reste un milieu où le réflexe patriarcal est fort. Aujourd’hui, elle est la présidente des Femmes Chefs d’Entreprises Mondiales (fcem), une association qui regroupe 5 millions d’entreprises membres sur les cinq continents. Elle était récemment à Maurice où elle a animé la conférence internationale de la FCEM(25 au 27 mai) en partenariat avec l’Association Mauricienne des Femmes Chefs d’Entreprises (AMFCE).

Marie-Christine Oghly, vous êtes à Maurice dans le cadre de la conférence international des Femmes chefs d’entreprises mondiales (FCEM). Parlez-nous de votre combat pour l’émancipation économique de la femme?

C’est un combat qui dure depuis de très nombreuses années puisque notre association est née en 1945 en France. Elle est devenue mondiale en 1957 avec pour objectif la promotion des femmes chefs d’entreprises dans le monde économique et l’accès aux postes de décision. Nous ne voulons pas nous emparer de tous les postes, mais nous voulons être reconnues à notre juste valeur. Nous représentons 50 % du capital humain de cette planète.

C’est le combat de départ. Il y a, cependant, une réalité : les femmes se battent aujourd’hui pour des postes sur lesquels les hommes sont plusieurs à se concurrencer. C’est encore plus difficile pour les femmes.

À la FCEM, nous estimons aussi qu’il faut pousser les femmes à s’engager et à dépasser ce complexe de l’imposteur et surmonter les doutes. Ce complexe, je l’ai vécu personnellement dans d’autres instances où on m’a propose de prendre une présidence. Je me suis posé la question: ai-je les compétences requises? Un homme qui n’aurait que 20 % des compétences accepterait le poste pour ensuite acquérir les compétences qui lui manquent.

C’est aussi un combat personnel. L’entrepreneuriat féminin et l’intégration économique des femmes sont des piliers indispensables pour bâtir une société ou une économie durable. Je viens d’une ville de province en France et je suis montée à Paris pour réussir. Il faut dire que je n’avais pas les bonnes cartes en main: je venais de Nancy, je n’avais pas fait une grande école en province et je suis une femme. C’était difficile de se trouver une place dans les lieux de pouvoir. Parfois, on me confondait avec la secrétaire de mon collaborateur. J’étais déterminée et je n’ai rien lâché.

Comment et pourquoi avez-vous choisi la destination Maurice pour votre conférence?

Notre association comprend 5 millions d’entreprises membres sur les cinq continents. Nous nous réunissons deux fois par an, pour notre congrès et pour notre comité des présidentes. Nous avons réuni chez vous nos presidents nationales. En marge de ce comité, nous organisons toujours une conference et des sessions de B2B networking. La collaboration entre la FCEM et l’Association mauricienne des femmes chefs d’entreprises ne date pas d’hier. C’est une relation de confiance. L’île Maurice se trouve au carrefour entre l’Afrique et l’Asie. Votre pays est réputé pour son dynamism économique et touristique. La thématique de l’économie circulaire est pertinente pour votre île et la région de l’océan Indien. Nous sommes venues surtout pour les rencontres professionnelles. Nous notons aussi qu’il y a désormais une femme, Namita Hardowar, à la tête de la principale Chambre de Commerce de l’île. La presence du Premier ministre, Pravind Jugnauth, au lancement de notre conférence international est un signal important pour toute la communauté des femmes chefs d’entreprises.

«L’entrepreneuriat féminin et l’intégration économique des femmes sont des piliers indispensables pour bâtir une société ou une économie durable.»

Depuis sa création, la FCEM a largement essaimé dans le monde et contribue au développement d’un réseau relationnel actif sur les cinq continents. Comment les femmes membres de l’association participent-elles au développement économique tant dans les pays industrialisés que dans les pays émergents ?

Nous créons, reprenons ou développons des entreprises. Nos femmes chefs d’entreprises sont des acteurs économiques à part entière. Nos entreprises créent de la valeur ajoutée et génèrent des centaines de milliers d’emplois directs et indirects. Nous sommes une force économique. Toutes les grandes instances internationales, que ce soit les Nations unies, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international le disent : l’intégration des femmes dans le marché du travail ou l’entrepreneuriat si la situation des femmes au travail était égale à celle des hommes, la croissance et la resilience économique face aux chocs seraient plus fortes. Assurer un égal accès aux services financiers tout en promouvant l’entrepreneuriat féminin ferait augmenter le PIB et reculer le chômage. Lorsque les femmes accèdent à des postes de decision dans le monde économique, elles s’investissent davantage. Il y a certainement ce besoin de prouver au monde que nous sommes à notre place mais nous sommes aussi results- oriented. Nous voulons que les choses bougent. Je ne dirais pas pour autant qu’il existe deux types de management –masculin ou féminin.

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