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Masse monétaire – Un record de Rs 43 Milliards en Décembre

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Masse monétaire - Un record de Rs 43 Milliards en Décembre | business-magazine.mu

La masse monétaire en circulation n’a jamais été aussi élevée. Selon le Gouverneur de la Banque de Maurice, Yandraduth Googoolye, elle gonflera à Rs 43 milliards en ce mois de décembre contre Rs 39,34 milliards à la même période l’année dernière. Selon les analystes, il est clair que cette injection massive de liquidités dans l’économie aura un impact direct sur la consommation et, par ricochet, sur d’autres paramètres économiques : la croissance, le compte courant et l’inflation.

Les retombées de cette hausse substantielle se déclinent différemment dépendant d’où on se place, que ce soit du point de vue de l’instance régulatrice de l’équilibre monétaire – la Banque de Maurice –, du gouvernement, du patronat ou encore des salariés et pensionnés.

De l’avis de Daniel Essoo, Chief Executive Officer de la Mauritius Bankers Association, il y a définitivement une corrélation entre le flux monétaire en circulation et l’augmentation de la pension de vieillesse, ainsi que le paiement du boni de fin d’année. «Le résultat est une consommation accentuée. Il faut souligner que le paiement du treizième mois avait été introduit pour permettre, entre autres, aux familles de subvenir aux frais supplémentaires du mois de décembre par rapport aux fêtes et aux préparatifs pour la rentrée scolaire. Il est donc normal qu’une importante partie de cette circulation aboutisse dans les commerces. La conséquence pour les banques est de faciliter les transactions avec une augmentation du nombre de paiements et de retraits bancaires. Chaque banque aura sa propre stratégie commerciale», fait-il remarquer.

Ce mois de décembre est particulier car il vient clore une année marquée par les élections générales. Aux dépenses traditionnelles associées aux festivités, ainsi qu’au versement du boni aux employés, se rajoutent des mesures sociales annoncées pendant la récente campagne électorale. Aussitôt constitué, le nouveau Cabinet a donné son aval à l’augmentation de la pension de vieillesse pour les trois tranches d’âge existantes. 

PENSION DE VIEILLESSE : HAUSSE DE 44,9 %

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Selon Statistics Mauritius, l’on comptait 221 393 individus chez les 60 à 89 ans en octobre. Ceux-là voient leur pension majorer de Rs 6 210 à Rs 9 000, soit une progression de 44,9 %. Et comme le dernier mois de l’année calendaire s’accompagne du versement du boni, les pensionnés toucheront Rs 18 000 au lieu de Rs 12 420. Soit une hausse de Rs 5 580 de leur pouvoir d’achat. De même, les prestations sociales versées aux invalides, veuves et orphelins sont revues à la hausse en ce mois de décembre.

Dès janvier 2020, la masse monétaire va encore grossir suivant l’entrée en vigueur du nouveau barème pour le salaire minimum – Rs 10 200 contre Rs 9 400 – et qui concerne plus de 120 000 salariés.

Dans l’absolu, il est difficile de prévoir avec exactitude comment le salarié ou le pensionné utilisera son argent, combien il dépensera. Ou encore quelle est la somme qu’il va épargner ou investir. De même, on peut difficilement mesurer l’impact qui en résultera sur la consommation et l’économie.

Dans tous les cas de figure, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de poussée inflationniste.

Dans une économie de marché, la logique veut que si la demande augmente et que l’offre reste stable, cela se traduira par une flambée des prix. Cependant, l’analyste financier, Kevin Teeroovengadum, reste confiant. Il explique que dans la plupart des économies, on observe des taux d’inflation très bas, voire déflationnaires. Tout porte à croire qu’à Maurice, nous resterons dans un cycle d’inflation basse pendant encore un certain temps.

«D’après la Banque de Maurice, en novembre 2018, l’inflation se situait à 3,4 % et en octobre 2019, elle était à 0,7 %. Cela laisse une marge de manœuvre raisonnable pour que la Banque centrale puisse injecter de la liquidité pour booster l’économie. Le risque d’une flambée inflationniste est très bas pour Maurice. Cela sauf s’il y a une dépréciation importante de la roupie face aux devises comme le dollar, l’euro et la livre sterling. Il faut aussi prendre en compte dans l’équation que nous importons la majeure partie des produits de consommation», observe-t-il.

Qu’en est-il de la croissance ? D’abord, une première observation s’impose. Les estimations de croissance à 3,8 % pour 2018 ne prennent pas en considération l’impact sur l’activité économique qui découlerait d’une forte progression de la consommation. À ce propos, Kevin Teeroovengadum n’anticipe pas une hausse de la croissance. «La problématique à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui est la suivante : cette augmentation de la masse monétaire va-t-elle encourager la consommation et les affaires ? Si oui, quels sont ces secteurs qui s’en trouveront dynamisés ? Est-ce que les secteurs qui seront positivement impactés sont dans des activités qui apportent de la valeur ajoutée à l’économie ?» s’interroge-t-il.

Par ailleurs, ces cinq dernières années, l’on a observé qu’on ne pouvait stimuler la croissance en la mettant sous la perfusion de liquidités. «Nous sommes loin d’atteindre une croissance de 4 % ou 5 %. Il est grand temps que le pays adopte une stratégie concrète qui permettra de canaliser l’argent dans des investissements constructifs».

Pour sa part, Ignace Lam, Chairman d’Intermart et également membre du comité de politique monétaire de la Banque de Maurice, ne prévoit pas de révision du stock de produits alimentaires ou de boissons dans sa chaîne de grande distribution. «Le segment des produits d’alimentation ne devrait guère être impacté par cette masse monétaire en circulation. Il y a un paradoxe en ce qui concerne l’alimentaire. Moins les gens gagnent, plus ils se tournent vers les commerces et la grande distribution. Et plus ils gagnent, plus ils délaissent les cuisines pour se payer un restaurant et manger à l’extérieur», commente Ignace Lam. Ainsi, estime-t-il, ce sont surtout les restaurateurs qui profiteront de la manne. De même, il faut s’attendre à plus de dépenses dans les produits technologiques.

Par ailleurs, une poussée de la consommation en décembre risque d’impacter la balance courante quand on sait que Maurice est un gros consommateur de produits importés. Déjà, rien que pour le mois de septembre, le déficit commercial affichait un déficit de Rs 10,73 milliards contre Rs 7,99 milliards en septembre 2018, soit une détérioration de 34,3 %. «Si nous augmentons la consommation, mais que les gens dépensent l’argent sur des produits importés, est-ce la une solution réelle ? La croissance est rendue nulle par ce mécanisme de consommation de produits importés et on se retrouve à la case départ», argue Kevin Teeroovengadum.

Dans l’immédiat, il est difficile de pronostiquer sur l’impact réel de l’amélioration du pouvoir d’achat des pensionnés et des couches les plus vulnérables de la société. Les retombées de cette politique socio-économique seront certainement visibles dans les mois à venir. Une chose est sûre : le pays entre de plain-pied dans une nouvelle ère de croissance durable et se rapproche de son objectif de devenir une économie à revenu élevé. 

Attention à la perte de motivation

La politique salariale prônée par le gouvernement est salutaire pour les employés. Mais elle n’est pas sans conséquence sur le secteur privé, estime Ignace Lam. «Nous sommes dans une posture de ‘Wait and see’. Cela dit, le patronat n’est pas contre les mesures sociales et soutient la lutte contre la pauvreté. Cela ne fait aucun sens d’être riche et de vivre entouré de pauvres. Comme a fait ressortir Anthony Leung Shing, le Senior Country Partner de PwC, il faut à tout prix grossir le gâteau, tout en poursuivant ces mesures sociales», souligne-t-il. Et de faire ressortir qu’il faudra développer des activités comme le biomédical. Tout en soutenant qu’il y a une crise de la maind’œuvre, il dit espérer que les meilleures conditions salariales ne donnent pas lieu à une perte de la motivation et plus absentéisme. «Dans certaines familles comptant un ou plusieurs pensionnés, il se peut qu’on soit moins motivé à trouver un emploi. Il y a des jeunes qui seront tentés à vivre au crochet de leurs parents et grands-parents. Par ailleurs, je note un certain déséquilibre car l’écart des salaires entre les diplômés et les personnes moins qualifiées académiquement est réduit. Je m’explique : le salaire de base d’un diplômé est d’environ Rs 15 000. Alors que le salaire minimum est de Rs 10 200. Cela peut créer une certaine frustration. Il faut aussi s’attendre à un exode des cerveaux», explique-t-il. 

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