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Métavers : Comment l’intelligence artificielle va transformer l’économie

Dans un avenir pas trop lointain, l’on pourra assister à des réunions d’entreprise virtuellement sous la forme d’un avatar personnalisé ou encore visiter des sites touristiques rien qu’en vissant un casque de réalité virtuelle sur la tête. Cela sera rendu possible grâce au métavers, une technologie immersive qui comprend des opportunités économiques insoupçonnées. Les géants de la tech, à l’instar de Facebook, de Microsoft et de Nvidia ou encore d’Epic Games, ne s’y trompent pas et annoncent des investissements de dizaines de milliards de dollars dans les années à venir pour développer des plateformes de métavers. À Maurice également, il s’agira de se préparer à cette transition technologique qui est à nos portes.

Si vous pensez que Ready Player One c’est de la pure fiction, dans un proche avenir, l’on pourra peut-être vivre des expériences virtuelles plus ou moins similaires grâce au métavers, qui sera l’économie immersive de demain. Le concept de métavers réduit de manière conséquente la ligne imaginaire qui existe entre le virtuel et le réel. Dans cette période de transition digitale, notamment poussée par la Covid-19, cette technologie se profile comme la nouvelle étape de la digitalisation de notre environnement et de notre univers. Mais qu’est-ce que réellement le métavers ? Étymologiquement parlant, le métavers est une combinaison du mot latin «meta», qui signifie au-delà et du mot anglais «universe» qui signifie univers. Ainsi, littéralement, la définition du métavers est de voir au-delà de notre univers. Aujourd’hui, ce terme s’est démocratisé par le biais de la technologie. Grâce au prolongement de l’esprit humain et des appareils technologiques, le métavers permet à l’être humain de se matérialiser virtuellement dans un endroit sans y être pour autant physiquement. Récemment, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a annoncé que celle-ci investirait environ 10 milliards de dollars par an dans le métavers. De plus, le groupe Facebook Inc. a changé de nom fin octobre pour devenir Meta Platforms. Quant à sa plateforme Workplace, elle permettra aux utilisateurs d’organiser des réunions d’entreprise virtuellement et de s’y représenter par des avatars personnalisés. Idem pour Microsoft et son «métavers d’entreprise». Elle vient d’annoncer le lancement de Mesh, une nouvelle fonctionnalité dans le logiciel Teams qui permettra d’apparaître, au cours de l’année 2022, sous la forme d’avatar personnalisé au lieu d’activer la vidéo.

DHINESH DILLUM
(SENIOR IT CONSULTANT)

BRIAN DEAN
(FONDATEUR DE PANDA & WOLF)

GUILLAUME DEVANTHÉRY
(DIRECTEUR DE BUSINESS DATA
INTEGRATOR)

Selon Dhinesh Dillum, Senior IT Consultant exerçant à Londres, il est clair que la pandémie, qui nous a contraints à l’immobilisme, aura été un catalyseur vers la transformation numérique de nos sociétés. Le métavers est en quelque sorte un prolongement de cette transformation numérique. «Le concept de métavers nous emmène dans un monde imaginaire mêlant les mondes physique et virtuel. Cela aura un impact significatif sur notre style de vie, touchant non seulement notre vie personnelle mais aussi notre vie professionnelle. Pendant la pandémie, la culture des services professionnels s’est déjà immergée dans ce monde virtuel, ce qui s’est traduit par le travail à distance. Cela a donné naissance à des outils de collaboration en ligne tels que Zoom, Microsoft Teams, Slack, WhatsApp et Google chat. Par conséquent, cela signifie plus d’interactions virtuelles et moins de contacts physiques, mais aussi moins de voyages d’affaires et de bureaux, une augmentation des recrutements à l’étranger, entre autres», observe-t-il. Le potentiel économique que renferme le métavers est immense. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle les grands industriels du monde de la technologie comme Facebook, Microsoft, mais aussi Nvidia – le champion des processeurs Nvidia a déjà lancé sa plateforme Omniverse – et l’éditeur des jeux vidéo Epic Games ont jeté leur dévolu sur le métavers. Selon Brian Dean, fondateur de Panda & Wolf Holding, bien que cela soit une grande avancée, l’industrialisation de cette technologie reste toute nouvelle. «Si l’on s’attarde sur le rebranding, soit le passage de Facebook Inc. à Meta Platforms Inc., ce n’est qu’un changement de marque qui n’affecte en aucun cas les produits de l’univers Facebook pour le moment», commente-t-il.

Il croit comprendre que l’expérience des utilisateurs et la fonctionnalité des applications du groupe ne changeront pas. Cela dit, il avertit tout de même que dans un futur proche, les «utilisateurs devront être conscients que leurs informations personnelles, par le biais de l’engagement de contenu numérique, seront de plus en plus demandées. Facebook compte d’ailleurs utiliser le métavers comme une nouvelle technologie qui sera sous forme d’un nouveau produit. Les données qui y circuleront seront alors tout aussi, voire plus importantes, que celles que nous avons aujourd’hui via les réseaux sociaux».

 

Les données plus à risque

Ainsi, le métavers ramènera au-devant de la scène le débat sur la cybersécurité et la protection des données. «À l’heure actuelle, aucune loi encadre cette technologie. La plupart des règlements légaux encadrent davantage la protection des données via des hardwares. Avec le métavers, l’on touche davantage au software, où il y a un manque accru de lois. L’on peut citer, par exemple, la difficulté qu’ont eue certains pays européens à taxer les compagnies comme Netflix. L’on plongera dans un univers semblable au darknet et il faudra donc faire attention à nos données et à ceux qui les utiliseront», prévient-il. Le directeur de Business Data Integrator, Guillaume Devanthéry, abonde dans le même sens tout en faisant remarquer que les enjeux autour de la protection des données et des cybermenaces font partie de toute mutation technologique. Aujourd’hui, la transformation numérique est un processus irréversible. Celle-ci a pris une autre ampleur depuis le début de la Covid-19 avec des outils comme Zoom ou Teams, ou encore par le biais des sites d’e-commerce sur lesquels nous faisons nos achats sans quitter notre domicile. Nous avons vu aussi s’organiser des salons virtuels professionnels permettant les échanges entre vendeurs et clients. Ainsi, explique Guillaume Devanthéry, l’émergence de la technologie du métavers découle des changements des comportements sociaux et des besoins de communication. «La technologie semble évoluer dans ce sens : un monde virtuel où notre avatar interagit avec d’autres personnes comme dans le monde physique, offrant ainsi un moyen plus efficace d’interagir et de collaborer à distance», souligne-t-il.

Création d’une économie virtuelle

Maurice a besoin d’attirer des investissements dans la nouvelle économie immersive et d’encourager les start-up à se lancer dans les nouvelles technologies. Lors du Mauritius Africa Fintech Festival 2021, en octobre, les discussions ont notamment porté sur l’importance de la finance digitale. De l’avis de Guillaume Devanthéry, ce qui nous attend dans un avenir proche sera d’autant plus concret et virtuel. «La création d’un monde (ou univers) virtuel implique également la création d’une économie virtuelle, où s’échangeraient différents biens et services. Actuellement, la plupart des jeux vidéo utilisent une devise virtuelle pour contrôler les transactions et toucher une commission. Il est fort probable que chaque monde virtuel ait sa propre cryptomonnaie basée sur la technologie de la blockchain», estime-t-il. Dans le monde de la culture, le métavers fait graduellement sa révolution. «L’évolution actuelle de la blockchain, avec par exemple les Non Fungible Tokens (NFT), permet des transactions d’œuvres d’art et va permettre à n’importe qui d’investir dans le monde virtuel. Cela aura pour conséquence une diminution des intermédiaires, et donc des frais», précise notre interlocuteur. Reste donc aujourd’hui à savoir comment Maurice se positionnera pour le développement de cette technologie.

Les opportunités pour Maurice

Le métavers est donc une évidence. De par son caractère que l’on peut qualifier d’ubiquitaire, elle peut être assimilée à divers secteurs d’activité économique. Toutefois, pour mieux comprendre cette technologie, il faut déjà savoir qu’elle existe depuis un moment déjà, plus précisément depuis deux décennies, comme le souligne Guillaume Devanthéry. Au fait, depuis la création des jeux vidéo, l’on assiste à la découverte d’un monde virtuel interactif. «Le jeu Sims peut même faire office de précurseur de cette technologie», soutient Guillaume Devanthéry. Pour information, ce jeu vidéo permet aux individus de contrôler un avatar à notre image et qui peut interagir avec d’autres personnages à travers des situations quotidiennes. Par exemple, aller faire ses courses ou discuter avec son voisin. Ayant évolué dans le temps, le métavers s’est aussi associé au secteur de la culture. L’on peut citer l’exemple du Musée du Louvre qui propose des visites guidées de l’établissement. Les visiteurs peuvent alors découvrir les tableaux exclusifs avec des descriptions historiques tels que La Joconde. Bien évidemment, ce type d’activités culturelles et récréatives peut être une source d’inspiration pour les acteurs de la tech à Maurice, notamment les start-up. D’ailleurs, Brian Dean y a vu un filon et a développé une version améliorée de son application Discover Mauritius. Il y a ajouté une option sous forme de plateforme virtuelle qui propose aux touristes potentiels de visiter des sites exclusifs et locaux. «Par le biais de la technologie du métavers et de la réalité augmentée, nous avons amélioré notre application Discover Mauritius. Somme toute, nous proposons à des touristes potentiels de faire une visite du pays virtuellement. Ce projet a été récemment lancé et les touristes virtuels peuvent d’ores et déjà visiter Port-Louis. La visite s’étend sur une distance de 2,5 km. Les visiteurs peuvent voir les rues de la capitale en allant du Blue Penny Museum, en passant par le Caudan, la rue Pope Hennessy, la cathédrale et le Champ de Mars», indique-t-il. À noter que ce projet a nécessité un investissement d’environ Rs 250 000 par mètre et que l’application compte déjà 50 000 visiteurs depuis son lancement il y a quelques mois. Bon nombre de visiteurs proviennent des pays scandinaves. Ce qui amène Brian Dean à dire qu’alors que les frontières sont à nouveau ouvertes, il y a une piste à explorer pour les autorités. Le tourisme virtuel est une piste que l’Economic Development Board (EDB) est également en train d’explorer. «Nous avons pertinemment réorienté notre stratégie promotionnelle et marketing pour maintenir une forte visibilité sur nos principaux marchés à travers des webinaires et autres événements virtuels, notamment pour cibler les entreprises en Afrique du Sud, en Inde, en Chine, au Japon, au Kenya ou encore en Égypte. Nous nous sommes tournés vers la communication digitale et numérique. Nous privilégions les leviers tels que les réseaux sociaux et les webinaires pour plus d’échanges électroniques. Récemment, nous avons organisé un événement virtuel de dégustation de rhum à Singapour, où nous avons envoyé des échantillons pour les acheteurs potentiels à déguster pendant que nous nous sommes joints virtuellement à l’événement», indique-t-on au sein de l’EDB. Le métavers va radicalement transformer la vie économique lors des décennies à venir. Il incombera à Maurice de se montrer proactif et de s’intégrer pleinement dans la nouvelle économie immersive.

Un game-changer dans le monde des affaires

Si l’on regarde le verre à moitié plein, la digitalisation dans les entreprises a été accélérée par la pandémie. Or, le chemin est encore long, notamment lorsque l’on observe les derniers développements avec l’arrivée du métavers. L’écosystème des affaires est-il prêt à effectuer une nouvelle mise à jour de la digitalisation de leurs activités ? Imaginez des conférences, des campagnes de recrutement ou encore des réunions d’affaires dans un monde virtuel. Un monde imaginaire construit par des collectifs d’humains dans le but de faire progresser le monde des affaires et sa communauté. On se croirait dans un jeu vidéo ou dans un monde onirique ? Pas complètement. Par le biais du métavers, l’imaginaire devient réel. Et on ne peut s’empêcher de penser à une nouvelle culture du travail lorsque l’on observe les développements liés à cette technologie. Commentant cette mutation digitale, Dhinesh Dillum se laisse porter par cet univers. «Avec le métavers, les réunions seront virtuelles et non physiques. Les employés pourront participer aux réunions de n’importe où dans le monde. Ils resteront toujours connectés et seront disponibles à tout moment, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec des employés basés dans différentes parties du monde et travaillant dans des fuseaux horaires différents. Les bureaux seront en mode ‘hot desk’ et non des bureaux fixes. On assistera à une augmentation du nombre d’entreprises qui opèrent uniquement en ligne, sans aucune présence physique. Des entreprises telles que WeWork, qui fournissent des plateformes d’espace de travail à la demande, vont se multiplier. Les employés auront l’adresse d’un bureau virtuel», s’enthousiasme-t-il. Pour sa part, Brian Dean s’appesantit sur le potentiel de l’économie immersive. «Travailler en ligne, travailler à domicile ou encore travailler en ligne pour des entreprises étrangères, tout cela est déjà possible. Vous pouvez aujourd’hui travailler pour une entreprise internationale depuis l’île Maurice et assister aux réunions virtuellement via Zoom ou Skype», commence-t-il par dire. Avant de faire ressortir qu’avec le métavers, c’est toute une nouvelle économie qui pourra être exploitée. «Le métavers permettra aux utilisateurs de gagner de l’argent virtuellement, de le dépenser virtuellement à travers des visites de pays virtuels, des musées virtuels ou des achats virtuels. En plus de cela, avec un bon système, nous pourrons assister au même phénomène qu’avec les cryptomonnaies. Un tout nouveau monde de la finance s’offrira à nous», argue-t-il. Selon le fondateur de Panda & Wolf Holding, cette technologie fera office d’une guerre digitale mondiale. «Chaque pays voudra avoir son propre monde numérique afin que son économie «numérique» et réelle puisse concurrencer d’autres États. Il est là tout l’enjeu des guerres économiques de demain. Le premier qui créera ce monde virtuel découvrira l’élixir de jouvence économique», étaye-t-il.

Trouver le bon équipage pour faire cap sur le nouveau monde

Le pays aura besoin de ressources qualifiées pour bâtir la nouvelle économie immersive. Un premier constat s’impose : le secteur des Tic reste dynamique. D’ailleurs, les derniers chiffres de Statistics Mauritius montrent que le nombre d’emplois est passé de 16 800 à 16 865 entre 2019 et 2020. Selon le CEO d’Alentaris, Thierry Goder, il est indéniable que Maurice dispose de d’avantage de main-d’œuvre dans le domaine des Tic, notamment si l’on compare aux cinq dernières années. Cela dit, il indique que cela n’est pas suffisant lorsque l’on observe le nombre de demandes des entreprises. «Ce phénomène que l’on constate est assez inhabituel. Maurice dispose d’une maind’œuvre très qualifiée dans le domaine des Tic, mais ces personnes sont peu nombreuses par rapport à la demande. Ce fossé s’est créé assez rapidement, car il y a quelques années, notre maind’œuvre au niveau tech était tellement en demande que des compagnies internationales comme Infosys venaient recruter chez nous», souligne-t-il. Portant une analyse plus approfondie, il fait ressortir que la demande est plus forte que l’offre. Et que la solution réside dans la main-d’œuvre étrangère. «Avec la digitalisation, nous n’avons pas assez de main-d’œuvre pour répondre à toutes les demandes. Un bon informaticien est un joyau que les entreprises défendent bec et ongles. Pour répondre à ces besoins, nous devons voir d’autres talents dans le monde afin de les attirer ici et de leur proposer de former nos jeunes. Cela permettra de répondre dans l’immédiateté aux besoins des entreprises, tout en préparant l’avenir», soutient-il. S’agissant du positionnement de Maurice dans le métavers, Thierry Goder pense que le pays dispose de bons éléments. «L’on observe de grands projets au niveau des start-up. S’ajoute à cela de la main-d’œuvre qualifiée, notamment dans le domaine de l’architecture 3D, du graphic design ou encore dans la programmation», explique-t-il. Or, la recherche de personnes spécialisées dans le domaine du métavers à l’international est souhaitable afin de tenter de nouvelles expérimentations plus approfondies.

THIERRY GODER (CEO D’ALENTARIS)

Opportunités pour les mauriciens chez Facebook

On le sait, Facebook prévoit de créer 10 000 emplois dans le métavers. Il y a donc des opportunités pour tout le monde, y compris pour les Mauriciens. «Nous le voyons concrètement à Maurice, qu’il y a des génies de l’informatique», lance Thierry Goder, qui ajoute que certains Mauriciens dûment qualifiés peuvent aisément prétendre à des postes clés au sein de la Silicon Valley. De son côté, Dhinesh Dillum affirme que la création de cet univers est tellement complexe qu’il faudra une main-d’œuvre diversifiée. «Chez Facebook, 10 000 nouveaux emplois hautement qualifiés seront créés dans ses bureaux européens au cours des cinq prochaines années. De nouveaux titres d’emploi seront créés, tels que les chercheurs en métavers, les constructeurs/assembleurs de harwaders en métavers, les conteurs en métavers, les experts en cybersécurité en métavers, les joueurs en métavers/concepteurs de jeux vidéo, une combinaison de développeurs informatiques en réalité augmentée, en réalité virtuelle ou en réalité hybride, des architectes de solutions, des responsables de la sécurité, experts en bloqueurs d’annonces, responsables de l’éthique, scientifiques des données, services à la clientèle, entre autres», énumère-t-il.

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