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«Nous ne venons pas en concurrents» Kamal Mokdad DG du groupe BCP en charge de l’international

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«Nous ne venons pas en concurrents» Kamal Mokdad DG du groupe BCP en charge de l’international | business-magazine.mu

Présentez-nous la Banque Centrale Populaire (BCP). Quel est votre lien avec la Banque Populaire Caisse d’Épargne (BPCE) ?

La BCP est un groupe leader en activités et non activités bancaires au Maroc. Nous avons une part de marché importante, soit 28 % sur les dépôts et 25 % sur les crédits, qui est distribuée à l’économie. La BCP, ce sont aussi 1 600 agences bancaires, plus de 1 800 guichets automatiques et presque six millions de clients. Notre particularité, c’est que nous sommes la banque de la diaspora avec plus d’un million de clients installés à l’étranger. Ainsi, nous disposons d’une part de marché de 52 % dans les transferts qui arrivent de l’Europe principalement, puis du reste du monde vers le Maroc. La BCP est un groupe solide, disposant auprès des agences de notation les plus prestigieuses, dont Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s, du meilleur rating au Maroc et au Maghreb. Nous avons le même modèle que la BPCE. Nous sommes une banque coopérative avec un organe central, la BCP, qui est coté à la Bourse de Casablanca. En sus de cela, nous avons dans les différentes régions du Maroc neuf banques régionales. Leur particularité, c’est que ces banques régionales sont actionnaires de la BCP ; elles détiennent la moitié du capital. Et l’autre moitié est détenue par des institutions marocaines, des caisses de retraite, des mutuelles, des flottants. La BPCE – qui était propriétaire de la Banque des Mascareignes – est également actionnaire de la BCP avec environ 5 % du capital. Elle est également administrateur chez nous. Le modèle que nous avons mis en place apporte beaucoup de valeur à la structure bancaire. Cela nous donne la possibilité de nous projeter dans le temps et d’avoir une stratégie à long terme. Le capital des banques régionales est détenu par des clients, ce que nous appelons les sociétaires. Ainsi, quand vous êtes client de la banque dans une région donnée du Maroc, vous avez la possibilité de détenir une partie de son capital. 

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Ces clients sont-ils rémunérés ?

Ils reçoivent effectivement une rémunération. Leur dépôt et leur participation au capital sont rémunérés. Ils sont à la fois clients et actionnaires. Et cela transforme leur relation et leur rapport avec la banque. D’où le nom de banque populaire car nous sommes la banque de tous les Marocains. Cela nous a permis de nous construire une position solide au Maroc. Et petit à petit, le groupe s’est élargi vers le domaine du corporate, avec une part de marché significative dans ce type de financement. Le groupe a grandi horizontalement avec la création de plusieurs filiales métiers, au nombre de 70, qui sont aujourd’hui opérationnelles dans le financement spécialisé, tel que le crédit-bail, le crédit à la consommation, la banque d’affaires, la gestion d’actifs, la monétique, la banque islamique, etc. Nous nous sommes également élargis verticalement avec l’internationalisation de nos activités.

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Est-ce le même modèle qui est répliqué ailleurs en Afrique ?

Juridiquement, notre modèle ne peut être répliqué en Afrique. Mais nous nous sommes imprégnés pour en déployer un modèle qui soit proche. Par exemple, nous sommes la seule banque en Afrique de l’Ouest avec une plateforme régionale : l’Atlantic Business International. Celle-ci joue le rôle d’organe central vis-à-vis des banques que nous avons dans les différents pays de la région. Nous ne voulons pas juste générer une rentabilité à court terme ; nous souhaitons construire des positions fortes sur les différents marchés. Cela a commencé par le Maroc et c’est petit à petit étendu vers l’international. En Afrique, nous sommes au Maroc, en Mauritanie, dans les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), en Guinée-Conakry en Centrafrique et, depuis peu, à Maurice avec une présence à Madagascar. Nous sommes aujourd’hui présents dans 28 pays à travers le monde, soit dans 14 pays en Afrique et 14 pays en dehors d’Afrique. En Europe, nous avons une banque, la Chaabi, qui est basée en France. Elle est capable d’agir dans différents pays d’Europe et est active en Italie, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Belgique. Et nous avons aussi des bureaux un peu partout, notamment, aux États-Unis, au Canada, en Scandinavie, au Danemark et dans trois pays au Moyen-Orient. L’international pour nous est au service du Maroc et de l’Afrique. Aujourd’hui, l’international apporte une contribution de 18 % à nos revenus et notre ambition est de la porter à 30 %.

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Comment votre choix s’est-il porté sur Maurice ?

La BPCE, notre actionnaire et partenaire, avait une filiale à Maurice. Ils veulent désormais se concentrer sur leurs activités européennes. Nous avons alors saisi cette opportunité en acquérant la Banque des Mascareignes. Maurice est pour nous une déclinaison d’une vision stratégique et claire. Nous sommes convaincus que l’essor des économies africaines ne peut être soutenu et accéléré que par des groupes africains qui ont une meilleure connaissance des cultures. Notre ambition, c’est de construire le premier groupe bancaire panafricain solidaire et ancré localement. Pas premier par la taille mais premier par des valeurs car pour nous, la notion de solidarité est une chose fondamentale. Cela renvoie à la capacité de tenir compte des réalités de marché. Par ailleurs, il y a d’autres portes d’entrée vers l’Afrique. La Casablanca Finance City – où il y a plus de 200 groupes européens et américains qui ont créé leur siège pour leurs ambitions africaines – en est mais il y a aussi Maurice. Maurice est une porte d’entrée incontournable pour les investissements asiatiques ; il y a aujourd’hui des corridors qui ont été créés avec la Chine et l’Inde. Nous ne pouvons être un acteur avec une vision africaine sans être basé à Maurice. Aujourd’hui, nous sommes la seule banque d’Afrique du Nord et de l’Ouest à être présente à Maurice. Et cela nous donne une véritable carte à jouer par rapport à d’autres banques puisque nous savons très bien que Maurice, en tant que place financière, est en train de repenser son business model et de chercher de nouveaux relais de croissance. L’ouverture sur l’Afrique est un sujet qui intéresse Maurice. Je sais que le Mauritius Africa Fund s’intéresse au Sénégal ou encore à la Côte d’Ivoire. Ainsi, être une banque fortement présente dans le monde francophone – avec cet ancrage à Maurice – nous donne la possibilité d’accompagner Maurice dans ses ambitions et aussi d’accompagner les investisseurs basés à Maurice qui veulent s’implanter en Afrique francophone. Nous pouvons être un relais, un trait d’union pour mettre en relation les opérateurs. Et puis, il y a une troisième porte d’entrée vers l’Afrique, qui est Dubaï. Aujourd’hui, beaucoup d’investissements, beaucoup de commerce international, notamment en provenance d’Asie, transitent par cette place pour arriver en Afrique. Et, en fait, Casablanca, Maurice, Dubaï sont des portes d’entrée incontournables pour le commerce africain ; nous devons y avoir une présence. Nous travaillons d’ailleurs sur la construction d’une plateforme de trade finance à Dubaï pour accompagner ces investissements. pas seulement pour acheter et nous contenter de rentabiliser ce qui existe, mais nous venons pour investir et développer.

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Vous faites mention des réalités de marché. Vous n’êtes pas sans savoir que le secteur bancaire à Maurice est hautement concurrentiel. Comment allezvous vous différencier sur ce petit marché ?

Nous sommes pleinement conscients de cela. Le marché bancaire mauricien est extrêmement mature avec un taux de bancarisation d’environ 83 %. Il y a aussi des banques qui dominent le marché avec des parts qui dépassent les 70 %. Nous ne voulons pas concurrencer ces banques ; nous venons apporter un plus en complétant les offres bancaires qui existent sur le marché mauricien. Pour ce qui est du marché local pur, nous avons une valeur ajoutée à apporter aux clients. Nous avons, par exemple, une forte expertise dans la monétique avec notre filiale Payment Center for Africa, qui gère aujourd’hui toute la monétique du groupe en Afrique. Nous avons également massivement investi dans les solutions digitales, notamment dans le Mobile banking. Ce sont là des cartes à jouer sur le marché mauricien. La BCP a aussi un positionnement de niche sur la finance islamique. Parmi nos 70 filiales, nous avons Al Yousr, une banque participative qui peut développer une série de produits pour répondre aux besoins d’une catégorie de la population. Nous pouvons apporter un plus dans le segment du private banking. Et nous sommes connus pour être la banque de l’entreprise et des PME. Nous avons un savoir-faire en termes de financement de chaîne de valeur agricole, chose qui est vraiment importante car Maurice, c’est également l’agriculture. Avec la Société financière internationale (SFI), nous allons sur une réflexion unique en Afrique afin de mettre en place un modèle totalement dédié à la chaîne de valeur agricole et intégré de manière digitalisée. Et puis, il y a le global banking, qui est pour nous un domaine de compétence connu. Nous avons parmi nos filiales, la Chaabi International Bank Offshore basée à Tanger. Nous capitaliserons sur l’expérience de cette banque, qui est un véritable succès, pour accompagner et accélérer le développement de la Banque des Mascareignes sur la partie internationale.