Nuvin Balloo : «La priorité pour maurice est de poursuivre son programme socio-économique»
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À l’international, la situation reste tendue. D’abord, la crise bancaire aux États-Unis, en Suisse et en France a créé un vent de panique et fait miroiter la perspective d’une nouvelle crise financière. Ensuite, la décision de l’OPEP+ de réduire sa production de pétrole a fait flamber les cours pétroliers, même si les prix ont baissé ces derniers temps. Quel sera l’impact de ces événements internationaux sur la performance de l’économie mauricienne ?
En raison de son degré d’ouverture élevé, l’économie mauricienne est, de manière générale, fortement influencée par les événements, les tendances et les dynamiques au niveau mondial.
En général, tout changement dans les prix des matières premières affecte les prix à la consommation et le revenu disponible des ménages, tout en ayant une incidence sur les coûts de production des entreprises. Quant aux tensions qui sont apparues dans certaines parties du système bancaire mondial, elles ont, ces dernières semaines, été bien contenues, avec des effets de contagion limités, grâce à la solidité financière des banques et aux interventions des autorités régulatrices. Néanmoins, le secteur bancaire régional aux États-Unis a connu plusieurs bouleversements ces derniers temps, alors que l’effondrement de la First Republic Bank n’a pas arrangé les choses et que d’autres opérateurs importants restent dans le viseur des autorités en raison de leur santé relativement chancelante. Si ces tensions devaient perdurer, elles pourraient avoir un effet de contagion sur les marchés financiers internationaux et mettre en péril les perspectives économiques mondiales, en entraînant des conditions de crédit moins favorables pour les ménages et les entreprises.
Parlant de la crise bancaire, faut-il s’attendre à ce qu’elle calme l’ardeur de la Réserve fédérale et des autres banques centrales à poursuivre leur stratégie de resserrement monétaire ?
Au cours de l’année 2022, les hausses marquées et soutenues de l’inflation ont, malgré les appréhensions liées à la croissance du PIB, poussé les banques centrales du monde entier à s’engager dans des cycles de resserrement monétaire, avec des taux d’intérêt en augmentation continuelle.
Toutefois, le rythme des hausses de taux d’intérêt a quelque peu ralenti au début de 2023. Cela s’explique par des indications selon lesquelles l’inflation, ayant atteint un sommet, commençait à baisser. Par exemple, l’inflation dans la zone euro est estimée à 7,0 % en avril 2023, selon les estimations préliminaires disponibles, contre 8,6 % en janvier. Selon les projections de base de la Banque centrale européenne (BCE), l’inflation, qui se situait à 10,0 % au quatrième trimestre de 2022, devrait, dans un contexte de baisse relative des prix de l’énergie, revenir en dessous de 3,0 % d’ici fin 2023, avant de s’afficher autour de 2,9 % en 2024. Il est aussi important de constater que, pour le premier trimestre de 2023, la croissance de la zone euro a été atone, se situant à 0,1%, impactée, en grande partie, par les répercussions de l’environnement inflationniste et la hausse des taux d’intérêt. Il convient d’ajouter que les tensions apparues dans certaines parties du système bancaire mondial ont, quelque peu, exacerbé la volatilité des marchés financiers, générant ainsi des risques supplémentaires pour l’économie réelle. En somme, ces développements ont donné lieu à des indications selon lesquelles la fin du cycle de resserrement monétaire mondial pourrait ne pas être trop éloignée dans la mesure où les banques centrales semblent être devenues plus prudentes dans leurs évaluations économiques et leur prise de décision.
Aux États-Unis, la Réserve fédérale vient, la semaine dernière, de relever son taux de référence de 25 points de base. Selon les avis exprimés par les investisseurs, alors que la Headline inflation du pays continue de baisser, atteignant 5% en mars, une pause est attendue en ce qui concerne l’évolution du Federal funds target rate dans les prochains mois, prenant en considération que l’économie devrait croître de seulement 0,4 % en 2023 d’après la Réserve fédérale, avant que des baisses n’interviennent en 2024 et 2025, à mesure que l’inflation sera mieux maîtrisée. De plus, la BCE a, jeudi dernier, relevé son taux de référence de 25 points de base. Malgré ce ralentissement dans le resserrement monétaire et une activité économique morose, la BCE souligne qu’elle n’est pas en train de contempler une quelconque reversal of rate hikes et qu’un objectif majeur est d’atteindre le medium-term target de 2 % pour ce qui est du taux d’inflation.
Aujourd’hui, malgré les défis économiques, plusieurs banques centrales continuent d’affirmer qu’elles gardent le cap dans la lutte contre l’inflation et que les taux d’intérêt devraient rester élevés pour un certain temps afin de rétablir la stabilité des prix de manière durable, tout en essayant d’atteindre les objectifs fixés sur le moyen et le long termes. D’autant plus que l’inflation hors énergie et alimentation demeure obstinément élevée dans un contexte de rigidité des marchés de l’emploi.
Dans ses dernières perspectives économiques mondiales, le FMI abaisse ses prévisions de croissance pour Maurice de 5,4 % à 4,6 % en 2023. Une prévision inférieure aux 5,2 % anticipée par SBM Insights. Faut-il s’attendre à ce que la dégradation de l’environnement économique à l’échelle mondiale nous coûte des points de croissance ?
La reprise économique du pays s’est renforcée ces derniers temps, même si des défis majeurs subsistent et le contexte reste relativement fragile en raison des dynamiques au niveau international.
Dans la dernière édition de SBM Insights publiée il y a quelques semaines, nous avions indiqué que la croissance économique de Maurice devrait atteindre 5,2 % en 2023.
Tout en étant soutenue par les initiatives stratégiques lancées par les secteurs public et privé, cette prévision – qui témoigne de la capacité d’adaptation du pays aux chocs potentiels et de sa solidité – est étayée par les taux de croissance appréciables attendus dans plusieurs secteurs économiques clés. La croissance serait aussi soutenue par des niveaux croissants d’investissement, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de projets clés de modernisation des infrastructures publiques (Metro Express, programme de décongestion routière, logements sociaux, etc.) et des initiatives du secteur privé (smart city, projets de morcellement, rénovation d’hôtels, etc.). Par ailleurs, notre chiffre prévisionnel tient déjà compte de la détérioration marquée du paysage international prévue cette année, même si la dynamique de reprise mondiale se maintient.
Selon le FMI et la Banque mondiale, la croissance internationale devrait ralentir en 2023 en raison des perturbations engendrées par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, de la détérioration des conditions financières, de l’affaiblissement des niveaux de confiance, du resserrement des politiques par les autorités fiscales et monétaires, et des niveaux élevés d’endettement. Pour nos prévisions de croissance, nous avons pris en compte le fait que ces facteurs exerceraient, à divers degrés, des pressions sur la performance de l’économie mauricienne.