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Pascal Plante : «Devenir le think tank de l’océan Indien»

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Pascal Plante : «Devenir le think tank de l’océan Indien» | business-magazine.mu

Vous venez d’être reconduit à la présidence de l’UCCIOI. Cette deuxième mandature s’amorce-t-elle avec un objectif différent ?

Cette nouvelle voie est la volonté que j’avais énoncée l’année dernière, qui est d’accompagner le second souffle de l’UCCIOI. Je souhaite l’amener aujourd’hui où l’on commence à avoir un important volume d’activités, et l’équipe permanente qui s’y attelle, encore plus loin. Je vais continuer à fédérer l’ensemble des acteurs représentant le secteur privé des îles, mais aussi à réunifier les opérateurs économiques des économies de l’océan Indien.

En fait, nous avons des initiatives qui existent de part et d’autre dans la zone océan Indien, et l’idée est de leur permettre de prendre de l’ampleur parce que nous travaillons ensemble, parce que nous allons dans la même direction, et nous avons les mêmes ambitions pour l’océan Indien.

Ma démarche, l’année dernière, était de réécrire la feuille de route de l’UCCIOI. Nous l’avons fait. Elle a été presque finalisé au mois de mai. Maintenant, il m’appartient à mon sens – et c’est pour cela que j’ai accepté d’entamer une seconde année – de mettre en musique ses éléments, de donner le top départ à cette feuille de route. L’idée est de la mettre en œuvre physiquement, avec des changements importants tant dans la structuration de l’UCCIOI que dans sa capacité de déploiement d’actions.

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Quelle direction prend l’instance dans son nouveau cap ?

C’est davantage un élément d’ajustement de cap, qui porte sur l’ouverture de l’UCCIOI à toutes les organisations représentatives du secteur privé de la zone. La raison du changement de nom vient essentiellement de là, pour expliquer et représenter ce que nous sommes devenus. C’est le premier volet ; un exercice en somme plus technique, presque administratif.

Le deuxième volet, qui est plus stratégique, veut que ce nom nous permette d’être mieux identifiable de l’extérieur de nos îles, que ses îles et ses acteurs économiques s’approprient nos structures, et qu’au travers de nos identités nouvelles, les opérateurs extérieurs du marché de l’océan Indien puissent reconnaître ce qui fait notre organisation. C’est-à-dire, d’abord des valeurs, et qu’ils puissent se retrouver dans ces valeurs, puis des axes stratégiques et, enfin, des actions prioritaires que nous souhaitons mettre en œuvre. Et avec un nom, nous devons résumer toute cette volonté et ce plan d’action. Mais ne pas le faire serait rester sur une image un peu vieillotte de ce qu’on a pu faire jusqu’à présent, mais c’est surtout ne pas répondre aux changements de dynamique dans les liens qui unissent la région et aux besoins actuels des opérateurs de la zone.

Comment la nouvelle structure entend-elle dynamiser les partenariats d’affaires et les relations commerciales existantes et futures entre les acteurs des économies de la région ?

Notre feuille de route a été baptisée Cap .OI. Si la première vie de l’UCCIOI a consisté à vouloir développer les échanges en interne dans la région, le second souffle dont je vous parle consistera à bien renforcer les liens en interne mais aussi commencer à travailler sur des objectifs extérieurs au marché océan Indien.

Un des objectifs aujourd’hui est celui de l’Afrique ou des Afriques. Dès lors que l’on sait où l’on va, il est plus aisé de rassembler les acteurs autour d’un projet. Là, on sait que l’on peut potentiellement accéder à des ouvertures autour de la zone.

Et à travers ces ouvertures, l’idée est d’accompagner une démarche représentative du secteur privé, de le ramener au sein de l’UCCIOI, de travailler de façon la plus proche qu’il nous soit possible, sur ce qui relève des actions concrètes.

Nous avons, par exemple, les 19-20 juin, assuré des formations avec les ports de l’océan Indien, avec l’APIOI, et cela retire tout doute possible que l’APIOI et l’UCCIOI doivent travailler ensemble. Pour les déchets, c’est un peu la même chose. Pour le Cluster Green à La Réunion, il n’y a plus de doute que celui-ci et l’UCCIOI doivent travailler ensemble sous une égide particulière. Tout ce qui relèvera de l’action nous permettra de rapprocher les acteurs économiques de la région ; de structurer les filières à l’échelle de l’océan Indien à la fin de la journée, voire des clusters, et de leur permettre de jouer groupés et de gagner groupés pour l’océan Indien.

Pouvez-vous chiffrer le flux d’échanges commerciaux intrarégional depuis 2005, quand l’UCCIOI a été mise sur pied ?

Je ne suis pas sûr que vous aimerez ma réponse, mais ce n’est pas bien grave ! L’erreur que nous avons commise au lancement de l’UCCIOI, c’est d’avoir choisi comme indicateur de mesure de réussite le flux d’échanges commerciaux. Oui, cela a évolué mais ce n’est pas significatif. Ce qui est significatif et qu’il est intéressant d’évaluer aujourd’hui, c’est tout ce qui relève de l’exportation des services. Notre volonté est là de devenir le think tank de l’océan Indien, mais aussi cette cellule de veille stratégique économique de l’océan Indien. Cela nous permettra de jauger les chiffres que chacun nous fournit aujourd’hui et de mesurer le niveau des exportations de services à ce jour, ce qui ne s’évalue pas pour l’instant.

Les entreprises de services qui travaillent dans des zones de qualité ne sont pas confrontées aux problèmes de transbordement de marchandises ; le transbordement des marchandises reste un problème dans le flux des échanges dans la zone océan Indien. Exporter d’une île à l’autre n’est pas aisé ; les échanges globaux sont inférieurs à 5 % aujourd’hui. Mais 15 ans de cela, il était de 1,5 % ! On n’est pas loin des 4-5 %. Ce n’est pas l’objectif. Ce qui fait qu’on a pu gagner notre combat et qu’on est légitime aujourd’hui au regard des chefs d’entreprise et des organisations politiques internationales ou encore des bailleurs de fonds, c’est que cette dynamique vers les autres s’est faite notamment par ce que j’appelle le complément de localisation.

Les entreprises de la zone amorcent leur développement en créant des antennes sur des territoires voisins, par exemple, en créant leurs unités de production sur d’autres territoires afin de pouvoir compléter l’offre. On se rend compte que c’est un système qui se complète bien car cette création d’antennes permet de renforcer les sièges sociaux des entreprises. Cela ne veut pas dire que le combat pour les liaisons maritimes doit changer ; nous sommes toujours attentifs à ce que ces problématiques soient résolues.

J’ai envie de vous dire que je rêve, mais ce n’est pas vraiment un rêve. J’espère que cette liaison maritime entre les Comores, Mayotte et Madagascar se mettra en place rapidement. Nous menons actuellement une étude de faisabilité sur la liaison maritime entre Madagascar, Mayotte et les Comores. Peut-être qu’en commençant par de plus petites destinations de la zone océan Indien, nous allons pouvoir montrer, d’une part, que cette liaison maritime est importante et, d’autre part, peut être rentable, peut générer des flux bien supérieurs à ce que nous avons aujourd’hui.

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L’exportation des services estelle plus significative dans la région entre La Réunion et Maurice ?

Pour ma part, il y a un trio qui a potentiellement une avance sur l’échange des services ; c’est aussi l’esprit de l’UCCIOI de dire lorsqu’une île a un potentiel, un avantage comparatif par rapport aux autres. Ce trio est constitué de Madagascar, de l’île de la Réunion et de Maurice, et doit servir de locomotive pour les autres îles. Il y a également énormément d’échanges entre Mayotte et les Comores qui ne sont pas mesurés ; il y a énormément d’échanges entre Mayotte et Madagascar, notamment le nord de Madagascar, et Réunion-Mayotte, puisqu’on est dans la logique des îles.

Il n’y a pas de méthodologie qui nous permette aujourd’hui de quantifier les échanges de services, qui sont supérieurs aux échanges de marchandises et produits entre les îles. C’est un sujet qu’on a mis sur la table au niveau de l’UCCIOI pour pouvoir un jour les quantifier.

Quelles sont les principales réalisations de l’UCCIOI depuis sa mise sur pied il y a quinze ans ?

Pensons que nous partons de zéro, que nous avons imaginé à un moment donné une structure supra territoriale pour fédérer les acteurs de l’océan Indien et les amener à lever les freins. Dans l’optique de lever les freins, les opérateurs économiques ont très vite parlé de sécurisation des investissements, et l’on a mis sur pied BBOI, Business Bridge Océan Indien. Cette instance arbitrale à but de médiation à l’échelle de l’océan Indien est à la disposition des entrepreneurs de la zone. BBOI, qui est implanté à La Réunion, regroupe les membres de tous les centres d’arbitrage et de médiation de la zone : Madagascar, Maurice, Réunion et les Comores. À Mayotte, il n’y en a pas ; le BBOI va travailler à mettre en place un centre d’arbitrage à Mayotte aussi. L’idée est de favoriser tout ce qui relève de l’arbitrage et de la médiation pour sécuriser les investissements.

Une autre réalisation – je ne sais pas si le ministre Nando Bodha va être content que je le dise – est que nous avons posé dès 2005 la problématique de la sécurité maritime. Nous avons demandé la création d’une conférence internationale en vue de régler les problématiques maritimes. Maurice a organisé en juin, pour la deuxième fois, la conférence ministérielle sur la sécurité maritime avec des actions concrètes qui se mettent en place, dont la centralisation des infos sur la sécurité maritime à Madagascar. Toutes les économies de la zone ont mis en place un centre mutualisé aux Seychelles, doté d’outils et disposant d’hommes pour lancer toute mission à partir de là.

Comment parler d’échanges inter-îles si les ports ne se parlent pas ? S’ils n’ont pas les mêmes codes en matière d’accueil de marchandises, etc. ? Nous avons incité aux regroupements des ports de l’océan Indien, et c’est là qu’a été lancée en 2007 l’APIOI, Association des Ports des Iles de l’Océan Indien.

Nous avons aussi réalisé le rapprochement des représentants d’industries des économies de la zone, des partenaires de Tic, de la gestion des déchets, des huiles essentielles et cosmétiques naturelles, de l’écotourisme.

L’économie bleue est un secteur à fort potentiel pour les îles de la région car la Western Indian Ocean economy est considérée comme la quatrième plus grande région océanique mondiale avec un ‘Gross Marine Product’ de plus de $ 20 milliards chaque année, selon des statistiques datant de 2015.

Vos commentaires ?

L’économie bleue fait partie des axes sur lesquels nous entendons travailler dans le cadre de notre nouvelle feuille de route. Sachant que dans le concept d’économie bleue de départ, il n’y avait pas que la pêche et la mer, c’est beaucoup plus large. Nous disposons d’une orientation dessus. À la conférence ministérielle, où je suis également intervenu sur ce sujet, j’ai parlé de cette zone exclusive qui est deux fois plus grande que la Méditerranée, qui est la zone de pêche la plus importante au monde.

Avec des ressources halieutiques qui sont multipliées par trois ou par quatre par rapport à la Méditerranée, le potentiel que tirent aujourd’hui nos îles de leurs eaux territoriales est extrêmement faible. Quand vous aurez fini de construire sur chacune des îles, il faudra bien passer à autre chose, nourrir ces gens-là. On a donc besoin de s’ouvrir à la mer.

Comment fait-on face aux grandes sociétés mondiales qui interviennent dans la région pour la pêche et d’autres activités maritimes avec un petit canot ? On a besoin là aussi de se regrouper et de venir en force face à ces nouvelles conditions de marché. Typiquement, là on est dans une situation où l’on ne met pas en danger nos sociétés existantes ; nous leur permettons d’aller encore plus loin dans leur domaine d’activités. En regroupant leurs forces, ils sont capables d’atteindre une échelle pour concurrencer des majors mondiaux.

L’économie bleue doit être au centre de nos préoccupations pour les 15 années à venir. Dans nos prochains plans d’action concrets, figure la mise en place d’outils permettant de rendre possible le rassemblement de tous les acteurs de la filière économie bleue de la zone.

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