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Philippe Espitalier-Noël : «C’est dans la tempête que l’on reconnaît le capitaine»

La crise a, comme jamais, perturbé l’activité économique. Jusqu’ici, le pays a su résister au choc grâce à la capacité du secteur privé à s’adapter et à faire preuve d’agilité, ainsi qu’à l’approche keynésienne de l’état dans la gestion de la crise, reconnaît le CEO de Rogers. Tout en s’appesantissant sur le rôle de la communauté des affaires dans la reconstruction, Philippe Espitalier-Noël reste optimiste que 2022 sera l’année de la reprise. Selon lui, l’investissement, la consommation des ménages et les dépenses touristiques contribueront positivement à la croissance.

Étant engagé dans la logistique et le secteur de l’hospitalité, le Groupe Rogers a subi de plein fouet l’impact de la crise. Comment cela s’est-il ressenti sur votre performance financière ?

L’industrie de la logistique en général, et Velogic en particulier, ont été résilientes car ces opérations, étant considérées comme des services essentiels, ont pu continuer bien qu’elles soient très perturbées. Ainsi, au niveau mondial, les chaînes d’approvisionnement ont pu maintenir leurs opérations malgré les restrictions sanitaires liées à la pandémie. Malgré l’instabilité du marché, il y a eu, en effet, des opportunités à prendre et de nouvelles perspectives. Par exemple, il y a un basculement vers le fret maritime dû à une baisse de capacité au niveau de l’aérien. Les achats en ligne ont aussi pris l’ascenseur, ce qui a fait croître de manière significative notre activité courrier, à Maurice comme à La Réunion. Nous avons également gagné des parts de marché pour nos activités au Kenya, notamment au niveau du transport routier.

Quant à l’Inde, si elle n’a pas tellement souffert au début de la crise, avec même un transfert de production de la Chine vers la Grande péninsule, cette tendance s’est malheureusement inversée en 2021, avec l’arrivée du variant Delta. Ce sont nos opérations touristiques qui ont été bien évidemment les plus touchées par la pandémie avec un impact conséquent sur nos résultats à fin juin 2021. Les efforts consentis sur nos autres filiales, et les performances positives d’entités telles qu’Ascencia et Velogic, n’ont pas été suffisants pour compenser les pertes engendrées par nos activités touristiques. Nous sommes toutefois confiants que nous allons progressivement reprendre du poil de la bête avec l’ouverture totale de nos frontières. Il nous faudra être patient, car ce n’est qu’en 2022-2023 que notre pôle hôtelier sera de nouveau profitable.

Si la crise a laissé des traces indélébiles, elle a toutefois poussé les organisations à se repenser, à embrasser le changement et à réadapter leur process. Comment ce processus de réorganisation opérationnelle, financière et stratégique s’estil opéré chez Rogers ?

Nous nous sommes concentrés sur des tactiques à court terme pour garantir la liquidité et la solvabilité, la génération de revenus, la collecte de fonds active et la restructuration de la dette. Des réductions de coûts significatives, combinées à des initiatives de transformation numérique accélérées ont été enclenchées pour nous permettre de nous adapter à un environnement économique disruptif. Rogers a pivoté ses activités pour toujours plus d’agilité et répondre aux nouveaux comportements des clients et aux attentes re-calibrées de nos parties prenantes. L’agilité est l’une de nos valeurs fondamentales. Nous avons agi rapidement, et dès mars 2020, nous avons lancé à travers le groupe le programme Vivacis, qui a initialement mobilisé les 50 principaux leaders de Rogers avant que le confinement ne soit annoncé. Ce programme était axé sur trois points : la résilience de l’entreprise et de ses finances, la sécurité des personnes et la solidarité nationale.

Durant le premier confinement, nous avons également revu notre stratégie CAP23 2020-2023 et intégré les nouvelles réalités dans ce plan. Le programme Vivacis a duré jusqu’en juin 2021. Il a depuis été suivi d’une nouvelle initiative stratégique, dont l’objectif est d’optimiser la reprise et la continuité de nos divers business dans le cadre de la réouverture progressive du monde. Bien qu’impactés financièrement par cette crise, dans l’ensemble, nous sommes sortis plus forts stratégiquement, avec une dynamique renouvelée.

Parlant de changement, on sait que la question de «change management» est un domaine d’expertise qui vous tient à cœur. Vous avez d’ailleurs évolué au sein de CSC Index avant votre retour à Maurice. Comment ces qualités se sont-elles révélées utiles à un moment où il fallait coûte que coûte mener le bateau amiral à bon port ?

Dans le prolongement de votre allégorie, je dirais que c’est dans la tempête que l’on reconnaît le capitaine. Chez Rogers, cette réussite n’est toutefois pas du fait d’un seul homme. Les milliers d’hommes et de femmes qui constituent l’effectif de Rogers ont été exemplaires dans leur attitude comme dans leur comportement, tout au long de cette crise. Le ralliement et la mobilisation de tous, particulièrement dans les moments les plus sombres des 18 derniers mois, se sont matérialisés dans la spontanéité et dans un grand élan de solidarité. Le changement est la seule constante dans un monde qui évolue rapidement et j’ai toujours eu à cœur de développer l’agilité pour faire avancer Rogers.

Mon expérience en gestion du changement, acquise tout au long de mon expérience professionnelle, m’a permis d’insuffler l’énergie nécessaire aux équipes pour définir et redéfinir le business model de nos différentes filiales au fil des années, ce afin d’être toujours prêts pour aborder le futur, être concentrés sur la croissance et être capables de nous adapter au changement. Nous avons été le premier groupe du pays à intégrer et développer l’agilité au sein de nos équipes et à mesurer régulièrement leur engagement. Nous faisons depuis bientôt 20 ans une revue fréquente de notre stratégie, avec l’articulation de plans d’action triennaux structurés. Cela nous a certainement aidés à anticiper l’impact de la pandémie et à nous adapter rapidement. Le dynamisme, la résilience et l’agilité de nos collaborateurs ont été décisifs et pour cela, je voudrais leur rendre hommage, une fois de plus.

On sait que Velogic est en voie d’achever sa cotation sur le Development & Enterprise Market. Comment cette introduction en Bourse vous permettra-t-elle de soutenir votre stratégie de croissance ?

Le listing de Velogic fait partie d’un plan à long terme, défini depuis quelques années, pour soutenir la stratégie de croissance de l’entreprise, tant à l’international que dans la région. L’introduction en Bourse offrira donc la possibilité au grand public et aux investisseurs de participer à la croissance de la seule entreprise cotée, qui soit véritablement intégrée aux flux logistiques internationaux.

En sus de vouloirêtre un pont entre l’Afrique et l’Asie, Velogic se positionne comme un partenaire de choix dans la chaîne logistique, possédant une expertise pointue, un réseau international et quelque 1 400 collaborateurs. Nous avons, d’ailleurs l’intention de consolider notre expansion à l’étranger, notamment sur des marchés émergents que sont l’Inde, Madagascar et l’Afrique de l’Est.

Les perturbations aux chaînes d’approvisionnement continuent à impacter le commerce international, avec les coûts de fret qui crèvent le plafond. Au niveau de Velogic, comment est-ce que vous vous adaptez à toutes ces transformations ?

Avec les perturbations liées à la pandémie, Velogic a dû trouver des solutions pour aider ses clients. Très tôt, nous les avons, par exemple, prévenu de ces perturbations et leur avons conseillé de passer leurs commandes en optant pour le fret maritime en groupage, qui est moins cher que l’aérien. Aussi, toujours au tout début du premier confinement, et avec la compagnie aérienne nationale sous administration volontaire, Rogers a-t-il pris le risque de financer les premiers vols sans garantie de pouvoir les remplir ; ceci afin d’assurer l’approvisionnement du pays en vivres, médicaments et autres matériel médical, entre autres. Cela a notamment pu se réaliser grâce au réseau solide de Velogic à l’international et qui a joué un rôle vital pour faciliter l’acheminement de ces produits à Maurice. Ce réseau aura plus d’une fois joué un rôle clé, puisqu’à la suite de la pénurie de conteneurs maritimes en Asie, ce sont nos collaborateurs en Inde qui ont, cette fois, réussi à en approvisionner certains, afin d’assurer les imports de la Grande péninsule.

Depuis, le coût du fret a, en effet, pris l’ascenseur impactant directement le prix de plusieurs produits de grande consommation qui sont importés. Nous sommes malheureusement tributaires des décisions commerciales des lignes aériennes et maritimes internationales, et n’avons aucun contrôle sur la baisse de la capacité de fret. Il y a actuellement au niveau mondial un décalage géographique entre l’offre et la demande et certains tablent sur un retour à la normale d’ici mi-2022. La reprise des vols commerciaux allégera progressivement le coût de fret aérien.

«En sus de vouloir être un pont entre l’Afrique et l’Asie, Velogic se positionne comme un partenaire de choix dans la chaîne logistique»

La crise sanitaire a amené une prise de conscience chez les investisseurs par rapport à la nécessité de se tourner vers des actifs durables. Étant sensible à la cause environnementale, comment voyez-vous cet intérêt pour les obligations vertes ?

Le marché des obligations vertes est une excellente initiative, bien que le concept ait encore du chemin à faire. L’idée que l’on se fait actuellement de la «durabilité» n’est pas viable car, aujourd’hui, il est encore plus coûteux d’adopter un business model durable bien que cela ne devrait pas être le cas. La société devrait récompenser ceux qui adoptent des principes durables et à l’inverse, les dommages faits à la nature et à l’environnement devraient être financièrement pénalisés. Chez Rogers, nous avons toujours pris le développement durable au sérieux et mis en place une série d’initiatives en ce sens. Nous sommes, en effet, l’une des rares entreprises mauriciennes à être dotées d’un comité spécifique de son conseil d’administration pour le développement durable et inclusif. Nous avons rejoint le mouvement international «Race to Zero» et sommes engagés à être neutres en carbone avant 2050 avec un budget dédié à cet objectif. Les investisseurs à travers le monde s’alignent désormais devant l’urgence d’adopter un modèle de développement durable, notre écosystème étant au bord d’un effondrement climatique. Les obligations vertes sont des instruments financiers indispensables qui permettent d’investir dans des projets responsables et contribuent à la transition vers la neutralité carbone. Les petits États insulaires en développement (PEID) sont les plus vulnérables au changement climatique, et ces instruments leur permettent de mettre en œuvre des mesures d’adaptation au climat. Nous saluons également l’une des mesures budgétaires visant à augmenter la part des énergies renouvelables. Il ne faut pas oublier que Maurice fait partie des pays les plus vulnérables face au réchauffement climatique. Nous devons rapidement changer nos habitudes et notre attitude afin d’atteindre les Objectifs de développement durable.

Comme vous le savez, la COP26 se tiendra du 31 octobre au 12 novembre. Comment le président de la commission Sustainability and Inclusive Growth de Business Mauritius et le patron d’entreprise attend-il cet événement ?

Il s’agit d’un événement à fort impact et le monde se réunit pour s’engager à mettre en place des initiatives visant à réduire les conséquences des activités humaines sur la planète. Des acteurs représentant plus de 50 % de l’économie mondiale se sont engagés dans un objectif de neutralité carbone d’ici 2050, et nous espérons que beaucoup d’autres se joindront à la cause d’ici la tenue de la COP26. Cette année, les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les inondations, ont été multipliés par cinq dans le monde, et il est urgent d’agir rapidement si nous voulons sauver l’humanité de ces catastrophes. Nous saluons l’engagement du gouvernement à la COP26, ainsi que pour le lancement récent des Nationally Determined Contributions (NDC) et l’application des mesures budgétaires dans lesquelles le pays s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes, d’ailleurs, très heureux de collaborer avec les représentants du gouvernement et les délégués de la COP26 en ce sens. Nous sommes convaincus que cet événement agira comme un catalyseur dans la transition du pays vers une économie neutre en carbone.

Bel Ombre s’inscrit dans votre stratégie de développement durable et inclusif. Le groupe Rogers a pour ambition de transformer cette région. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Porté par le slogan «Lamer, Later, Lavi» notre projet de positionner Bel Ombre comme une destination durable à Maurice et dans la région de l’océan Indien se veut à la hauteur de nos ambitions écologiques. Nous y intégrons les Nature-Based Solutions afin de renforcer la résilience de la région face au réchauffement climatique. La campagne Now for Tomorrow, récemment lancée par notre filiale VLH, résume parfaitement cette ambition. À travers cette initiative, nos hôtels se sont engagés à offrir à leur clientèle des séjours neutres en carbone dès l’ouverture complète de nos frontières. L’économie circulaire est un élément central de ce projet. Ainsi, nous nous approvisionnons auprès de producteurs locaux, veillons à la réduction et au recyclage de nos déchets et visons l’autosuffisance énergétique. Nous avons aussi, il y a quelque temps, réhabilité les berges de la rivière Jacotet. À terme, nous ambitionnons de créer un corridor écologique de 9,8 km reliant la réserve nationale et l’océan dans cette région, car nous voulons préserver l’âme de ce lieu et en faire l’un des plus beaux jardins tropicaux au monde. Il faut savoir que la région de Bel Ombre abrite une biodiversité d’exception et est classée ‘Réserve de l’homme et de la biosphère’ par l’Unesco. Avec 57 % des arbres endémiques de Maurice menacés d’extinction, à travers ce projet de développement durable de Bel Ombre, le groupe Rogers s’engage à préserver ce riche patrimoine, en étant le responsable dépositaire.

Le dialogue entre les secteurs public et privé a toujours été un élément clé du succès de Maurice. Compte tenu des tensions qui ont pu exister l’année dernière, comment se porte la relation entre le gouvernement et le secteur privé ?

En tant qu’acteur économique important, quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour que Mauritius Inc. réussisse ? Les tensions peuvent exister et les institutions doivent jouer leur rôle et maintenir le dialogue. Les échanges constructifs, et avant tout l’intérêt premier de la nation, doivent primer sur les querelles intestines. L’État a pleinement joué son rôle en adoptant une approche keynésienne dans la gestion de la crise.

La campagne de vaccination accélérée qu’il a menée doit être saluée, tout comme l’ouverture prudente de nos frontières. L’année 2022 sera celle de la reprise et la communauté des affaires joue également pleinement son rôle dans la reconstruction. Si nous arrivons à éviter les extrêmes, je reste très confiant quant à la capacité de résilience du pays et d’un retour rapide à une croissance nécessaire.

«L’état a pleinement joué son rôle en adoptant une approche keynésienne dans la gestion de la crise»

Le Groupe Rogers a bénéficié d’un prêt de Rs 1,3 milliard de la Mauritius Investment Corporation (MIC) pour procéder à la restructuration financière des hôtels tombant sous VLH. Comment avez-vous utilisé ces fonds ?

VLH a effectivement obtenu une aide de Rs 1,3 milliard pour financer les pertes opérationnelles qu’il a subies en raison de la fermeture de ses établissements depuis mars 2020. Ce prêt a permis de couvrir une partie de certains coûts fixes, tels que les salaires ou encore les frais de maintenance incompressibles, nous permettant d’entamer la reprise des activités de ce secteur plus confortablement. Il faut reconnaître que la MIC est intervenue au bon moment pour soutenir le secteur et éviter que la crise ne fragilise le système bancaire. Son appui a été déterminant à un moment où d’autres institutions financières avaient adopté une approche plus prudente. Ne perdons pas la perspective que l’argent avancé aux hôteliers par la MIC a été faite sous forme de prêt à rembourser. Personnellement, je suis confiant que la reprise des activités avec le retour des voyageurs internationaux permettra aux différents groupes hôteliers de rembourser leur prêt à terme.

Il y a eu jusqu’ici des critiques par rapport au mode de financement de la MIC. Êtes-vous de ceux qui pensent que la création de ce SPV était un mal nécessaire et que la priorité des priorités était d’assurer la survie des entreprises ?

C’était, en effet, un mal nécessaire si on part du principe que le choix d’empêcher la fermeture de quelques grosses entreprises mauriciennes, autrement performantes et patriotes, mais fragilisées par la pandémie de Covid-19, avait pour objectif final de protéger le système bancaire. C’est l’ensemble du système économique et le pouvoir d’achat des citoyens qui étaient en péril.

Après 18 mois de fermeture, l’économie mauricienne est à nouveau pleinement opérationnelle. La communauté des affaires semble avoir retrouvé le moral. En témoigne la performance de la Bourse de Maurice, qui est sur une courbe ascendante. Quelles sont vos observations ?

Beaucoup d’efforts ont été consentis au cours des derniers mois pour relancer notre économie, et les récentes perspectives sont encourageantes. À la Bourse, l’anticipation est une dimension sous-jacente et permanente de son comportement. La bonne performance de la Bourse, ces derniers jours, traduit un sentiment d’optimisme mesuré, que je partage. Cet optimisme est dû à la réouverture réussie de nos frontières, aux prévisions des arrivées touristiques pour les mois à venir et à l’appétit renouvelé des acteurs internationaux pour notre juridiction.

Nos hôtels devraient, en effet, connaître des taux d’occupation intéressants. Le bon déroulement de la campagne de vaccination, que ce soit à Maurice ou dans nos marchés émetteurs, est également un signe positif pour l’ensemble des acteurs. Cela dit, la bataille n’est pas gagnée et nous devons redoubler d’efforts compte tenu de la volatilité et des incertitudes persistantes induites par la pandémie. Discipline, rigueur, agilité et vigilance doivent être de mise car nous avons encore plusieurs défis à relever pour nous distinguer de manière durable sur l’échiquier international. Je pense notamment à un récent sondage publié par Le Figaro, en France, et qui classe Maurice quatrième parmi les meilleures destinations pour les jeunes retraités français. Si cela est extrêmement positif pour la destination, il n’en demeure pas moins que ce classement met en lumière et de manière pertinente certains défis qu’il nous faut relever pour améliorer notamment notre système de santé, ou encore notre offre culturelle.

Dans le même temps, nous ne devons pas perdre de vue la situation sanitaire avec le risque d’une nouvelle résurgence de la pandémie. Comment trouver le juste milieu entre l’impératif économique et sanitaire ?

Il n’y a pas de méthode miracle. Nous devons poursuivre la campagne de vaccination qui porte déjà ses fruits et faire preuve de rigueur en ce qui concerne les doses de rappel. Il s’agit également de maintenir la discipline sur les gestes barrières, et traiter les cas les plus graves par le biais d’une hospitalisation efficace. Depuis le début de cette pandémie, nous bénéficions de progrès énormes en matière de prise en charge médicale, grâce à la recherche. Je suis confiant que nous trouverons très rapidement des traitements efficaces pour soigner ceux infectés par les variants les plus virulents. De plus, nous sommes appelés à revoir le protocole afin de l’adapter à la situation changeante. Tout comme les autorités, nous revoyons et réadaptons nos protocoles sanitaires régulièrement afin d’être en mesure d’assurer la santé et la sécurité de nos collaborateurs ainsi que nos clients. Nous devons également poursuivre nos efforts de sensibilisation à l’importance de la vaccination. Chez Rogers, cela a porté ses fruits puisque plus de 90 % de nos collaborateurs sont à ce jour vaccinés.

«Il faut reconnaître que la mic est intervenue au bon moment pour soutenir le secteur et éviter que la crise ne fragilise le système bancaire»

Réussir une croissance de 9 % pour l’exercice 2021-2022, y croyez-vous ?

Nous sortons de près de deux ans de crise sanitaire avec une contraction cumulée de 7 % par rapport au pic de 2019. Même si nous atteignons la barre des 9 % de croissance, cela reste en deçà de la situation économique pré-Covid-19. Une telle croissance s’inscrit clairement dans les notes très optimistes. L’investissement, la consommation des ménages et les dépenses touristiques contribueront certainement positivement à la croissance l’année prochaine. Nous devons toutefois garder à l’esprit que leur impact net sur la production est limité vu la part importante de produits importés. Nous devrions faire une analyse de la part de la consommation locale qui reste dans l’économie locale afin de travailler vers un nouveau mixte et maintenir une part plus importante de chaque roupie dépensée localement. Nous devrions établir des objectifs clairs dans ce sens. Cela dit, nos perspectives de croissance pour l’année prochaine restent exposées à certains risques liés, entre autres, à la reprise dans le tourisme et à l’appétit des voyageurs internationaux entièrement vaccinés pour notre destination. Avec la fin de l’administration volontaire d’Air Mauritius, une augmentation des capacités de commercialisation est nécessaire pour une remise en route rapide et agile de la compagnie, ce afin de faire l’économie nationale bénéficier au maximum de cet outil de travail stratégique.

Quels ingrédients faut-il réunir pour accélérer la reprise ?

Notre pays doit développer une véritable stratégie pour se positionner sur le continent africain. Nous devons promouvoir Maurice à la fois comme un centre d’affaires et comme une destination touristique, ces deux caractéristiques n’étant en aucun cas mutuellement exclusives. Je suis d’avis qu’une modernisation de nos infrastructures portuaires est un levier fondamental à la croissance de notre île. Nous avons également un retard à rattraper sur la numérisation et l’expérience client, et ce faisant, nous pourrons tirer profit des avantages offerts par les nouvelles technologies. Pour ce qui est du skill mismatch structurel qui caractérise notre marché du travail, nous devons trouver de vraies solutions pour résoudre celui-ci de manière durable en attirant, entre autres, les talents, qu’ils soient étrangers ou de la diaspora, notamment dans les sphères des services financiers et des nouvelles technologies de l’information et du numérique. Nous devons enfin comprendre que la croissance de demain passera inéluctablement par le développement durable et que notre pays est idéalement positionné pour être un modèle en la matière. Il faut tout faire pour susciter la confiance, car c’est là une condition sine qua non pour attirer les investissements étrangers, nécessaires à notre développement économique.

Dans ce débat sur la reprise, on sait que les PME ont été davantage fragilisées que les grandes entreprises par la crise. Comment mieux soutenir les PME dont la principale problématique reste l’insuffisance de trésorerie ?

Les PME, et l’entrepreneuriat de manière générale, doivent occuper une place beaucoup plus importante dans notre agenda de développement économique et social. En effet, ils restent nos principaux vecteurs de création de valeur. Ce sont les entrepreneurs d’aujourd’hui qui dicteront le développement et le progrès de demain. Notre écosystème n’est malheureusement pas suffisamment propice à l’entrepreneuriat et n’encourage pas suffisamment la créativité et la prise de risque. Celle-ci doit être encouragée par l’État et par les opérateurs du privé. Nous proposerions volontiers la mise en place d’un fonds de capital-risque (Venture capital fund) mené et géré exclusivement par des professionnels de l’investissement. Ce fonds soutiendrait l’entrepreneuriat et la création de valeur. Ce serait en tout état de cause une première étape et un bon début. En sus du «I never fail, I either succeed or I learn», il nous faut nous inspirer de ce qui se fait le mieux à l’étranger.

La Mauritius Institute of Directors mène ces jours-ci de front les débats sur la bonne gouvernance et la parité hommesfemmes dans les conseils d’administration. Est-ce le moment ou jamais d’amener un véritable changement culturel dans les entreprises ?

Cela fait quatre ans que le sujet de bonne gouvernance au sein des entreprises est au centre des débats au niveau national, et ce grâce à un travail de notre collaboratrice Aruna Radhakeesoon, qui préside le National Committee on Corporate Governance (NCCG). Pendant son mandat, elle s’est attelée à restructurer ce comité et à développer des axes de collaboration avec les régulateurs à Maurice. Elle travaille, depuis deux ans, sur l’élaboration d’un tableau de bord (Scorecard) pour mesurer la gouvernance au sein des entreprises et identifier les manquements en matière de bonne gouvernance. Ce Scorecard sera officiellement lancé le 28 octobre. Concernant la parité hommes-femmes au sein du groupe Rogers, nous comptons aujourd’hui, dans notre personnel 45 % de femmes avec 40 % des postes de direction qui se conjuguent au féminin. J’aime à croire que ce changement culturel au niveau des opérations de Rogers est déjà une réalité. De plus, nous avons déjà entamé un travail d’étude pour identifier les potentiels manquements, dont au niveau de notre conseil d’administration et élaborer les mesures qu’il reste à prendre. Compte tenu de la diversité et de la jeunesse qui caractérisent aujourd’hui le groupe, il ne fait aucun doute que Rogers a une équipe talentueuse au sein de laquelle règne la méritocratie. C’est un changement culturel qui a pris du temps, et c’est un travail de longue haleine pour lequel nous continuons à apprendre et à nous améliorer chaque jour.

«L’investissement, la consommation des ménages et les dépenses touristiques contribueront certainement positivement à la croissance l’année prochaine»

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