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Rama Sithanen : «le secteur du global business doit se réinventer»

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Au moment de la création de l’offshore en 1992, des institutions internationales comme la banque mondiale et le fonds monétaire international étaient sceptiques. Mais c’était une transition essentielle dans le processus de transformation de l’économie mauricienne. Trente ans plus tard et après avoir surmonté maints obstacles, maurice se positionne comme un centre financier international digne de ce nom. Connu comme étant l’architecte derrière la création de l’offshore, Rama Sithanen, ancien ministre des finances et actuel chairman de sanne, revient sur cet épisode marquant de l’histoire du pays et évoque les défis que la juridiction mauricienne aura à relever.

Il y a 30 ans, le secteur offshore démarrait ses activités suivant l’entrée en vigueur du Mauritius Offshore Business Activities (MOBAA) Act. Le développement de ce nouveau secteur a aussi été favorisé par l’abolition sur les contrôles de changes et le traité de non-double imposition avec l’Inde. Étant l’architecte de l’offshore, partagez-nous l’expérience de cette étape importante dans la transformation de l’économie mauricienne en une économie des services ?

Historiquement, nous avions à l’époque trois grands secteurs de l’économie : l’agriculture et le sucre, le tourisme et l’hospitalité, et le secteur manufacturier et le textile. C’étaient notamment nos trois principales sources de devises étrangères. L’objectif principal était alors d’introduire un nouveau secteur, voire de créer un nouveau pilier afin de diversifier et transformer la base de l’économie mauricienne. Cela également afin de renforcer sa résilience, d’attirer davantage de devises étrangères dans le pays, de créer de l’emploi pour nos jeunes diplômés, et enfin de résister aux chocs externes et internes.

On s’est alors tourné vers le Global business. Pourquoi ce choix spécifique ? Tout simplement parce qu’on pensait que c’était un secteur où nous pouvions réussir, et qu’il ne nécessitait pas de gros investissements, contrairement à d’autres secteurs. Cela dit, il nous fallait mettre en place un cadre juridique réglementaire et incitatif afin d’attirer les investissements. Il faut dire que le concept en lui-même n’était pas vraiment difficile à trouver. Cependant, son exécution était plus compliquée car c’était un nouveau créneau.

En effet, il faut dire que nous avions reçu beaucoup de doutes et d’incompréhension venant de certaines institutions. Bien qu’on ait pris en compte les craintes, on s’est quand même lancé. D’abord avec un cadre juridique robuste mais flexible, car n’oublions pas que nous étions à l’époque nouveau sur le marché. Nous avions également besoin d’un cadre incitatif en termes de fiscalité et d’une campagne de promotion. Il s’agissait surtout d’informer les pays sur ce que nous faisions, qui nous sommes, où nous sommes situés, et instaurer un climat de confiance.

À l’époque, nous avancions un peu vers l’inconnu dans le monde de la haute finance. La Bourse de Maurice en était encore à ses balbutiements. On peut dire que le pari de positionner la jeune République de Maurice comme un centre financier était osé ?

Investir dans le secteur du Global business n’était pas vraiment un saut dans l’inconnu. Il y avait des obstacles à franchir car il s’agissait d’un nouveau secteur, et il y avait déjà des centres financiers bien établis. On a appris de ces centres et on a adapté notre stratégie en tenant compte du contexte local. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international étaient contre. Il faut reconnaître que leurs raisons étaient compréhensibles. Ils estimaient que cela pourrait créer des instabilités dans le système financier avec des flux très volatils. Ils étaient également préoccupés par le fait que nous pourrions être perçus comme un fiscal avec notre taxation compétitive. Ils étaient contre les incitations fiscales.

Cependant, honnêtement, je pense que c’était en dehors de leur cadre d’intervention. Ce n’était pas leur domaine de spécialisation, ce qui fait qu’il était difficile pour eux d’accepter qu’une île aussi petite que la nôtre devienne un centre financier, bien que régional. Par ailleurs, la Banque mondiale était également contre l’idée d’abolir le contrôle des changes. Elle craignait une fuite de capitaux, et donc des problèmes pour importer nos produits alimentaires et pétroliers.

D’autre part, il y avait aussi ceux qui ne comprenaient pas le concept du Global business et d’autres émettaient des réserves. Le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, avait le bon flair et il a soutenu le projet d’ouverture. Certains facteurs ont joué en notre faveur. Et nous en avons créé d’autres pour assurer notre réussite, tels que le Mauritius Offshore Business Activities Authority (MOBAA) Act, le traité de non-double imposition avec l’Inde, les cadres juridique et fiscaux, entre autres. Notre but était vraiment de nous assurer que Maurice soit un centre financier de pointe mais également sécurisé pour les investisseurs.

Nous avions essentiellement deux produits à l’époque : les investissements transfrontaliers et le Corporate banking. Maurice offrait une plateforme pour investir dans des pays comme l’Inde et l’Afrique du Sud. Les investisseurs étaient des institutions et de grandes entreprises américaines et européennes.

Nous avions également l’avantage d’être les premiers à agir ; notamment le first-mover advantage. Nous étions le premier pays d’Afrique à faire ce pas. Il n’y avait pas beaucoup de pays dans l’hémisphère Sud qui offraient de telles plateformes, à l’exception de Singapour. Malgré cela, notre offre restait attractive. De plus, avec l’accélération de la mondialisation, les échanges entre les produits, ou encore les personnes, les finances à travers le monde ont également contribué à bâtir Maurice comme un centre financier robuste. Mais aussi, la chose la plus importante était que nous avions une stabilité, à la fois en termes d’économie et de politique. Chose qui a joué en notre faveur, depuis des décennies maintenant.

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