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Rebecca Espitalier-Noël: «Les acteurs économiques et sociaux jouent un rôle essentiel dans la lutte contre l’insécurité alimentaire»

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Les crises successives qui traversent le pays ont considérablement fragilisé le tissu social, avec pour conséquence une accélération inquiétante de la pauvreté. C’est le constat de Rebecca Espitalier-Noël, la Managing Director de Foodwise, une entreprise sociale dont la mission est de lutter contre le gaspillage alimentaire. Pour cette entrepreneure qui a eu l’insigne honneur d’intégrer le classement des femmes les plus influentes de Forbes, c’est grâce aux efforts concertés des acteurs économiques et sociaux que l’on pourra permettre aux couches les plus vulnérables d’avoir une vie décente.

Après quatre ans d’opération, FoodWise affiche un bilan élogieux, ayant sauvé plus de 900 tonnes de nourriture ou l’équivalent de plus de 3,6 millions de repas pour une valeur de Rs 100 millions. Pouvez-vous revenir à la genèse du projet et nous expliquer comment il a mûri ?

Dans un premier temps, la raison de la création de FoodWise découle d’une réelle contradiction. Par ici, je veux dire qu’il y a une grande part de produits jetés quotidiennement, alors qu’il y a de l’autre côté, des milliers de familles dans le besoin.

Dans le concret, Maurice jette environ 146 000 tonnes par année d’aliments. Cela équivaut à 279 kilos par minutes et près de 800 000 repas par jour. Ce constat effarant s’est exacerbé par un manque criant de solutions afin d’inverser cette tendance. D’autant plus que, comme on le sait, il y a beaucoup de Mauriciens qui souffrent de la pauvreté, et donc, d’insécurité alimentaire.

Avant la pandémie, plus de 17 % des Mauriciens étaient en situation d’insécurité alimentaire, alors imaginez la situation aujourd’hui avec l’inflation qui gagne du terrain. Cette situation impacte plus grandement les enfants, un quart d’entre eux souffrant de malnutrition.

Ainsi, dès mon retour à Maurice, après mes études en Écosse et en France à Sciences Po Paris où je me suis spécialisée dans l’entrepreneuriat social, je voulais essayer de changer les choses. Avec un groupe d’amis, nous avons entrepris une réflexion sur le gaspillage alimentaire. Suite à quoi, nous avons dégagé des solutions.

C’est ainsi que vers la fin de 2018, nous avons créé FoodWise, notre entreprise sociale qui a pour vocation d’aider à combattre le gaspillage alimentaire avec pour mission de «Save food to empower people and protect our planet».

FoodWise est décrite comme la première entreprise sociale du pays. Or, ce statut juridique n’existe pas encore dans notre législation. Quel est le vrai statut juridique de FoodWise ?

Comme je vous le disais, j’ai fait mes études dans le domaine de l’entrepreneuriat social. C’est d’ailleurs un modèle dans lequel je crois fermement. À travers ce schéma entrepreneurial, nous mettons le social et l’environnement au cœur de nos operations.

Une entreprise sociale veut également dire que le profit suit un schéma circulaire. Cela veut dire que l’argent généré est un moyen, et non une finalité. Selon notre modus operandi, nos profits sont réinvestis dans l’entreprise. Celle-ci n’appartient à personne. Cela veut aussi dire qu’il n’y a pas d’actionnaires. En outre, le modèle de FoodWise est conçu pour n’appartenir à personne afin de ne pas avoir des intérêts personnels.

S’agissant du cadre légal à Maurice, il existe un type d’entreprise qui reste peu connue, à savoir une «Company by Guarantee». Elle préconise ainsi d’avoir des membres et non des actionnaires, contrairement à un modèle d’entreprise lambda. À partir de ces nombreux éléments et d’une constitution interne, nous avons tenté de créer un modèle adapté. Il est bon également de noter que dans nos différents statuts légaux, il est écrit que tous les profits doivent être réinvestis dans les opérations de l’entreprise.

Avez-vous fait une demande auprès des autorités pour que le statut d’entreprise sociale soit introduit dans notre législation pour mieux encadrer les opérations des entreprises qui souhaiteraient s’engager dans cette voie ?

C’est un sujet que nous avons beaucoup évoqué avec les autres entreprises sociales mauriciennes. J’ai d’ailleurs eu la chance d’animer une conférence sur le sujet à Trampoline, qui se place comme un incubateur pour l’entrepreneuriat social au niveau local.

Pour répondre plus directement à votre question, il est certain que ce sujet est amené à prendre de l’ampleur dans les années à venir. Pour cela, beaucoup de choses doivent évoluer comme les statuts juridiques, la taxation, ou encore des outils d’aide et de financement. C’est quelque chose qui est dans notre planning dans les années suivantes, d’autant plus que l’entrepreneuriat social est une économie immense et qu’elle tend à croître dans de nombreux pays comme en France, où il y a même un ministère. Ce secteur représente d’ailleurs 10 % du PIB français.

Nous n’avons pas beaucoup travaillé sur ce sujet pour le moment, car nous pensons qu’il est compliqué de changer trois ou quatre lois en même temps. D’autant plus que nous n’aurons pas les résultats escomptés.

Nous nous sommes focalisés d’abord sur le changement de loi lié aux dates de consommation qui a été finalement amendé en juillet dernier. Nous accueillons favorablement ce nouveau changement légal qui permet une différenciation entre le ‘Best Before’ et l’‘Expiry Date’» et surtout la vente et le nom des produits avec un ‘Best Before Date’.

 

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