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Robert Hovenier : «L’Europe a toujours perçu Maurice comme une juridiction à haut risque»

Ayant pu mitiger l’impact de la crise de Covid-19, le secteur financier se retrouve aujourd’hui dans la tourmente avec l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne. Comment cela affecte-t-il les transactions sur l’axe Maurice-Europe ?

Je ne dirais pas que les effets économiques et financiers de la Covid-19 sont terminés puisque la crise est toujours là, comme nous pouvons le constater aux États-Unis alors qu’une seconde vague, qui pourrait toucher Maurice, arrive en Europe. Actuellement, nous sommes confrontés à un autre défi, à savoir l’inscription du pays sur la liste noire de l’Union européenne qui est effective depuis 1er octobre. C’est un développement qui a définitivement eu un impact sur la réputation de Maurice, ce dont personne dans le secteur financier ne se réjouit.

De manière générale, le secteur financier mauricien est résilient, mais il est encore difficile de mesurer l’impact qu’aura l’inscription de Maurice sur la liste noire. Seul le temps nous le dira. Ce que nous savons, c’est que les transferts internationaux via l’Europe nécessiteront, en effet, une Customer Due Diligence (CDD) plus poussée, menant par conséquent à des procédures plus lourdes.

On sait que les banques correspondantes basées en Europe vont exercer une vigilance accrue sur les transactions structurées à partir de Maurice. Concrètement, est-ce que les transactions passent moins rapidement ?

Les banques étrangères qui traitent avec leurs homologues mauriciens sont parfaitement informées des procédures mises en place dans le cadre des vérifications préalables. Les banques connaissent déjà ces procédures depuis que le Groupe d’action financière (GAFI) a inscrit Maurice sur sa liste de surveillance accrue. De plus, tant que Maurice figurera sur la liste noire de l’Union européenne, les transferts internationaux seront soumis à une CDD renforcée, impliquant davantage d’échanges de questions et de réponses.

Le fait que Maurice soit considéré comme une juridiction à risque élevé pourrait-il impacter les futures décisions d’investissement ?

D’un point de vue européen, Maurice, du fait qu’il fait partie du continent africain, a toujours été sur la liste des juridictions à haut risque. Par conséquent, en tant qu’acteur de premier plan dans le secteur financier et plus particulièrement en tant que société de gestion, nous nous devons de nous assurer que nous respectons les normes internationales de manière stricte. Il se peut que l’inscription sur la liste noire ne contribue pas à attirer autant d’investisseurs étrangers qu’auparavant, mais il convient de préciser que cela influencera probablement ceux qui traitent avec l’Union européenne.

Quelles sont vos observations chez Ocorian ?

Chez Ocorian, nous sommes absolument engagés à respecter l’agenda international pour la transparence afin de lutter contre les crimes financiers et la corruption. Maurice est un centre financier international de renom, et est reconnu comme un pôle d’excellence pour sa main-d’œuvre qualifiée et bilingue. En tant qu’institution financière majeure opérant dans la juridiction mauricienne, Ocorian a toujours appliqué les normes les plus rigoureuses, et s’engage à continuer à le faire pour promouvoir davantage le centre financier international du pays. Nos certifications ISAE 3402, de types I et II, témoignent d’ailleurs de notre diligence en matière de contrôles internes.

En tant que partenaire engagé du centre financier international mauricien, nous soutenons les mesures et les initiatives que le gouvernement met en place pour que le pays soit une juridiction fiscale coopérative. Ocorian, en tant que prestataire de services à l’international qui dispose de bureaux aux Bermudes et aux Caïmans, entre autres, a été confrontée à des problèmes similaires dans le passé et cela n’a pas eu d’impact sur nos activités dans ces juridictions.

Quel est le «mood» dans le secteur financier ces jours-ci ?

En général, je dirais que le secteur est sur ses gardes. Nous constatons, d’une part, les efforts déployés auprès du GAFI pour assurer un retrait de la liste noire au plus vite, et nous reconnaissons, d’autre part, la compétition croissante d’autres centres financiers, tels que Singapour, le Luxembourg, les Émirats arabes unis et dans une certaine mesure, le Rwanda.

Au vu des réformes fiscales et au cadre réglementaire qui ont été initiées ces dernières années dans le global business pour donner de la substance à la juridiction mauricienne, n’avez-vous pas le sentiment que le fait d’être «blacklisté» constitue une injustice ?

L’Union européenne n’est pas la seule à avoir envoyé un signal en matière de conformité. C’est un fait ! Auparavant, le GAFI, en février 2020, et non des moindres, l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group, en juillet 2018, avaient également exprimé des inquiétudes quant aux manquements de la juridiction. Cependant, jusqu’à présent, Maurice a réussi à résoudre les problèmes soulevés afin d’améliorer les aspects de conformité et de transparence. Chez Ocorian, nous sommes confiants que les efforts déployés aujourd’hui à la suite de l’inscription sur la liste noire de l’Union européenne tendront vers les mêmes résultats positifs.

Et qu’en est-il des investisseurs internationaux ayant l’habitude d’utiliser la plateforme mauricienne pour leurs opérations transfrontalières; leur confiance est-elle entamée ?

Nous sommes convaincus que le secteur financier mauricien est résilient et que seuls les investisseurs traitant avec l’Europe devront faire preuve d’une diligence accrue. Le pays est, et reste un centre financier international de renom. Il est reconnu comme un centre d’excellence pour sa main-d’œuvre qualifiée et bilingue. En outre, conformément aux économies avancées et émergentes, Maurice a mis en place un cadre pour la protection des investissements et des mécanismes de facilitation, offrant ainsi une sécurité financière et judiciaire aux investisseurs. Il existe donc d’autres caractéristiques qui font pencher la balance pour faire de Maurice un partenaire d’investissement de choix. Comme expliqué précédemment, Ocorian, étant une institution financière majeure opérant dans la juridiction de Maurice, a toujours appliqué les normes de conformité les plus rigoureuses et s’engage à continuer à le faire pour promouvoir davantage le centre financier international du pays. Tout en soutenant les efforts nationaux visant à faire de Maurice une juridiction coopérative, nous nous efforçons de donner un sentiment de confort et de confiance à nos clients en étant rigoureux dans la manière dont nous traitons et gérons leurs fonds et leurs actifs.

Ce n’est pas avant mars/avril 2021 qu’on sera en mesure de sortir de la liste noire de l’Union européenne. Jusque-là, saura-t-on tenir le choc ?

Jusqu’à présent, l’impact sur les entreprises existantes a été très limité. En outre, si l’on regarde avec du recul les Caïmans et les Bermudes et nos opérations là-bas pendant la période de leur inclusion sur la liste noire, on se rend compte que les effets ont été minimes.

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