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Sandrine Sumodhee : «La transition vers le tourisme durable est une nécessité»

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Ayant travaillé à Maurice, en Espagne et dans les Pacifiques, Sandrine Sumodhee, consultante en stratégie dans le tourisme et l’hôtellerie au sein d’albion Encounters by AIC International, connaît bien les enjeux touristiques. La quête de voyages transformationnels et le choix pour des destinations touristiques durables sont des tendances montantes du tourisme international, souligne-t-elle.

La haute saison démarre fort. Est-ce qu’il faut repenser le tourisme mauricien puisque notre produit touristique est toujours très apprécié ?

Il y a plusieurs facteurs : les records au niveau des réservations est une chose. Les réservations de dernière minute dans les destinations plus accessibles en termes de connectivité aérienne, d’offres, de politique plus souple par rapport à la Covid-19 y sont aussi pour quelque chose. Maurice a toujours été une destination très sûre, notamment pour les familles. D’où cette explosion des arrivées. Il y a une tendance générale mondiale à revoyager et tout le monde est ressorti. Les gens ont découvert qu’il y avait du tourisme domestique ces deux à trois dernières années ; alors ils ont visité autour de chez eux, et quand les vols long-courriers ont repris, ils ont recommencé à voyager. Mais, c’est une tendance passagère, car les voyageurs ont limité leurs déplacements pendant deux à trois ans à cause des incertitudes liées à la pandémie et l’incapacité à voyager. Aujourd’hui, les voyageurs se font plaisir.

L’on s’attendait avec le taux d’inflation en Europe que les voyageurs de ce marché émetteur crucial pour le tourisme mauricien seraient plus frileux à voyager, notamment avec les prix des billets long-courriers. Pour preuve, les voyageurs européens constituaient 515 018 arrivées touristiques sur les 755 655 accueillis de janvier à octobre. Quel est votre constat ?

La tendance globale observée pré-Covid-19, et que l’on observera dans les années à venir, est que les gens vont voyager moins souvent, plus longtemps, et donc dépenser plus, et c’est ce type de tourisme qui intéresse Maurice. Il en est de même pour les autres îles qui se positionnent comme des destinations touristiques. Le critère d’évaluation du KPI de cette industrie ne devrait pas se fixer sur le nombre d’arrivées touristiques, mais la valeur que génère ce tourisme, le nombre de nuitées, et la dépense moyenne par touriste. Et depuis dix ans, les dépenses moyennes par touriste ont chuté.

Il faut évaluer le coût positif et négatif de l’activité touristique, et essayer de réduire l’impact négatif. Avec une population de 1,3 million d’habitants, et d’environ 1 million de touristes à l’année, cela signifie chaque jour des pressions énormes sur les ressources en eau et en énergie. Les touristes participent à l’émission de pollution ou à la congestion routière (les touristes louant de plus en plus de voitures pour se déplacer par leurs propres moyens dans l’île). Donc, il vaut mieux avoir un million de touristes qui dépensent 5 000 euros par séjour que 500 euros.

Le tourisme durable est compatible avec le tourisme haut de gamme. Comment développer ce segment ?

Pour le bien-être du pays, on a besoin d’optimiser nos revenus touristiques. C’est peut-être égoïste, mais autant d’un point de vue économique qu’écologiquement, je dirais que le tourisme durable est bénéfique. Pour l’impact carbone et les pressions sur les ressources, il vaut mieux n’avoir qu’un million de touristes mais qu’ils séjournent plus longtemps dans l’île. Car un million de touristes qui dépensent peu ne remplissent pas les hôtels. Il ne faut pas oublier que 60 % des hébergements touristiques offerts aujourd’hui sont dans les hôtels, et 40 % hors du secteur hôtelier.

Un changement de paradigme est à l’œuvre. Ce changement s’opère parce que les voyageurs ne retrouvent pas dans l’hôtellerie l’offre qu’ils recherchent. Il y a 30- 40 ans, on construisait des hôtels, et les touristes venaient ; c’est l’offre qui conditionnait la demande. Mais aujourd’hui, c’est la demande qui conditionne l’offre, et les hôtels doivent s’adapter. Le secteur hôtelier a un pouvoir puissant sur le pays, et c’est très bien car cela a permis de développer le pays, de faire de Maurice ce qu’il est aujourd’hui, mais il n’accommode que 60 % des arrivées, et comme il y a un changement de paradigme dans la tendance de la consommation touristique et par rapport aux attentes des touristes, peut-être que l’on sera à 50 % dans quelques années. Il faut pouvoir se questionner sur ces changements et s’adapter en conséquence.

Alors que l’on repense le secteur touristique, quels sont les paramètres à prendre en compte ?

Aujourd’hui, on voyage pour un but : purpose is the key. On voyage pour prendre du temps pour soi, on voyage pour réaliser une expérience ou pour se transformer. D’où les concepts de Transformational travel et de Regenerating travel. Ce sont des concepts qui avaient commencé à gagner en popularité avant la Covid-19, et dont la pandémie a accéléré le déploiement. Il faut utiliser ces concepts pour le bien du pays, parce que les voyageurs veulent ce type d’offres touristiques, surtout que les destinations concurrentes à la destination mauricienne le font déjà. La concurrence ne représente pas que les Maldives et les Seychelles ; la concurrence pour la destination touristique mauricienne, ce sont aussi les Caraïbes, l’Asie, la France, l’Italie et l’Angleterre, entre autres.

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