Type to search

En couverture

Tassarajen Pillay-Chedumbrum (ministre de l’ICT) – « Maurice ambitionne de s’imposer comme le leader des Tic en Afrique »

Share
Tassarajen Pillay-Chedumbrum (ministre de l’ICT) - « Maurice ambitionne de s’imposer comme le leader des Tic en Afrique » | business-magazine.mu

Créer un bassin d’emplois pour faire décoller le troisième pilier de l’économie, améliorer la connectivité pour attirer les investisseurs et poursuivre l’investissement dans la formation. Le ministre Tassarajen Pillay-Chedumbrum énumère les grandes mutations dans le secteur des Tic.

BUSINESSMAG. Selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius, nous stagnons à la troisième place comme pilier de l’économie mauricienne. Pourquoi ?

Il n’est pas approprié de parler de stagnation. Les projets dans le secteur des Tic doivent non seulement être réalistes, mais surtout réalisables. Il est très important d’être crédible dans ses actions, dans ses réalisations. Selon les observateurs, les technologies de l’information et de la communication seraient devenues un pilier de l’économie mauricienne en 2010- 15, après les services financiers, le tourisme, le textile et le sucre.

Suivant la vision du Premier ministre et l’objectif du gouvernement, et en persévérant dans le travail, en l’espace de 10 à 15 mois après les élections de 2010, les Tic sont devenues le troisième pilier de l’économie nationale, détrônant le sucre et le textile avec une contribution importante au PIB. Mais tout ne s’arrête pas là : il faut maintenant avoir l’ambition légitime de bouger de la troisième place pour en occuper la première dans les prochaines années.

De nombreuses structures doivent être mises en place pour répondre aux exigences pour en faire le secteur phare de notre économie ; c’est aussi le fruit d’un grand travail, d’une grande concertation. Après le positionnement à la troisième place, nous allons maintenant consolider nos assises pour le faire progresser davantage.

BUSINESSMAG. L’industrie est passée, il y a un an, de la cinquième à la troisième place de l’économie. Quand pourronsnous voir les Tic comme le principal secteur de Maurice ?

Au train où vont les choses, je vois les Tic émerger comme le principal secteur de Maurice d’ici à 2015, avec une contribution à deux chiffres au produit intérieur brut. C’est le souhait du gouvernement, qui rejoint celui de tous les Mauriciens. C’est un secteur prometteur, créateur d’emplois, qui aidera à dynamiser l’économie du pays, mais surtout à résorber en partie le chômage dans l’île.

BUSINESSMAG. Depuis quelques années, Maurice accorde une importance grandissante aux Tic. Avons-nous progressé à ce niveau et sommes-nous sur la bonne lancée ? Quelles sont les évolutions marquantes du secteur ?

Tout se fait graduellement. Une progression fulgurante n’est jamais de bon augure : il faut un développement soutenu dans la durée. Il faut mettre en place des structures qui maintiendront les Tic comme un pilier important de l’économie.

Plus concrètement, l’Open Access Policy to Sea Cable a été présenté au Conseil des ministres. Quand j’ai pris le portefeuille de ministre des Tic en 2010, j’ai pris connaissance de ce qui a été fait dans un domaine qui a été démocratisé avec la fin du monopole de l’opérateur historique, Mauritius Telecom. La libéralisation était effective avec la présence de nombreux opérateurs indépendants et concurrents. Mais dans le concret, il n’y avait rien de changé : ni dans la diversité des offres, encore moins dans les tarifs proposés aux utilisateurs éventuels.

« Nous souhaitons faire de Maurice le pays le mieux connecté au monde. Ce n’est pas un slogan creux, pas une vaine promesse émise en campagne électorale. »

Sur le marché, on note la présence d’un « dominant partner », le seul à détenir des actions dans le câble SAFE – qui assure la connectivité avec le reste du monde – duquel dépendent tous les autres opérateurs pour leur bande passante comme fournisseur d’accès à internet (FAI). L’opérateur historique joue le rôle de grossiste et de détaillant à la fois, en vendant de la bande passante aux FAI et en commercialisant des offres Internet grand Ce n’est pas sain pour ce secteur en émergence, ni dans le cadre de la bonne gouvernance. Dans ce contexte, l’Open Access Policy to Sea Cable a été introduit en octobre 2010. Ce policy paper a transformé le paysage informatique dans l’île, l’a doté de structures pour qu’il y ait une vraie démocratisation de l’outil informatique. Le gouvernement a ouvert la compétition, a attiré des opérateurs sur le marché. Tout cela a entraîné une baisse des coûts d’opération des service providers.

Emtel a ainsi pu acheter des Indefeasible rights of use (IRU) de Mauritius Telecom. L’IRU se résume à l’acquisition, à la suite d’un accord, d’une capacité inutilisée par un gros pourvoyeur de bande passante. Tout comme MT, Emtel est devenue elle aussi un grossiste, ce qui fait jouer la compétition qui résulte en des prix plus bas et des offres plus intéressantes pour l’utilisateur lambda. Emtel a ainsi fait des offres corporate à 20-44 % moins cher que ce qui était proposé avant cet accord.

Il faut s’inspirer du programme gouvernemental pour répondre aux aspirations de la population. Le gouvernement veut faire de l’accès à l’internet une réalité pour tous, le droit de tout Mauricien. Il faut accompagner le souhait d’actions concrètes et travailler en ce sens. Les baisses de coût et les multiplications d’offres suivront automatiquement.

Le raccordement au câble LION II (auquel sont associées MT et Emtel) est venu conforter le pays sur la place car l’île Maurice ne dépend plus uniquement du SAFE. Non seulement nous sommes maintenant en présence d’une bande passante plus confortable, mais encore le simple fait de pouvoir disposer d’une seconde source de connectivité internationale a fait disparaître les craintes des investisseurs quant à une rupture du service dans l’éventualité d’une panne. Les autorités sont ainsi venues garantir une connectivité, un accès ininterrompus à l’international.

Nous souhaitons faire de Maurice le pays le mieux connecté au monde. Ce n’est pas un slogan creux, pas une vaine promesse émise en campagne électorale. Nous voulons révolutionner les méthodes d’enseignement dans l’éducation nationale. Et nous voyons se concrétiser ces ambitions. Tout est en train d’être mis en place pour relier Maurice sur la carte mondiale.

Nous modernisons petit à petit nos infrastructures (les câbles en cuivre du réseau sont graduellement remplacés par de la fibre optique). Attirée par ce développement, Bharat Telecom a lancé ses opérations dans l’île et viendra bientôt avec ses premières offres commerciales. Elle procède actuellement à la mise en place de son réseau de fibre optique (Optic Fiber to the Home) à travers l’île, et ainsi servir toute la population en haut débit. Son offre de base sera une connexion Internet de 2 Mb et des chaînes de télévision pour un peu plus de Rs 300 par mois.

Depuis 2010, les autorités procèdent à des baisses du tarif d’Internet, mais elles dépendent pour cela des opérateurs car la demande devrait émaner d’eux pour être ensuite avalisée par le régulateur, l’ICTA. Or, il n’est pas intéressant commercialement pour l’opérateur de pratiquer des prix inférieurs. Cela résultera en des profits moindres ! Et les dominant players n’ont pas à se soucier de la concurrence !

Les articles 30 et 31 de l’ICTA Act ont ainsi été amendés pour que le régulateur puisse de son propre chef venir demander une baisse des tarifs à chaque fois que le besoin se fait sentir. De plus, n’importe quel opérateur qui le souhaite et qui le demande peut désormais accéder aux deux landing stations de l’île, et le prix d’accès sera décidé par le régulateur.

Rien n’oblige d’acheter de la bande passante d’un opérateur local pour offrir ses services dans l’île.

Mais pour pouvoir fournir la connectivité aux Mauriciens il faut un point d’accès local, d’où l’ouverture des landing stations à qui le demande. Et c’est ce qui a attiré la société belge Belgacom à venir lancer ses opérations dans l’île avant la fin de l’année.

L’arrivée de cet opérateur majeur va indiscutablement dynamiser le marché, accentuer la compétition, entraîner des baisses de tarifs.

BUSINESSMAG. Le rapport de l’Audit fait état de nombreuses dépenses dans plusieurs secteurs. Qu’en est-il dans le ministère des Tic ?

L’Audit est un organisme indépendant qui fait son travail. Il jouit de privilèges lui permettant de communiquer les failles qu’il a notées lors d’un exercice de vérification, et de les dénoncer. Je suis un partisan farouche de ceux qui dénoncent la malhonnêteté, des malversations, des transactions frauduleuses. Ils doivent pouvoir travailler en toute liberté et dans la transparence, et cet exercice est important pour le bon fonctionnement des institutions.

Il y a des cas où des auditeurs sèment le doute dans l’exercice de leurs fonctions. Dans le cas du ministère des Tic, plus de 80 % du travail établi sur 5 ans dans le programme gouvernemental a été complété en deux ans seulement. Il n’y aurait pas eu un tel progrès si l’argent budgété avait été mal utilisé, gaspillé. Cette rapidité d’exécution est aussi mal vue, et laisse le champ à la suspicion.

La non-disponibilité immédiate de certains dossiers lors de la visite des auditeurs a mis le doute dans leur tête, d’où leur observation. Ils ont en conséquence émis un rapport défavorable sans avoir au préalable cherché des éclaircissements et des explications justifiant la non-disponibilité momentanée d’un dossier pour consultation. J’ai par la suite commandé un audit interne qui m’a permis de voir plus clair et m’a rassuré sur le mouvement des dossiers et les dépenses justifiées qui correspondent à des paiements dans le ministère des Tic. Je le dis clairement : il n’y a pas eu de fraude dans mon ministère, et il n’y en aura pas !

«L’ICT monte en gamme : le secteur se sophistique avec les BPO, les services d’externalisation de données, ceux exerçant dans la conception de logiciels. Les facilités disponibles à Maurice attirent les investisseurs qui vont amener l’innovation. »

BUSINESSMAG. Le secteur fait face à un manque cruel de main-d’oeuvre qualifiée. On entend parler d’ICT Academy, mais rien de concret à ce jour. Où en est ce projet ?

À mon arrivée au ministère, j’ai constaté l’absence d’une école de formation pour les Tic. On a évoqué le besoin de formation dans le secteur et on s’est entendu dire que c’est aux compagnies de former la main-d’oeuvre pour les besoins besoins actuels et futurs. Mais ce n’est pas le rôle de l’industrie des Tic de former du personnel. D’où le besoin d’une structure de formation.

Nous avons l’ambition de devenir une cyber-île, or nous devrions nous permettre une structure de formation adéquate et appropriée à nos besoins, une école de formation digne de ce nom. On nous a suggéré de charger l’Université de Maurice de former cette main-d’oeuvre particulière et spécialisée, mais l’ICT Academy sera calquée plus sur le modèle de l’École hôtelière. Tout comme cette dernière se charge de former pour les besoins spécifiques de l’hôtellerie, on envisage d’en faire de même pour les Tic.

J’ai été agréablement surpris par la volonté du secteur privé d’être partie prenante de l’ICT Academy. L’actuelle structure ne pourra répondre aux besoins du secteur en matière de formation professionnelle et spécialisée, et il était devenu important de voir plus grand. Dans un premier temps, il était question pour le gouvernement d’y investir Rs 5 millions, mais il consacrera concrètement Rs 50 millions jusqu’en décembre dans l’ICT Skill Development Programme. Ce cursus inclura ceux qui n’ont pas réussi à la fin de leur scolarité secondaire, pour leur donner une deuxième chance de réussir dans la vie. Ils bénéficieront tous d’une allocation, le temps de leur formation, laquelle s’ouvrira également aux universitaires intéressés, pendant les vacances. Le projet a été approuvé par le Cabinet et démarrera dans les prochaines semaines. L’ICT Academy a pris du retard car nous avons revu le projet pour lui donner des bases plus solides et pour qu’il concerne un plus grand nombre.

BUSINESSMAG. Au lieu de se comparer à des économies comme Singapour et l’Inde, pourquoi ne pas avoir des ambitions plus modestes, plus proches du contexte mauricien. Ne serait-il pas plus sage de revoir notre cursus éducatif pour inclure la culture de l’informatique dès les premières années ?

L’enseignement de l’informatique est déjà une réalité dans les écoles primaires et les collèges. Un accès gratuit à Internet est aussi proposé aux élèves du secondaire et du tertiaire.

Tout cela est fait pour inculquer la culture de l’informatique dès le plus jeune âge et aider le pays à émerger sur le plan des Tic, et figurer parmi l’élite dans la région. Maurice est le numéro 1 dans ce domaine en Afrique et se positionne sur le plan international ; elle n’a rien à envier aux pays européens. L’île est connue comme une destination touristique : nous voulons faire d’elle un exemple en informatique and be known as a preferred and safe ICTdestination.

Nous voulons devenir un centre régional des Tic dans cette partie du monde. Nous vendons déjà notre expertise en Afrique. La Gambie, le Zimbabwe, le Botswana, la Namibie, entre autres, envisagent de signer des accords de partenariat avec Maurice pour bénéficier de notre expertise. Nous n’avons pas des ambitions démesurées, mais des désirs légitimes de rester pendant longtemps encore le No 1 en Afrique.

« Maurice est déjà un hub pour la région. La State Informatics Ltd est déjà en Afrique : SILNAM opère en Namibie, SILBOTS au Botswana. »

BUSINESSMAG. À ce jour, toutes les écoles primaires et tous les collèges sont-ils connectés à Internet ? Où en est le projet Wifi Mauritius ?

C’est une réalité dans toutes les institutions éducatives gouvernementales. Cela assure un accès à tous les étudiants et les place sur un pied d’égalité en ce qui concerne l’informatique. Le savoir est ainsi à portée de main, au moyen d’une souris. Par ailleurs, 175 Computer Clubs sont disséminés à travers l’île dans les centres communautaires, et l’accès y est ouvert aux jeunes mais aussi aux moins jeunes. Dix sites Wifi qui permettent une connexion sans fil et illimitée sont activés à travers le pays avec sur chaque site cinq PC sont à disposition pour ceux qui ne possèdent pas un terminal Wifi (téléphone, tablette, ordinateur portable, console de jeux, etc.).

L’opportunité est ainsi offerte à tout un chacun de se familiariser avec l’outil informatique et d’accéder à la toile.

BUSINESSMAG. Quels sont les nouveaux jobs créés dans le secteur ? À combien se chiffrent les nouveaux emplois ?

Avec l’ICT Skill Development Programme, nous allons créer le bassin d’emplois.

D’ici à novembre prochain, un premier groupe en sortira pour rejoindre l’industrie des Tic. D’ici à 2014, cela concernera entre 28 000 et 29 000 personnes contre 15 000 qui y sont actuellement en emploi.

L’ICT monte en gamme : le secteur se sophistique avec les BPO, les services d’externalisation de données, ceux exerçant dans la conception de logiciels. Les facilités disponibles à Maurice attirent les investisseurs qui vont amener l’innovation.

BUSINESSMAG. Comment voyez-vous Maurice émerger dans la région ? Selon vous, Maurice peut-elle servir de tête de pont (hub) pour toucher le marché régional et africain ?

Maurice est déjà un hub pour la région. La State Informatics Ltd est déjà en Afrique : SILNAM opère en Namibie, SILBOTS au Botswana. Ce sont des exemples qui démontrent notre expertise en Afrique. Nous sommes très demandés dans cette partie du monde pour nos compétences, notre capacité de réussir.

L’expertise mauricienne a été sollicitée lors d’une conférence à Cape Town récemment pour faire un ICT Strategic Plan pour l’Afrique du Sud. Maurice dispose de son plan stratégique, lequel s’étendait jusqu’en 2011. Celui-ci a été revu pour couvrir 2011-2014. L’Afrique du Sud a demandé à l’ITU Council l’assistance pour préparer son National Broadband Policy (le nôtre a été voté en début d’année). L’ITU (International Telecommunication Union) préconise d’entreprendre la migration digitale d’ici à 2015 ; Maurice l’a accompli à 60 % à ce jour et le sera à 100 % d’ici à septembre 2013. Les radios passeront au numérique en 2014.

BUSINESSMAG. Comme Maurice est petit, y a-t-il possibilité d’utiliser le Cloud pour sortir de nos rivages ?

Maurice utilise pleinement le Cloud Computing, qui est compatible avec Maurice Ile Durable (Green Mauritius). Nous oeuvrons à la réduction de notre empreinte carbone, à baisser notre utilisation de papier, à économiser de l’énergie, des tendances qui favorisent une utilisation accrue du Cloud. Bien des compagnies ont leurs serveurs dans des pays distants.

À titre d’exemple, tous les Computer Clubs fonctionnent selon le principe du Cloud, les données étant enregistrées dans les serveurs de Mauritius Telecom, et non sur site. C’est un moyen d’éliminer l’ewaste.

BUSINESSMAG. Dans cette société de consommation dans laquelle nous vivons, quelle place attribuer aux technologies nouvelles ?

C’est ce qui fait des Tic un secteur dynamique. Bien avant la Grande-Bretagne et le Canada, la fibre optique couvrira toute l’île Maurice.

BUSINESSMAG. Nous venons d’assister à des dérapages sur Facebook, qui nuisent à notre bonne réputation à l’étranger. Comment faire pour que cela ne se reproduise pas ?

La sécurité sur le web est très importante, et Maurice est un des rares pays d’Afrique à avoir son CERT (Computer Emergency Response Team) et CERT-MU a été affiliée à FIRST (Forum of Incident Response and Security Teams), une instance internationale. Cela aidera le pays à être mieux armé pour affronter les cyber-attaques.

BUSINESSMAG. Infotech se tiendra du 13 au 16 septembre prochain. À peine l’événement médiatisé, plus de 80% des stands ont été réservés. Qu’est-ce qui explique selon vous cet engouement ?

Le dynamisme a été créé. Infotech est un salon informatique où est exposé le dernier cri en matière des technologies, et proposé aux visiteurs à un prix réduit. Tout cela attire et les visiteurs et les exposants.

BUSINESSMAG. On parle depuis quelque temps de cyberîle. À quand une île Maurice paperless, 100 % informatisée ?

La pré-condition à une île Maurice 100 % informatisée est d’avoir une population computer literate. Avec le travail qui est fait en ce sens, les cours de formation qui sont mis en place, Maurice est computer literate à 60 % et, au plus tard en 2014, ce chiffre passera à 85 %.

Tags:

You Might also Like