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Tim Taylor (Chairman de Scott & Co. Ltd) : «La création de la richesse est une urgence»

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cover 1491 Tim Taylor

L’année prochaine, cela fera 50 ans que Tim Taylor est rentré à Maurice. Figure connue du secteur privé, il a été témoin de la transformation qui s’est opérée au sein de l’économie mauricienne. C’est sans détour qu’il lâche que le pays traverse ces jours-ci sa pire crise. Comment s’en sortir ? Pour le Chairman de Scott & Co. Ltd, il faut, avant tout, consolider nos acquis en adoptant des mesures fortes s’inscrivant sur le court terme. Par ailleurs, estime-t-il, dans ce contexte de crise sans précédent, le déficit budgétaire n’est pas un problème majeur.

Vous avez une riche carrière dans le secteur privé ayant notamment servi comme Chief Executive de Rogers ou encore comme président de la Chambre de commerce et d’industrie. Aujourd’hui, vous êtes le Chairman de Scott & Co. Ltd. En tant qu’homme d’affaires mais aussi économiste comment mesurez-vous l’impact de la crise sur l’économie ?

J’aimerais ouvrir une parenthèse en rappelant que suis né à Maurice. Mais je suis parti à l’étranger quand j’étais jeune et je e suis revenu vivre qu’en décembre 1972. Définitivement, je dirais que la présente crise est la pire que j’ai connue. J’ai le sentiment qu’on ne le réalise pas pour le moment. Avec le Wage Assistance Scheme (WAS) ou encore la promesse de fonds provenant de la Mauritius Investment Corporation (MIC), on vit toujours dans une sorte de bulle. D’ailleurs, à ce sujet, le Fonds monétaire international (FMI) n’était pas satisfait de la façon dont le gouvernement a financé le déficit pour l’exercice budgétaire 2020- 2021. Le ministre des Finances avait déclaré qu’il allait équilibrer ce Budget, mais au bout du compte, cela n’a pas été le cas.

Toutefois, je ne pense pas que ce soit un problème d’avoir un budget déficitaire en ces temps difficiles. Je crois que le ministre a bien fait pour le WAS. S’agissant des abus, je suis d’avis que pour le secteur Corporate, il y avait un certain contrôle, mais pour les Self-employed, je n’en suis pas si sûr. J’ai l’impression qu’il y aurait eu des abus car dans ce cas précis, mais je concède que c’est difficile de contrôler. Mais nous sommes tous d’accord que le WAS ne peut continuer éternellement et le ministre des Finances est très conscient de cela. D’un autre côté, il veut relancer l’économie aussi vite que possible. S’agissant du confinement, celui de l’année dernière était trop long. La façon dont le confinement a été mis en place cette année est nettement meilleure. Plus un confinement se prolonge, plus le coût associés aux jours d’inactivité se révèle être élevé pour l’économie et le gouvernement l’a bien compris. L’année dernière, le PIB a baissé d’environ 15 %. C’est beaucoup ! Nous avons d’ailleurs souffert d’une des plus grosses contractions sur le plan mondial. La clé, ce sera la réouverture des frontières et pour le moment, nous ne savons pas trop ce qui va se passer. Si je comprends bien, on veut rouvrir en deux ou trois phases. Nous devons accepter le fait que nous aurons encore des cas de la Covid-19 à Maurice, cela même si la prudence est de mise. Selon les spécialistes, ce virus sera avec nous pour encore longtemps et il ne va pas disparaître comme par magie. J’ai l’impression qu’à un certain moment, le gouvernement s’imaginait que le virus allait disparaître, mais nous devons tout simplement apprendre à vivre avec. Et cela passe bien sûr par la vaccination. Aujourd’hui, le gros problème c’est de pouvoir s’approvisionner en vaccin, c’est devenu chose difficile. Avec la Covax Facility, nous venons de recevoir 38 400 doses de vaccin. Pour atteindre l’immunité collective, il faudra vacciner un grand nombre de nos compatriotes. Nous avons l’espoir que cela pourrait se faire au plus tard fin juillet. Or, avec le manque de vaccin, il est estimé que nous pourrons atteindre l’immunité collective que vers le mois d’octobre. La vaccination est donc essentielle pour Maurice. D’un autre côté, il faut aussi que les hôpitaux arrivent à traiter les patients. Au lieu de mettre toute personne ayant été en contact avec un patient atteint de la Covid-19 en quarantaine dans un hôtel, il faudrait privilégier plutôt le Self-isolation à domicile. Encore faut-il pour cela une certaine discipline de la part des Mauriciens.

 

«Quand nous allons rouvrir nos frontières, il sera très important pour Maurice d’être sur la liste verte de l’Angleterre»

Le FMI s’attend à une accélération de la reprise mondiale grâce à la vaccination qui est un ‘game changer’ dans la guerre contre la pandémie. Pour Maurice, l’espoir est-il permis quant à une reprise au second semestre ?

À Maurice, nous sommes «behind the curve» s’agissant de la vaccination. Jusqu’à ce que les frontières soient de nouveau rouvertes, nous ne savons pas ce qui se passera. Et surtout combien de touristes vont se tourner vers notre destination. Si les autorités décident de rouvrir, dans un premier temps, avec une obligation pour le touriste de demeurer dans son hôtel, mais d’y circuler librement, ce ne serait pas un grand problème. Car nous savons que beaucoup de touristes ne quittent pas leurs hôtels. Mais pour l’Airbnb, ce sera un gros problème. Les autorités veulent ouvrir plus largement avant la fin de l’année et je pense que le touriste préfère dans un sens un hébergement en Airbnb que de résider dans un hôtel. Dans les établissements hôteliers, il y a toujours la crainte d’attraper la Covid-19, mais dans les hébergements Airbnb, les touristes y seront en famille, ils peuvent aller à la plage ou encore garder une certaine distance avec d’autres personnes.

Donc, pour Maurice, il est important qu’on puisse également ouvrir pour les petits opérateurs. De même, il est tout aussi très important d’avoir de la visibilité concernant la réouverture des frontières, ce qui n’est pas le cas actuellement.

S’agissant des destinations que nous visons, ne sommesnous pas restés coincer dans un ‘old paradigm’ en ciblant systématiquement les marchés traditionnels tels que la France ou l’Allemagne. N’est-ce pas le moment d’être entreprenant dans notre approche commerciale ?

Dans le futur, nous pourrons faire beaucoup de choses. Le problème c’est que pour le moment, nous n’avons pas de temps. Dans le passé, nous avions ciblé la Chine avec trois vols par semaine. Toutefois, cette stratégie n’a pas marché comme on l’espérait. Nous savons que les Français aiment Maurice, il faut faire de notre mieux pour les attirer. Nos plus gros marchés demeurent la France, l’Italie, l’Angleterre et l’Allemagne. Dans un second temps, nous pourrons nous tourner vers d’autres marchés, mais la priorité du moment c’est de séduire nos marchés traditionnels, pour l’année prochaine. Nos efforts devraient se concentrer sur ceux-là car les touristes de ces marchés connaissent déjà Maurice. Il est intéressant d’établir un parallèle avec la GrandeBretagne qui a établi trois listes : verte, orange et rouge. Maurice figure sur la liste orange. Ce qui veut dire que quand un Britannique vient en vacances à Maurice, quand il rentre chez lui, il devra faire dix jours d’auto-isolation. S’il revient d’un pays classé sur la liste rouge, il doit faire dix jours de quarantaine dans un hôtel. C’est mieux d’être sur la liste orange que la liste rouge. Mais c’est encore mieux d’être sur la liste verte car il n’y a pas de quarantaine au retour en GrandeBretagne. Aujourd’hui, très peu de pays figurent sur la liste verte de l’Angleterre. Donc, quand nous allons rouvrir nos frontières, il sera très important pour Maurice d’être sur la liste verte de l’Angleterre. D’un autre côté, je crains que l’Union européenne vienne de l’avant avec une liste semblable à la Grande-Bretagne.

 

Parlons du Budget, le ministre des Finances a d’ores et déjà annoncé qu’il serait placé sous le signe de la relance et comprendra des réformes structurelles essentielles. Quelles sont vos attentes ?

Le problème avec les réformes structurelles c’est que cela prend du temps. Il faut convaincre pas mal de personnes. En outre, les réformes structurelles demandent un travail de fourmi pour vraiment comprendre ce qu’il faut changer. Je crois que dans un premier temps, il nous faut bâtir sur ce que nous avons, à l’instar du tourisme, des services financiers, de l’externalisation de services et du développement immobilier. Quand l’économie aura repris des couleurs, alors nous pourrons analyser les secteurs qui requièrent des réformes structurelles. Le problème est que si nous essayons de faire trop de choses en même temps, cela risque de ne pas aboutir. Pour l’instant, le focus doit être sur nos exportations de services et nos exportations physiques. Aussi, le centre financier mauricien figure sur trop de listes négatives : grise, noire et rouge. Tout cela n’est pas bon et porte atteinte à notre secteur. Pour le moment, nous savons ce que nous devons faire ; il faut juste le faire. Il semble aussi que nous avançons trop lentement car apparemment ce n’est qu’en 2022 que Maurice pourrait sortir de toutes ces listes. Je dois rappeler que notre secteur financier est très important et si nous le perdons, nous nous retrouverons au fond de l’abîme. Il y a énormément de gens qui travaillent à Ébène et ils perçoivent de bons salaires. Avant de passer du temps sur des réformes structurelles, nous devons miser sur ce que nous avons et sur ce que nous savons que nous pouvons bien faire. En d’autres mots, il s’agit de se focaliser sur nos fondamentaux. Si le gouvernement veut aller de l’avant avec des réformes structurelles, il faut qu’il y ait des consultations. Il faut se mettre autour d’une table avec toutes les parties prenantes, notamment le secteur privé et les syndicats. Si vraiment on veut apporter des changements, il faudra des mises en commun et des discussions.

 

«Le focus doit être sur nos exportations de services et nos exportations physiques»

Parmi les filières d’activités à relancer, l’agriculture figure en tête de lice dans l’optique d’une autosuffisance alimentaire. Depuis plus de cent ans, les gens en parlent, et nous ne sommes toujours pas autosuffisants. Nous devons être réalistes, nous ne pouvons pas atteindre l’autosuffisance alimentaire. Nous pouvons cultiver plus de produits agricoles, mais notre climat n’est pas propice pour produire la plupart des produits que nous consommons. L’idée que l’on ramènera les Mauriciens à la terre dans ce sillage est erronée. Quand on fait l’inventaire des biens de consommation disponibles dans la plupart des boutiques et des supermarchés, seulement 10 % d’entre eux sont produits localement, alors que 90 % sont importés. Je ne pense pas que nous pourrons renverser la vapeur. Ce qu’on devrait faire, c’est de s’assurer que nos industries disposent de la capacité de produire. Fondamentalement, nous avons besoin de devises étrangères pour acheter ce que nous ne pouvons pas produire ici. Si vraiment on veut augmenter la production locale des produits alimentaires, il faut imposer une taxe sur les importations des produits sur lesquels on souhaite intensifier notre production. En revanche, ces impôts vont augmenter les prix des produits de base. Oui, on peut augmenter la production de certains fruits et légumes, et peut-être que l’on pourrait ramener 2 000 à 3 000 Mauriciens à la terre, mais pas forcément viser le nombre travaillant dans la Cybercité d’Ébène, par exemple. Bien que la culture de la pomme d’amour et d’autres produits agricoles soit des filières d’activités nécessaires, elles ne peuvent se substituer à la valeur ajoutée qu’apporte l’offre de services financiers.

Dans cette ère de reconstruction, le secteur privé doit se repenser d’un point de vue opérationnel, stratégique et financier. Plus que jamais, la bonne gouvernance doit guider les actions des entreprises. En somme, c’est une révolution culturelle qui doit s’opérer. En tant qu’ancien président du Comité de bonne gouvernance quel message voulez-vous faire passer ?

Je ne crois pas que le problème dans le secteur privé peut être attribué à un problème de gouvernance. En 2001, j’étais le président du National Committee on Corporate Governance (NCCG). À cette époque, nous étions au tout début de ce parcours et nous avons beaucoup travaillé sur la question. Cela a débouché sur le lancement du Code of Corporate Governance for Mauritius. Je pense que le secteur privé a bien travaillé concernant la bonne gouvernance. Bien sûr, ce n’est pas parfait, cela peut être meilleur et j’espère qu’au fil du temps cela le sera. Mais ce n’est pas la gouvernance du secteur privé qui influencera la relance économique. Le secteur privé a besoin de confiance, il a les moyens et il a les projets. La gouvernance est importante certes, mais à l’heure actuelle, le secteur privé recherche l’entrepreneuriat et la prise de risque plus que la gouvernance. La baisse de 15 % de PIB de moins l’année dernière veut dire que Maurice est 15 % moins riche qu’il ne l’était en 2019. Nous devons donc créer de la richesse ; c’est une urgence. Maintenant, si nous regardons le secteur public, les choses y sont différentes. Le secteur public a fait peu de progrès concernant la gouvernance. Quand j’étais le président du NCCG, nous avions organisé plusieurs séminaires et des ateliers de travail avec le secteur public. Toutefois, le problème n’est pas vraiment au niveau des fonctionnaires ; il vient d’ailleurs.

Je m’explique : d’abord il y a des clauses dans les lois qui gouvernent certaines compagnies d’État qui dictent la présence de personnes provenant de différents ministères sur les conseils d’administration. Généralement, ce n’est pas une bonne chose, car ces personnes souvent «don’t really care». Surtout, elles assistent à des réunions de conseil qui ne relèvent pas particulièrement de leurs domaines ou pour lesquelles elles n’ont pas nécessairement les connaissances appropriées. Et puis, il faut surtout que les ministres nomment d’autres directeurs qui soient intègres et compétents. Malheureusement, ce n’est pas nécessairement le cas aujourd’hui. Il y a tout un travail à faire là-dessus.

Aux États-Unis, l’administration Biden a annoncé une importante réforme fiscale. À Maurice, il se chuchote qu’il se pourrait que le gouvernement revoit le principe d’une fiscalité uniforme de 15 % pour les entreprises en vue de financer la relance. Si c’est le cas ne risque-t-on pas de mettre encore plus de pression sur le secteur privé qui est déjà fragilisé par la crise ?

Admettons-le, personne n’aime payer la taxe. À ce sujet, je ne sais pas ce que le ministre va faire. Nous sommes tous d’accord que pour le moment, les choses sont bien difficiles. Je suis d’avis qu’il nous faut avoir de la clarté sur la Taxation policy à Maurice. Avec la taxe à 15 %, il y a cette clarté. À Maurice, nous avons un certain nombre de dépenses : la pension, la santé, l’éducation. Tout cela demande des ressources qui passent obligatoirement par la taxation, mais il faut dépenser intelligemment. Au sein du Public Accounts Committee, l’on constate qu’il y a beaucoup d’ordre à mettre dans les dépenses. Le gouvernement a réellement besoin de comprendre ce qui est nécessaire et ce qui l’est moins. Par exemple, est-ce que le métro est une priorité ? Mais d’ici cinq ans, je ne crois pas que nous allons regretter le métro. À Poste de Flacq, on est en train de refaire un pont. Ce n’est pas une grande route, alors pourquoi a-t-on décidé de refaire ce pont ? Certes, ce n’est pas une priorité immédiate mais, à la longue, je ne crois pas que ce soit de l’argent gaspillé. Par contre, si nous regardons la Safe City, on peut dire que «will we ever get value for this project» ? Je crois que c’est important que le gouvernement regarde les choses dans cette optique. Certes, il faut investir dans des projets d’infrastructures pour relancer l’économie, mais ceux-ci doivent ajouter de la valeur pour Maurice sur le long terme. Ainsi, concernant la taxe, le gouvernement doit regarder ses dépenses et voir où il peut économiser et où il est susceptible de facturer. Du point de vue du secteur privé, la visibilité est très importante sur cette question. C’est aussi important de comprendre la philosophie derrière. Quand Rama Sithanen est venu avec la fiscalité uniforme dw 15 %, nous avons compris qu’il voulait augmenter l’investissement, attirer les étrangers, entre autres. La visibilité et la philosophie restent très importantes quand il s’agit de la taxe.

«La visibilité et la philosophie restent très importantes quand il s’agit de la taxe»

Récemment, l’on a assisté à la promulgation expéditive du Non-Citizens (Property Restriction) (Amendment) Act sans consultation préalable. On sait que cette loi a été adoptée en catimini surtout parce qu’il y a une urgence qu’on sorte au plus vite de la liste noire de l’Union européenne et qu’à cet effet, on doit appliquer à la lettre le plan d’action du Groupe d’action financière (GAFI). Certes, Maurice n’a d’autre choix que d’obtempérer, mais il se dégage un sentiment qu’on se laisse trop dicter. Qu’en pensezvous ?

Honnêtement, je ne sais pas ! Avant de faire une acquisition passant par l’Economic Development Board, l’acheteur étranger doit avoir le feu vert du Bureau du Premier ministre (PMO). Maintenant, si je comprends bien, l’étranger s’il veut vendre son bien doit aussi passer par le PMO, qui n’est pas connu pour sa rapidité. Un dossier au PMO peut prendre jusqu’à six mois. Un étranger n’y est pas habitué. Par ailleurs, je suis surpris que nous ayons besoin d’une telle mesure pour le cadre sur l’Anti-Money Laundering/ Combating the Financing of Terrorism (AML/CFT). En Angleterre, par exemple, n’importe qui peut acheter une propriété ; il n’a pas besoin de se tourner vers le gouvernement. Pourquoi cela s’applique à Maurice si ce n’est pas le cas dans les grandes juridictions ?

Ne risque-t-on pas à l’avenir de se retrouver dans un environnement sur-réglementé, ce qui pourrait avoir un effet néfaste sur les affaires ?

Il est vrai qu’aujourd’hui, il semble que nous devons procéder à un exercice d’AML/ CFT sur n’importe quel client que vous avez. C’est contraignant dans le sens où cela constitue de la paperasse, donne lieu à des compilations de données et consomme du temps. Mais je crois que c’est ainsi à travers le monde. C’est triste cet environnement sur-réglémenté, mais nous devons accepter que c’est l’une des règles du nouveau monde, et qu’il y a beaucoup plus de due diligence à faire sur les personnes.

Un partenariat public-privé visible et proactif est de mise pour saisir les opportunités offertes par cette pandémie. Valeur du jour, est-ce que le secteur privé est sur la même longueur d’onde que le gouvernement ou une certaine méfiance s’est développée entre les pouvoirs publics et le privé ?

L’année dernière, les relations entre le gouvernement et le secteur privé étaient en mauvaise posture. Si nous nous appuyons sur le modèle relationnel en vigueur par le passé, le gouvernement plantait le cadre et créait les conditions nécessaires pour la facilitation des affaires, alors que le secteur privé créait la richesse en investissant. Est-ce qu’à un certain moment, le gouvernement a voulu changer la donne et prendre à son compte une partie de l’équation relevant généralement du secteur privé, en investissant çà et là pour relancer l’économie ? Peut-être que cela avait été le cas en 2020. Mais cela ne l’est plus cette année. Je crois aussi qu’à un certain moment, le secteur privé se demandait si cela aurait une incidence pour le gouvernement s’il faisait faillite. Je ne sais pas quelle est la réponse. Il semble cependant que le gouvernement réalise aujourd’hui que ce serait bien qu’une relance se concrétise par une collaboration entre le secteur privé et le gouvernement. Quel serait le «worst case scenario» par exemple pour un grand groupe hôtelier ? Regardez Air Mauritius qui a été mise sous administration, quelles sont les premières choses que l’administrateur effectue en prenant la tête du comité de direction ? La première chose qu’il fait est de s’assurer qu’il perçoit ses propres frais. Il voit aussi s’il arrive à s’acquitter de certains paiements ou s’il doit vendre. Et s’il est assez chanceux, il peut trouver un repreneur. Mais est-ce que ce dernier gardera la totalité des effectifs ? Cela pour dire que si un gros groupe hôtelier est mis sous administration, il créera une série d’incertitudes : pour le personnel, les banques et les clients. Surtout qu’au niveau de la clientèle tous les groupes hôteliers disposent d’une longue expérience et d’un réseau de relations avec les tour-opérateurs et agences à l’étranger pour attirer les touristes. À mon sens, pour relancer l’économie sans trop de casse, il faudrait autant que possible le réaliser avec les acteurs économiques actuels, et je crois que le gouvernement comprend cela, ce qui est important. Le Budget est d’ailleurs un des signaux lancés par le gouvernement au secteur privé.

«Le secteur privé recherche l’entrepreneuriat et la prise de risque plus que la gouvernance»

 

En tant que président de la Mauritius Wildlife Foundation, vous êtes particulièrement sensible à la nécessité de préserver notre environnement et notre écosystème. Bâtir une économie plus durable, à visage plus humain et plus inclusive, est-ce un doux rêve ou a-ton vraiment les moyens d’y arriver ?

Soyons positifs, nous avons fait du chemin. Quand je suis retourné à Maurice, le monde était moins conscientisé par rapport à l’environnement, et Maurice l’était encore moins. Nous avons réalisé peu à peu que l’environnement était important et que la qualité de développement impactait sur celui-ci. Nous sommes aujourd’hui à Maurice, bien que nous soyons toujours en dessous de la courbe, conscients que l’environnement est primordial. Nous savons de quelles activités nous proviennent nos principales émissions de carbone : transport (maritime, aérienne, terrestre), des industries (qui brûlent du charbon et des carburants pour générer de l’électricité ou de l’huile lourde pour faire tourner les usines), et nous devons juste voir ce que nous pouvons faire pour être plus écologiques et efficients en matière d’énergie. À l’échelle mondiale, nous ne représentons qu’un très petit pourcentage des émissions mondiales de carbone. Cela dit, nous avons beaucoup de soleil et de vent et je pense que nous pouvons basculer dans la zone verte en matière de génération d’électricité. Nous sommes en train de converger vers une meilleure direction qu’il y a 20 ans. Estce que nous sommes en train de le faire suffisamment vite ? Je ne sais pas. Est-ce qu’on communique bien sur la question ? Pas nécessairement. En tout cas, le travail de verdir notre développement se fait, et est aussi important pour notre image à l’international. Au niveau de la Mauritius Wildlife Foundation, nous déployons pas mal d’énergie avec le National Parks and Conservation Service pour éduquer petits et grands sur la protection des habitats naturels à travers nos programmes de préservation consacrés aux oiseaux et aux reptiles. C’est une collaboration à succès.

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