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Tourisme : les clés de la reprise

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Tourisme : les clés de la reprise | business-magazine.mu

<<Il faut absolument éviter que la situation ne dégénère au point où les dommages seraient irréversibles. Il est encore temps d’agir et il faut agir vite », prévient Ludovic Lagesse, Chief Operating Officer de Trimetys, un groupe opérant deux petits hôtels de charme dans le Nord.

Pour François Eynaud, président de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim), il faut ni plus, ni moins qu’une révision complète de la stratégie touristique. Il souhaite un nouveau modèle de développement qui prenne en ligne de compte les nouvelles réalités du marché. Actuellement, l’industrie est en mode de survie, estime-t-il : « Il faut se concerter, se mobiliser, établir des priorités et actionner de manière coordonnée les solutions selon un plan directeur clair et cohérent. Nous avons besoin d’un Roadmap pragmatique pour les cinq prochaines années ».

Baisse des prix : le cycle infernal

Avec une croissance stagnante, cela ne sert à rien de construire de nouveaux hôtels par les temps qui courent. « Il faut limiter les nouveaux développements en attendant la reprise des arrivées. Nous ne pouvons nous permettre de continuer à construire des hôtels et des résidences touristiques tant qu’une forte reprise des arrivées ne se matérialise pas. Cela alimente davantage le cycle infernal des baisses de prix, de baisse de standards et de dégradation de l’image de Maurice », insiste le président de l’Ahrim.

L’ouverture de l’accès aérien est aussi au centre du développement de l’industrie. Du reste, l’Ahrim a déjà fait valoir auprès des autorités qu’il est urgent de mettre en place les structures nécessaires comme l’Air Access Policy Unit.

Selon les observations des hôteliers établies depuis 2007, le nombre de chambres d’hôtels a augmenté de 15 %. En revanche, celui des sièges d’avion vers Maurice a diminué de 2 %. Cette forte inadéquation entre la capacité hôtelière et la capacité aérienne représente une pierre d’achoppement au développement optimal de l’industrie touristique.

 

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Les hôteliers réclament ainsi 350 000 sièges additionnels vers Maurice à l’horizon 2013, ce qui représenterait 12 à 14 vols hebdomadaires supplémentaires. Pour François Eynaud, nous devons faire de l’ouverture de l’espace aérien une priorité afin d’attirer de nouvelles compagnies aériennes. « Le tourisme se relèvera quand nous ouvrirons l’espace aérien, surtout vers les marchés à potentiel de croissance », observe François Eynaud.

Autre écueil qui mine le secteur : l’accumulation des taxes de voyage qui contribuent à affaiblir la compétitivité des destinations long-courrier. En outre, les opérateurs pointent du doigt les tarifs aériens. « Il faut que l’aérien soit cohérent avec le reste et que le prix soit compétitif en comparaison à ce qui est pratiqué par nos concurrents. Allez faire un tour sur le site Expedia. fr et recherchez des billets pour des vols secs Paris-Maurice et Paris- Mahé, vous verrez qu’il y a entre 400 et 600 euros de différence », souligne Ludovic Lagesse.

Jeenarain Soobagrah, directeur de Bonny Air Travel & Tours, estime pour sa part qu’avec les signes d’essoufflement d’Air Mauritius, « il est grand temps pour le secteur privé de commencer à réfléchir à la création d’une nouvelle compagnie aérienne mauricienne pour concurrencer la compagnie nationale, comme cela existe à la Réunion. » Et d’ajouter que l’idée émise par le Secrétaire général de la Commission de l’océan Indien, Jean-Claude de l’Estrac, de créer une compagnie aérienne régionale est une piste à suivre.

Maurice fait moins rêver

\La perte d’attractivité de la destination et la concurrence émanant d’autres destinations de la région sont aussi des facteurs non négligeables affectant le tourisme mauricien de plein fouet. Le problème d’image se mesure aussi dans une baisse de gamme en matière de type de touristes « Selon une étude récente, Maurice fait moins rêver et a perdu de son prestige. Une étiquette ‘tourisme de masse’ a fait fuir une partie de notre clientèle haut de gamme qui ne perçoit plus Maurice comme une destination exclusive », déplore François Eynaud.

Herbert Couacaud, CEO de New Mauritius Hotels, ne mâche pas ses mots. Pour lui, la destination Maurice est prise dans une spirale descendante dangereuse et paie le prix d’une braderie qui a transformé le pays en « discount destination ». Ce qui a donné lieu à une perte d’identité, conduisant même les voyagistes à chercher d’autres destinations pour assurer leur croissance. « L’heure est grave ! Souhaitons que les décideurs arrivent à reconnaître clairement les vraies priorités et à prendre les décisions énergiques qui, seules, pourront permettre à notre industrie de survivre à cette conjoncture extrêmement difficile », écrit-il dans l’éditorial de Beachnews, le journal interne du groupe.

Il faut dire que les relations tendues entre le secteur public et les opérateurs du privé n’ont pas arrangé la situation ces derniers mois. « Si les principaux acteurs continuent de s’accuser mutuellement tantôt d’arrogance, tantôt de malhonnêteté intellectuelle, nous courons à coup sûr à notre perte », soulignait récemment Malenn Oodiah, conseiller auprès du groupe Beachcomber. D’autres opérateurs s’interrogent sur le rôle futur des institutions comme la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) et la Tourism Authority. « Ces deux-là sont en mode ‘veille’ parce qu’elles opèrent uniquement selon les directives du ministère, sans vraiment prendre en considération les besoins réels du pays », estime l’un d’entre eux.

L’Ahrim évoque des solutions possibles aux problèmes de l’industrie. Elle suggère de développer une vraie stratégie de gestion de la saison creuse avec des actions ciblées, initiées conjointement avec l’Office du tourisme, les lignes aériennes et le secteur hôtelier. L’Ahrim met aussi en avant la nécessité d’une roupie plus stable vis-à-vis des principales devises. Le secteur souffre d’une roupie surévaluée de 12 à 15 % comme l’a confirmé la Banque mondiale. Selon les données compilées par l’Ahrim, en 2010, les pertes sèches liées à l’appréciation de la roupie vis-à-vis de l’euro et de la livre sterling ont atteint Rs 2 milliards et en 2011 et Rs 770 millions en 2011.

Vendre la diversité culturelle

Maurice doit se démarquer de la concurrence des autres destinations plage / soleil (Seychelles, Maldives, Antilles, République dominicaine…) en misant sur sa diversité culturelle. Vendre uniquement la plage et le soleil ne fonctionne plus. Par contre, nous avons un trésor qu’on ne promeut pas – ou très mal –, il s’agit de notre diversité culturelle, souligne Ludovic Lagesse. « Maurice est un condensé d’Inde, d’Afrique, de Chine et d’Europe. Maurice est un monde à la croisée des mondes. Nous sommes capables d’offrir aux touristes une expérience unique qui pourrait se résumer ainsi : ‘Venez à Maurice et découvrez le monde’ ».

Pourquoi ne pas créer une Maison de la culture mauricienne, avec différents pavillons retraçant les arrivées successives et l’histoire des populations qui font aujourd’hui la diversité mauricienne, suggère Ludovic Lagesse. « Une telle démarche nous permettrait de mieux mettre en valeur certains lieux symboliques comme l’Aapravasi Ghat et Le Morne par exemple, mais aussi les vestiges historiques à Mahébourg, Port-Louis, Pamplemousses et Souillac », estime-t-il.
Miser sur les marchés émergents

La diversification constitue une solution aux problèmes actuels du secteur. Le marché chinois en particulier recèle un gros potentiel. Ce marché, qui a connu une croissance de 100 % en 2011, représente actuellement seulement 1,6 % des touristes visitant Maurice. Mais pour mieux exploiter ce marché, il faut développer les liens aériens entre la Chine et Maurice et investir massivement dans la promotion de la destination en Chine.

De manière générale, la promotion doit s’accentuer, notamment sur les marchés émergents. La restructuration des campagnes de marketing est également essentielle selon un hôtelier et cette restructuration doit impliquer les institutions, les outils, les ressources, les agences extérieures ainsi que les budgets.
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