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Alimentation saine-Bio : un marché en manque de repères

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Alimentation saine-Bio : un marché en manque de repères | business-magazine.mu

Le bio et les produits de l’agriculture raisonnée se frayent de plus en plus une place sur les rayons des magasins d’alimentation. Bien plus qu’une tendance, ces concepts s’imposent désormais comme un mode de consommation. Mais pour les opérateurs engagés dans ce secteur, la population n’est pas suffisamment sensibilisée à leurs bienfaits.

Bien plus qu’une tendance, l’alimentation saine est un modèle de vie adopté par le plus grand nombre, un mode de consommation déjà adopté dans plusieurs parties du globe. Regroupant une clientèle de plus en plus nombreuse et soucieuse de sa santé, le bio c’est l’assurance de produits élaborés sans colorants additifs, sans édulcorants, ni exhausteur de goût artificiels, ni matières grasses hydrogénées.

Le consommateur a de nos jours le choix avec l’éventail de produits bio disponibles sur le marché et provenant pour certains de l’agriculture raisonnée. Le marché des produits d’alimentation bio importés est en essor, et le choix de plus en plus large et varié a largement contribué à la popularité. Mais c’est sans oublier les nouvelles manières de consommer ainsi que le désir grandissant de la population de s’occuper de sa santé.

La diversification des enseignes illustre également l’intérêt des Mauriciens. Un point que relève Aurélie Laurianne Lloyd-Donald, Head of FMCG Department d’IPBD : «Les produits portant le label bio sont très prisés à Maurice depuis quelque temps, même si certains hésitent encore à franchir le pas. Pour les plus avertis, le bio est synonyme de bonne santé». Les produits bio ne contiennent pas d’éléments chimiques, ils sont sains pour la santé. Qui plus est, contrairement à la production conventionnelle, la qualité nutritionnelle des aliments est préservée dans le cadre du bio. «Comparé aux produits issus de l’agriculture conventionnelle, les produits bio ont une qualité nutritionnelle supérieure à 30 % et contiennent des nutriments essentiels tels que les vitamines, minéraux et oligoéléments», fait-elle ressortir. «Ce marché est en hausse», constate Agribio, qui a enregistré en 2015, 10 à 20 % d’augmentation par mois.

Toutefois, contrairement à l’île sœur où cette tendance est déjà ancrée dans les assiettes, avec la prise en compte de l’impact environnemental ainsi que les mesures prises par l’État, à Maurice vis-à-vis des produits locaux bio, le marché est quelque peu timoré, situation confortée par le manque d’une instance régulatrice et de certifications. Chez nous, rien n’a encore été mis sur pied pour le contrôle et la vérification des produits bio. En outre dans le Food Act, qui date de 1998, rien n’est indiqué en ce sens. Les opérateurs brossent un tableau sombre sur le marché bio local.

Manque de contrôle

Ceux qui sont engagés dans l’agriculture raisonnée sont découragés par le manque de contrôle. Outre la petitesse du marché, les opérateurs du bio et les défenseurs de l’agriculture raisonnée sont unanimes à dire que la population n’est pas suffisamment sensibilisée aux bienfaits d’une alimentation de produits issus de l’agriculture raisonnée. Malgré une prise de conscience remarquée chez une certaine génération, le consommateur mauricien n’est toujours pas suffisamment informé. Pour les opérateurs du secteur agricole, il reste de nombreuses pistes à revoir sur le plan de la distribution des produits mais également en ce qui concerne l’aspect recherche dans ce secteur. L’information au grand public constitue, elle aussi, un enjeu majeur. Contrairement aux pays européens, il n’existe aucune loi à Maurice réglementant le marché des produits bio et pour établir les paramètres dans lesquels devrait évoluer l’agriculture raisonnée.

Face à l’annonce du ministre de l’Agriculture, Mahen Seeruttun, dans la presse en 2015, pour un label bio d’ordre national afin que la consommation d’aliments bio augmente et surtout que les planteurs adoptent un modèle d’agriculture moins nocif, les planteurs concernés par l’agriculture raisonnée restent sceptiques. Sans cadre juridique, ce secteur représente une menace pour la consommation de la population, un point sur lequel Patrice Dijoux de Top Nature est catégorique :«Aucune structure n’a encore été mise en place pour la vente de pesticides. N’importe qui peut se rendre à la quincaillerie, utiliser des bombes chimiques sans aucune connaissance, que ce soit du vendeur comme de l’acheteur. Malheureusement à Maurice, la population des planteurs n’est pas formée à la manipulation et l’utilisation de pesticides. Il faut faire quelque chose pour les produits phytosanitaires ;ce sont des bombes à retardement et avant d’arriver à la banalisation de l’agriculture raisonnée, mettons en place des règlements qui permettront de professionnaliser l’agriculture à travers la formation, le suivi des agriculteurs par des techniciens de vulgarisation du gouvernement, des organismes de recherches. Il faut plus de techniciens sur le terrain ; cela concerne la santé de la population. Il faut un suivi régulier», ajoute son épouse Samla.

C’est le même son de cloche du côté de la société Agribio. «Ici nous déplaçons les problèmes. Rien n’est étudié, rien n’est pensé. Nous n’avons rien de préventif. Il faut un pépin pour faire quelque chose et plus le pays est petit plus la gestion doit être serrée. Nous sommes plus avantageux sur le plan climatique, la terre de Maurice est plus mécanisable. Il y a un potentiel énorme mais personne ne bouge», déplorait récemment cette société dans la presse.

Le prix, un frein supplémentaire

Selon une enquête de l’express, il ressort qu’un échantillon sur cinq des fruits et légumes achetés dans l’île affiche des taux de pesticides à un niveau qui est «au-delà des Limites Maximales de Résidus (LMR)» préconisées par la CEE. Des résultats obtenus grâce aux tests conduits selon les méthodes éprouvées de QuantiLAB, partenaire de Mérieux Nutri-Sciences, qui utilise la méthode standard BS EN 15662:2008 pour quantifier 250 ingrédients actifs de pesticides volatils et environ 200 de pesticides non volatils. Dans les échantillons de carottes, on retrouve, par exemple, du Profénofos à plus de quatre fois le taux permis. Ou encore, du Diuron à quatre fois et demie le taux autorisé dans l’ananas. De plus, selon l’agronome Daniel Bernasconi d’Agribio, une rémanence d’insecticides s’étale sur 10 à 15 jours. Un mal invisible que beaucoup ne prennent pas en considération et qui nuit à notre santé.

Pour les opérateurs engagés dans ce secteur, l’un des facteurs qui contribuent au prix élevé des produits bio est la petite taille du marché mauricien. «S’engager dans la culture bio requiert de gros investissements», explique l’un d’eux. L’agriculture bio est pratiquée sur un terrain dédié où la pluviométrie est basse. La côte ouest est idéale pour cette culture, observe Daniel Bernasconi d’Agribio. En sus d’une certification, il faut des semences et du compost, ce qui s’ajoute au prix. «Pour pouvoir proposer des produits bio, il est impératif d’être certifié Écocert», indique-t-il.

La préparation du terrain et le contrôle régulier de la qualité constituent de gros investissements. «Pour que plus de Mauriciens aient accès à ce produit, il faut qu’on produise en volume. Il faut donc exploiter une surface étendue. Avec une augmentation de la production, l’aliment deviendra plus accessible puisqu’i lcoûtera moins cher à produire», préconise-t-il.

Pour s’assurer de la conformité d’un produit bio, il est important de vérifier ses labels, dont les labels AB et Ecocert, les plus connus dans l’île. À l’échelle nationale, comme au niveau mondial, l’agriculture biologique est régie par un cahier des charges défini par les instances internationales. Les contrôles sont assurés par des organismes spécialisés. Ces certifications garantissent la qualité et protègent l’acheteur comme le consommateur.

«On voit en ce moment des labels où il est indiqué que le produit a été testé en laboratoire ou encore porte la mention ‘No pesticide’. Mais je ne comprends pas pourquoi on ne va pas vers un groupement des producteurs qui respecteront un cahier des charges. Car il ne suffit pas de dire qu’on fait de l’agriculture raisonnée», s’insurge Patrice Dijoux de Top Nature, qui ambitionne de mettre sur pied une méthode assurant la traçabilité. Cela contribuera à garantir la qualité et ainsi faire un pas vers l’obtention de la certification Global Gap. Cette certification repose sur une démarche internationale vers une agriculture fiable et durable.

Pour l’agriculture bio comme l’agriculture raisonnée, les concernés voient à travers une certification pour ces deux filières une démarche pérenne. Pour ces derniers, toute la chaîne doit d’être revue.

 

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