Business Magazine

Clarel Michaud: «Créons une compagnie maritime régionale qui pourrait déployer un feeder vessel pour desservir la région»

Clarel Michaud, CEO de MC Easy Freight, note que la covid-19 a chamboulé les chaînes d’approvisionnement et de distribution, surtout au niveau des compagnies maritimes qui ont réduit la fréquence des départs des navires porte-conteneurs. Elles ont aussi revu les tarifs et les routes qu’elles desservaient en privilégiant celles qui sont plus rentables.

La Covid 19 a affecté un grand nombre d’entreprises. Quelles ont été les contraintes pour le secteur du fret ?

Les contraintes concernant l’acheminement du fret de et vers l’île Maurice se sont multipliées depuis que la pandémie de la Covid-19 a éclaté en 2020. Certes, aujourd’hui, les obstacles liés au confinement dans la plupart des régions géographiques ont été éliminés mais les incertitudes demeurent en ce qu’il s’agit de la Chine, surtout en raison de la tolérance zéro des autorités de ce pays envers le virus.

D’ailleurs, la ville de Shanghai où se trouve le plus grand port commercial de la Chine, est actuellement placée sous confinement. On a néanmoins évité un confinement total, mais la moitié de Shanghai est mise sous cloche pendant quatre jours avant que cette mesure ne s’applique à l’autre moitié de la ville portuaire. À titre d’exemple, notre compagnie doit donc gérer l’entreposage prolongé du fret dans le port de Shanghai, revoir les départs ou les arrivées des navires à Shanghai, informer régulièrement les clients. Et aussi, dans certains cas, trouver des routes alternatives ou différents modes de transport combinant les voies maritimes et aériennes afin de respecter les délais de livraison de nos clients.

Il faut également savoir que les transporteurs maritimes internationaux sont devenus très profitables avec cette nouvelle configuration. À titre d’exemple, que pour l’année financière 2021, la compagnie maritime française CMA CGM a généré des recettes totalisant 56 milliards de dollars américains, soit une hausse de 78 % comparé à 2020, quand ses revenus s’élevaient à 31,45 milliards de dollars américains

Pour les compagnies de logistique, que ce soit à l’île Maurice ou à travers le monde, la pandémie de la Covid-19 a apporté un véritable shift vers un marché du transport du fret international où la demande pour transporter le cargo excède fortement l’offre que proposent les armateurs maritimes. De plus, les congestions dans certains ports où les bateaux ont à attendre plusieurs jours avant de débarquer ou d’embarquer leurs conteneurs, la rareté des conteneurs vides disponibles au départ de certains pays comme l’Inde ont accentué les problèmes.

Sur le plan local, notre pays est confronté à trois problèmes majeurs concernant le transport par voie maritime du fret. D’abord, le nombre de compagnies maritimes internationales desservant l’île Maurice est faible. Deux d’entre elles détiennent plus de 70 % de parts de marché du volume total de cargo entrant et sortant de notre pays. Ce serait souhaitable que la Mauritius Ports Authority prenne rapidement des actions commerciales afin d’attirer de nouveaux transporteurs maritimes à faire escale à Port-Louis. Cela afin de stimuler la concurrence pour le bien commun, que ce soit des consommateurs, des importateurs ou des exportateurs mauriciens.

Il est aussi grand temps que notre pays dégage, avec les autres pays de cette partie de l’océan Indien, une stratégie en vue de créer une compagnie maritime régionale qui pourrait déployer un feeder vessel afin de récupérer ou de débarquer des conteneurs des gros ports d’Afrique comme Durban, de l’Inde, de la Chine ou des points de transbordement internationaux comme le port de Salalah à Oman ou du Sri Lanka.

La dernière contrainte à laquelle nous faisons face, c’est la tendance des grosses compagnies internationales à ne plus vouloir desservir des ports secondaires comme Port-Louis en liaison directe. Mais de privilégier le transbordement dans un port et d’utiliser ensuite des feeder vessels plus petits qui achemineront les conteneurs entre ce port de transbordement et l’île Maurice. Ce change ment majeur du paysage du transport maritime mondial a étendu les délais pour qu’un conteneur soit acheminé de ou vers l’île Maurice. En outre, la pandémie a alourdi davantage les procédures administratives pour que les importateurs de l’île Maurice puissent s’approvisionner en certains produits ou afin d’exporter des produits, surtout ceux nécessitant des permis phytosanitaires.

Avec le conflit russo-ukrainien, peut-on s’attendre à nouveau à une flambée des prix ? Comment se passe le commerce avec les pays avoisinants ?

Je crains que la guerre Russie-Ukraine, surtout si elle se maintient dans la durée, n’ait des retombées négatives sur les prix des produits pétroliers et, par extension, sur les prix des produits fabriqués à l’étranger. La Russie aujourd’hui est le troisième producteur mondial de pétrole et le deuxième plus grand exportateur avec environ 5 millions de barils par jour de pétrole brut, représentant 12 % du commerce mondial. Les compagnies maritimes spécialisées dans le transport des conteneurs vont appliquer en crescendo des surcharges sur les tarifs de fret pour couvrir les hausses successives des produits pétroliers. Déjà que les tarifs de fret ont pris l’ascenseur depuis l’émergence de la Covid-19, cette tendance à la hausse pourrait s’accentuer.

En mars 2020, pour faire venir un conteneur de 40 pieds d’un des principaux ports de Chine (Shanghai, Shenzhen ou Ningbo) à PortLouis, le fret maritime s’élevait à 1 958 dollars américains. Actuellement, cela coûte 11 000 dollars américains. Certes, cela a légèrement baissé par rapport à février 2022 quand le prix atteignait 14 470 dollars américains pour un conteneur de 40 pieds de long, mais c’était avant que le conflit russo-ukrainien ne vienne jouer les trouble-fête.

Pour s’adapter à ces perturbations dans l’environnement externe de notre compagnie et sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle, nous essayons d’anticiper en ayant plusieurs plans en back-up. Nous conseillons à nos clients les trajets les plus fiables qui respecteront les échéances de livraison ou d’approvisionnement. Parfois, nous leur proposons des routes alternatives ou d’explorer de nouveaux marchés, surtout pour s’approvisionne

Le coût du transport des marchandises a directement impacté le portefeuille des consommateurs. Selon vous, quelles sont les mesures pouvant soulager vos activités et celles des consommateurs en cette période d’incertitude ?

La flambée des prix de la plupart des produits a été provoquée non seulement par la hausse des tarifs de fret maritime, mais aussi par des hausses des prix de vente par les fournisseurs dans les pays d’origine. Cette conjugaison de facteurs a eu des effets terribles sur le pouvoir d’achat des Mauriciens, surtout des classes ouvrière et moyenne. On risque d’entrer dans un cercle vicieux. Lorsque le disposable income des familles mauriciennes diminue, elles achètent moins et les volumes de produits importés risquent aussi de diminuer. Si certaines compagnies maritimes internationales n’obtiennent pas une masse critique suffisamment attrayante pour elles, elles pourraient espacer davantage la fréquence des escales de leurs navires à Port-Louis et/ou revoir à la hausse leurs tarifs de fret.

«Les grosses compagnies internationales tendent à ne plus desservir des ports secondaires comme Port-Louis en liaison directe»

 Quels sont les marchés sur lesquels votre entreprise est présente ?

MC Easy Freight Co Ltd est une totale solution provider en logistique. Nous couvrons tous les besoins des importateurs et exportateurs mauriciens, quels que soient la taille de l’entreprise, le budget, la destination ou le pays d’origine. Ce n’est pas un hasard que nous nous sommes hissés parmi les dix plus grosses compagnies de logistique à l’île Maurice en termes de chiffre d’affaires. Et nous continuons d’apporter un service personnalisé et taillé sur mesure à chacun de nos clients. C’est tout cela qui nous différencie des autres. Par ailleurs, MC Easy Freight peut s’appuyer sur son réseau d’agents internationaux. Nos agents opèrent actuellement des bureaux dans plus de 100 pays à travers le monde et nous nous faisons un devoir d’enlever tout le stress de la gestion de la logistique des épaules de nos clients afin qu’ils puissent se concentrer sur le cœur de métier.

Exit mobile version