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Marché hivernal : S’adapter à une demande imprévisible

C’est un hiver aride pour les entreprises. Alors que c’est généralement une période propice pour le commerce alimentaire, mais pas seulement, l’inflation Et les défauts d’approvisionnement influent sur le comportement d’achat des mauriciens. Ne se laissant pas gagner par le découragement, les opérateurs essentiellement issus de la grande distribution, développent de stratégies pour contenir les coûts.

NOUS sommes actuellement en plein cœur de l’hiver. Le centre météorologique de Vacoas indique que le thermomètre oscille entre 17°C et 21°C sur l’île. Pour ne pas arranger la situation, les ressentis peuvent atteindre jusqu’à 12°C, notamment sur le plateau central.

Pour se réchauffer et se protéger du froid, les Mauriciens ont tendance à accentuer la consommation pendant cette saison. Misant sur le confort, ils ne lésinent pas sur les moyens. Habits d’hiver, produits alimentaires et boissons chaudes ou encore électroménagers, c’est tout un arsenal d’articles qui sont proposés dans les commerces depuis le début du solstice d’hiver, le 21 juin.

Toutefois, 2022 est une année particulière. Les impacts conjugués de la Covid-19 et du conflit russo-ukrainien font grimper les prix et ainsi l’inflation. Selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius, l’inflation en glissement annuel a atteint 9,6 % en juin 2022, contre 5,9 % en juin 2021. L’inflation globale pour la période de 12 mois se terminant le 30 juin 2022 a été de 8,0 %, contre 2,2 % pour la période correspondante l’année dernière. Une tendance qui impacte le pouvoir d’achat des Mauriciens et qui entrave la consommation des produits hivernaux.

Interrogé à ce sujet, Issa Omarjee, directeur d’Omarjee Retail & Wholesale, explique que la conjoncture internationale met une pression additionnelle sur les entreprises importatrices comme la sienne. De quoi les obliger à faire certaines concessions au risque d’augmenter les prix. «L’inflation au niveau mondial impacte l’économie internationale, mais également l’économie nationale. Tous les produits importés subissent une augmentation moyenne, voire élevée. Nous faisons en sorte de garder les prix au plus bas, en choisissant de réduire au minimum le prix de vente et également notre marge», communique-t-il.

Pour Cedric Descourtieux, Marketing Executive de Polytol, le secteur de la construction se trouve également dans cette situation complexe. «Avec la hausse des prix des matières premières pour la construction, beaucoup de personnes hésitent grandement à concrétiser leurs projets immobiliers. Par conséquent, cela a un impact direct sur le marché de la peinture», observe-t-il.

Il est rejoint dans ses propos par Nitish Ramsahye, Group Brand and Communication Manager du groupe La Chartreuse. Selon lui, les Mauriciens et les entreprises ont commencé à souffrir depuis l’éclatement de la pandémie de la Covid-19, qui a entraîné la première crise économique. Lorsque l’on ajoute les récents impacts de la guerre en Ukraine, le tissu économique local s’est détérioré. «Le présent contexte a obligé les consommateurs à adopter une nouvelle tendance d’achat, tandis qu’au niveau des entreprises, l’on a dû adopter une stratégie de résilience pour pouvoir faire face à cette situation».

À CHACUN SA STRATÉGIE

Ainsi, chaque entreprise élabore sa propre stratégie en fonction de sa structure et de ses différents besoins. Par exemple, s’agissant du groupe La Chartreuse, qui produit les thés de la marque La Chartreuse, Nitish Ramsahye confie que la compagnie a revu tout son modus operandi. «Notre comité de gestion des risques a établi plusieurs stratégies de résilience afin de stabiliser les prix et de rendre notre produit toujours accessible aux Mauriciens. Nous avons débuté par la digitalisation de nos opérations à l’usine qui a permis une meilleure efficience de l’utilisation de nos terres. Nous avons également optimisé notre production, notamment avec une stratégie de zéro gaspillage. Plus encore, nous accordons une attention particulière à une meilleure gestion de notre distribution. Par exemple, nous avons décliné nos produits et nos offres pour nous adapter aux différents budgets des consommateurs», détaille-t-il. Avant de concéder que la compagnie a tout de même été contrainte de revoir certains prix à la hausse.

En effet, de nombreux facteurs exogènes menacent les opérations. «Je sais que certains clients se demandent les raisons des augmentations des paquets de thé, alors que c’est un produit local. Pour leur répondre, il faut savoir que les prix du carburant ont augmenté. De ce fait, la récupération des feuilles, le transport du personnel, les livraisons et toutes les machines qui utilisent du carburant ont donc un “running cost” plus élevé. Plus encore, le prix des fertilisants a augmenté, et cela par plus de 300 %. Nous avons également revu le salaire de nos employés pour compenser le taux d’inflation». Tant de facteurs qui contraignent la compagnie à hausser les prix de son produit phare afin de maintenir ses opérations.

Au niveau de Polytol, la stratégie pour contenir les coûts passe par une meilleure planification. Par exemple, en hiver, la compagnie importe davantage de matières premières pour la fabrication de peinture anti-humidité. Elle prévoit donc des approvisionnements conséquents pour amoindrir les coûts afin de ne pas être contrainte de les répercuter sur le client. «La production de nos peintures pour le bâtiment, le bois et les métaux Made in Moris se fait à notre usine de Riche Terre. Cela dit, nous subissons des retards dans la livraison des matières premières qui peut prendre entre 3 et 6 mois. Cela retarde énormément la production locale de nos peintures et nous devons planifier au moins 150 jours à l’avance nos commandes depuis l’étranger pour éviter toute rupture», soulignet-il. «Notre objectif est d’éviter à tout prix toute rupture de stock», maintient-il.

Une analyse partagée par Issa Omarjee. Sa compagnie étant fortement dépendante des produits importés, celui-ci indique être obligé d’anticiper les ventes. «Tous nos produits sont importés d’Europe. La seule solution pour pallier les délais de livraison est d’anticiper la demande. Cependant, ce n’est pas une science exacte et nous devons constamment nous adapter à une demande qui est de moins en moins prévisible», estime-t-il.


STRATÉGIE DE VENTE MISER SUR LES OFFRES PROMOTIONNELLES ET LA QUANTITÉ POUR RÉALISER DES BÉNÉFICES

Les entreprises se trouvent face à un casse-tête chinois. Même si elles sont contraintes de revoir leurs prix à la hausse, elles savent aussi que le pouvoir d’achat des Mauriciens est amoindri. Cela veut aussi dire que les consommateurs réfléchissent à deux fois avant de concrétiser l’achat. À cela, Nitish Ramsahye indique que les entreprises sont devenues de vraies funambules. «L’augmentation des coûts est inévitable, mais il faut trouver les bons moyens de les gérer et de faire en sorte de ne pas tout passer au consommateur», répond-il. Avant d’être rejoint par Cedric Descourtieux qui affirme qu’«il est clair que la baisse du pouvoir d’achat a amené une baisse de nos volumes de vente, affectant certains produits phares. De ce fait, nous réalisons des actions promotionnelles régulièrement afin de susciter les actes d’achat».

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