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Covid-19 ] Journal d’une Mauricienne confinée

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Covid-19 ] Journal d’une Mauricienne confinée | business-magazine.mu

10 heures. Après une nuit à lutter pour retrouver le sommeil réparateur des jours actifs, je me réveille et m’essaie à un sourire. J’ai lu quelque part que ça aide le mental à se sentir moins stressé. Sauf que n’importe qui ayant vu cette scène m’aurait dit que mon sourire était franchement forcé.

 

10 h 13. Je fais irruption dans la cuisine, les cheveux en mode Jennifer Beals dans Flashdance. Vous vousdemandez si j’ai brossé les dents… mystère. Je fais ronronner la bouilloire et place deux sachets de thé dans mon énorme tasse Lola Bunny. Je prends une éternité à boire mon requinquant. Bizarre, j’ai déjà vécu cette scène… Suis-je bête, je la vis tous les matins depuis 22 jours. 

 

11 h 07. Je décide d’aller prendre une douche. Je renifle mes aisselles (comme si vous ne le faisiez pas !) ;elles sentent mon déo à bille de la veille. S’en fout, j’ai rien d’autre à faire que de prendre une douche làmaintenant. 

 

11 h 50. Je rejoins ma chambre, ouvre mon ordi et me prépare à travailler. Absorbée par les mots qui jaillissent sur la feuille blanche numérique, je restescotchée à l’écran pendant deux bonnes heures. 

 

14 h 13. Le travail achevé, je sens comme un vide soudain. Oui, je suis bien sûr satisfaite du travail accompli mais après ? Je n’arrive pas à mettre des mots sur cebrouillon qui commence à s’emmêler dans mon ventre. 

 

15 h 07. L’heure du thé ? Ah non, pas encore. Je m’assois comme la petite fille aux allumettes à la recherche d’une quelconque activité qui pourrait égayer mon esprit qui broie du noir en plein jour. Ça y est, je n’ai plus plaisir à rien et ça commence à me faire peur. 

 

16 heures. C’est l’heure du thé mais tout à coup, je n’en ai plus envie. Quoi moi, pas envie de thé ?! Je sens comme une montée de quelque chose. Mon cœur se met à battre comme un petit lièvre après s’est débiné. Je me sens nouille, inutile, bête, conne… Je peux continuer comme ça indéfiniment. Ça y est, j’éclate. De grosses larmes chaudes et salées coulent le long de mes joues en feu. 

 

16 h 19. Impossible de se contrôler. Soupirs, halètements, inspirations saccadées. Je ne sais même plus comment j’en suis arrivée là. Mes yeux sont en feu et j’ai les narines mouillées. J’ai l’impression d’avoir inonder la pièce de mes larmes comme une Alice coincée au fond du gouffre avant de rejoindre le pays du lapin en retard. 

 

17 h 05. Un coup d’œil au miroir. Mes yeux sont gonflés, mais la rougeur est partie ; ils n’ont jamais été aussi blancs. Un sentiment de bien-être exquis m’envahit. Je dois devenir folle. Cette séance de pleurnichage intense m’a fait comme une séance après une visite chez le psy. 

 

18 heures. Je bois ma barrique de thé le cœur léger.

 

18 h 40. Après une longue conversation et des rires dans la cuisine avec ma mère (étrange), je regagne ma chambre. C’est fou ça, je suis sereine quant à l’avenir. Plus d’angoisses cachées ou de stress inconscient (ce sont les pires). 

 

19 h 03. Yoga time. Je ne m’en veux pas pour les ‘headstands’ que je massacre ni pour une planche qui ne dure que deux respirations. Je ne me mets pas de pression. Mais qui êtes-vous ? Et qu’avez-vous fait de moi ?

 

20 h 30. Je saute dans la douche et balance ma playlist chill. Ça faitlongtemps que je n’avais pas écouté de musique. Ça m’a manqué. 

 

21 h 17. Je dînefrugalement ; je suis emplie d’un bonheur con. 

 

22 heures. Sous ma couette, je savoure chaque scène d’une série comme si je découvrais Netflix. Franchement, aurait-on glissé quelque chose dans mon thé ou mon diffuseur ?Manifestez-vous, j’en prendrai bien demain aussi. Non, finalement ce n’est rien que le fait d’avoir craqué. J’encourage tout le monde à pleurer un bon coup, ça fiche une de ces pêches. 

 

23 h 58. Mes yeux se ferment. Le sommeil m’enlace tout doucement. Je suis un gros bébé. Un bébégros. Bébé, un, gros…