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Immobilier : Un succès parti de loin

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L’île Maurice, ses plages de rêve et ses villas de luxe. Cette image d’Épinal, aujourd’hui bien ancrée dans l’imaginaire collectif, a aidé à faire du secteur immobilier mauricien un pilier fort de l’économie locale. Et pour cause, cette industrie représente aujourd’hui environ 10 % du produit intérieur brut national (PIB). Une prouesse qui a largement contribué à ce que les observateurs internationaux nomment le « miracle africain » lorsqu’ils évoquent la performance économique de l’île durant des 40 dernières années. Les principaux acteurs de ce secteur clé ont de nombreuses raisons de savourer ce succès, d’autant que le secteur part de loin.

C’est en 2001 que le secteur immobilier local fera véritablement sa mue. Le gouvernement mauricien vient, cette année-là, avec un programme immobilier, à savoir l’Integrated Resort Scheme (IRS). Ce dernier visait à permettre aux investisseurs étrangers d’acquérir des biens immobiliers à Maurice, chose qui n’était pas permis jusqu’ici. La création de cette nouvelle industrie, voulue par Sir Aneerood Jugnauth, alors Premier ministre, avait deux objectifs : donner un nouveau souffle à l’économie mauricienne en attirer de l’investissement direct étranger (IDE) et permettre aux grands groupes sucriers, confrontés à une baisse de revenus dans le sillage de la fin du Protocole Sucre, des marchés garantis, des prix préférentiels et des quotas sur les exportations de sucre. Le projet visait donc à leur permettre de convertir une partie des terres sous cannes pour la promotion immobilière. Un choix qui n’a pas été sans susciter de nombreuses critiques, ses opposants faisant en effet ressortir qu’il s’agissait d’un investissement « non-productif » et donc limité dans le temps. Balayant d’un revers de main les critiques, Sir Aneerood Jugnauth a alors confié la gestion de ce projet qui allait radicalement bouleverser le marché immobilier mauricien au Board of Investment (BoI) – rebaptisé depuis Economic Development Board.

Le cadre juridique en place, les principaux groupes sucriers se sont mis à faire sortir de terre de luxueux complexes résidentiels, composés de d’appartements, de duplexes, de penthouses et de villas surplombant mers et montagnes. Des projets dotés de toutes les infrastructures – restaurants, conciergeries, piscines, centres de soins et de remise en forme, commerces – et destinée à une riche clientèle étrangère. La phase de commercialisation s’avère très vite un véritable succès, donnant lieu aux premières ventes. Si certains investisseurs venus de France, d’Angleterre, de Suisse, de Belgique, de l’Indiens et d’Afrique décident de poser leurs valises sur l’île, d’autres y voient un moyen de diversifier leur portefeuille d’investissement et espèrent réaliser une plus-value. En rendant l’accès à la propriété accessible aux étrangers, l’île a notamment fait de l’œil aux riches sud-africains, désireux de se relocaliser face à la dégradation de la situation économique et sécuritaire de leur pays. Les promoteurs concentrent, aujourd’hui encore, leurs efforts sur ce marché à fort potentiel.

Face au succès remporté par ce programme, les autorités mauriciennes introduisirent au fil des années de nouvelles catégories immobilières accessibles aux étrangers, telles que le Real Estate Scheme (RES) ou encore l’Invest Hotel Scheme (IHS). Durant les années qui suivent, le pays engrange aux titres d’IDE Rs 5,9 milliards en 2008, 6,4 milliards en 2009, 5,6 milliards en 2010, 7,3 milliards en 2011, jusqu’à atteindre Rs 16 milliards en 2019 ! « Le secteur a déjà pris son envol et a atteint une certaine maturité. Les chiffres en témoignent, d’ailleurs. Nous devons miser sur d’autres secteurs susceptibles de générer des Investissements directs étrangers (IDE) », expliquait à Business Magazine, en 2013, Ken Poonoosamy, alors Managing Director du BoI. Parmi les produits immobiliers développés depuis : l’on retrouve les projets commerciaux (centres commerciaux, boutiques hors-taxe), les espaces bureaux, les projets hôteliers (par exemple, les projets sous l’IHS) et les projets industriels (parcs d’affaires et/ou industriels).

Considéré, à juste titre comme une poule aux œufs d’or, d’autres acteurs se sont lancés dans l’immobilier de luxe, donnant lieu, çà et là, à quelques dérives qui demeurent – heureusement – jusqu’à aujourd’hui de regrettables exceptions. Si les IRS et les RES ont depuis laissé la place aux PDS, force s’est de constater que l’ébullition des débuts a fait place à un marché qui a atteint sa maturité et qui connaît une croissance soutenue.

Dans le sillage de la création de luxueux complexes résidentiels, le gouvernement mauricien est venu de l’avant, en 2015, avec le Smart City Scheme (SCS). Ce projet de villes intelligentes, à l’image de ce qui se faisait déjà en Asie, en Europe et aux États-Unis, devrait permettre la création de nouveaux espaces urbains épousant la philosophie « live, work, play ». Intégrant des bureaux, des espaces résidentiels, commerciaux, éducatifs et médicaux ainsi que des infrastructures de loisirs, ces nouvelles villes intelligentes ont attiré un plus large spectre d’investisseurs, permettant ainsi au pays de s’ouvrir davantage au monde et in fine, d’augmenter toujours plus les investissements directs étrangers. Une douzaine de projets de ce type ont ainsi vu le jour à travers l’île, donnant naissance à des villes à une architecture et un urbanisme réfléchi. Le gouvernement, par l’intermédiaire de Landscope Mauritius, lancera même sa propre smart city à Côte d’Or. Outre les biens résidentiels et commerciaux, cette nouvelle ville située dans l’Est du pays, accueillera en son sein des industries émergentes de la technologie et notamment celles œuvrant dans de fabrication d’équipements médicaux, des laboratoires spécialisés en biotechnologie, des centres de développement en fintech et d’intelligence artificielle avancée, un centre de recherche et développement ainsi qu’un incubateur de start-ups. « Je pense que conjointement, Landscope et l’EDB ont un rôle crucial à jouer pour le développement économique de Maurice. L’EDB a pour tâche de promouvoir Maurice comme un lieu où il est facile et rentable de faire des affaires et d’investir. Nous, à Landscope, notre rôle est d’offrir les infrastructures adéquates à un coût abordable afin d’encourager les promoteurs locaux et étrangers à investir dans des projets qui, au final, créent des emplois et génèrent de la richesse », déclarait, en 2021, Naila Hanoomanjee, CEO Landscope Mauritius, au magazine Immobilier & Construction, un supplément de Business Magazine.

À Maurice comme ailleurs, le marché immobilier a connu un coup d’arrêt, début 2020, avec l’apparition de la pandémie de la Covid-19. Si cette crise internationale a provoqué chez les riches investisseurs un attentisme, elle a également provoqué une flambée des prix des matériaux de construction. Une situation encore aggravée par la dévaluation galopante de la roupie face au dollar et à l’euro. Résultat : l’indice des prix de la construction qui s’établissait à 115,6 au troisième trimestre 2021 a augmenté de 3,4 % pour atteindre 119,5 au quatrième trimestre 2021. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un œil aux chiffres de Statistics Mauritius, régulièrement mis en avant ces derniers mois aussi par les professionnels de la construction que par tous ceux ayant pour projet de construire une maison : augmentation du prix du béton pré-mélangé (1,3 %), de la menuiserie bois (2,3 %), des ouvertures en aluminium (3,2 %), du carrelage et du granite (9,8 %), du parquet flottant (2,9 %), de la plomberie (2,4 %), de l’installation sanitaire (4,7 %) et de l’installation électrique (4,0 %) en octobre 2021,  des barres d’acier (0,8 %), des sols stratifiés (4,1 %), de la plomberie (1,0 %) et de l’installation électrique (2,4 %) en décembre 2021. Une série d’augmentations qui, aux dires des professionnels du secteur, pourrait encore s’alourdir dans les prochains mois. Après des années de vaches grasses, le secteur immobilier mauricien pourrait connaître, à moyen terme, quelques difficultés, de même que d’autres secteurs d’activités clés du pays. D’ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour Maurice. Celle-ci pourrait ainsi s’élever à 6,1% contre 6,7% en 2021. Il faudra donc au secteur faire preuve de résilience pour passer de cap difficile et renouer avec la croissance soutenue qu’elle connaît depuis maintenant un peu plus de 20 ans.

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