Type to search

Immobilier Immobilier & Construction

Philippe de Beer : «Les ‘smart cities’ ne sont pas de futurs ‘ghettos’ pour une classe aisée»

Share
Philippe de Beer : «Les ‘smart cities’ ne sont pas de futurs ‘ghettos’ pour une classe aisée» | business-magazine.mu

Le directeur de Park Lane Properties brosse un tableau encourageant concernant le secteur de l’immobilier et de la construction pour la période 2017- 2019. «La machine s’est mise en marche, dit-il, et les chiffres le montrent».

BUSINESSMAG. Croyez-vous en une amélioration de la situation dans le secteur de l’immobilier et de la construction cette année ?

Je pense qu’on ne peut y croire qu’en se basant sur des constatations et des faits. Une chose est certaine : la machine s’est déjà mise en marche et les chiffres le montrent. L’institut des statistiques annonce une hausse de 5,7 % de l’investissement de 2015 à 2016 après plusieurs années de contraction. Il est indéniable qu’un «feel good factor» s’est installé dans le secteur de l’immobilier, alimenté par des mesures budgétaires encourageant la classe moyenne à investir dans la pierre et un intérêt toujours existant, voire grandissant, d’acheteurs étrangers pour la destination mauricienne.

BUSINESSMAG. Dans quelle mesure ce «feel good factor» se traduira-t-il dans les faits ?

Des projets publics, mais aussi privés, de plus de Rs 50 milliards sont annoncés pour la période 2017-2019. Certains verront le jour, d’autres non, je pense qu’il faut s’y attendre. On nous parle de Rs 26 milliards de projets octroyés pour cette année, Rs 30 milliards pour 2018 et Rs 27 milliards pour 2019, sans compter le démarrage des projets qui ont déjà reçu l’aval du Board of Investment (BoI) ou d’autres organismes régulateurs.

Si l’investissement privé a progressé d’au moins 6,2 % en termes réels en 2016 après une baisse de 7,6 % enregistrée en 2015, on ne peut s’attendre qu’à une meilleure progression en 2017. En effet, de nombreux projets conçus pour profiter des mesures incitatives des deux derniers Budgets sortent maintenant sur le marché, d’autres sont déjà en pleine phase de commercialisation et démarreront cette année. De grands chantiers privés vont par ailleurs voir le jour après avoir été retardés en 2016. Il est certain que tout ceci aura une incidence très positive sur le secteur du BTP (bâtiment et travaux publics) qui montre déjà une progression positive avec une croissance attendue de 7 % en 2017, après avoir enregistré des résultats négatifs depuis la fin de l’année 2010.

BUSINESSMAG. Et en ce qu’il s’agit des chantiers publics ?

Les chantiers publics concernent principalement la décongestion routière - nouvelles routes d’accès à certaines régions, «bypass», «link roads», réhabilitation ou entretien de routes existantes - ou les logements sociaux et on peut les qualifier de «tout à fait réalisables». Le Metro Express est sans doute un des grands chantiers publics qui font couler le plus d’encre en ce moment et qui suscitent le plus de doutes. L’on s’interroge par rapport au risque économique qu’il représente, à son poids financier pour les années à venir ou encore à sa profitabilité. Mais ces deux ou trois prochaines années s’annoncent certainement plus positives pour l’immobilier et la construction que les années passées.

BUSINESSMAG. Vous semblez faire abstraction des «smart cities»… Quel regard portez-vous sur ces villes en devenir ?

Dans l’ensemble, un regard positif. Les «smart cities» qui ont reçu leur feuille de route sont des projets privés pour la plupart et ils se sont tous donné les moyens de réussir. Certains sont en voie de finalisation au niveau conceptuel, d’autres sont en pleine phase de commercialisation et d’autres encore sont déjà en chantier, comme les 8 000 m2 du nouveau campus de la Middlesex University à Flic-en-Flac, développé par Medine. La réalisation de ces projets a lieu en phases, ce qui en accroît les chances de succès en permettant un réajustement si nécessaire, selon le marché et la demande.

BUSINESSMAG. Comment les régions concernées bénéficieront-elles de ces projets ?

Les retombées pour les régions avoisinantes seront assurément positives, notamment en termes de création d’emplois :
3 000 prévus pour Cap Tamarin, 4 000 pour Mon Trésor/Omnicane, 3 500 pour Moka City, entre autres. Ces projets dynamiseront aussi le secteur de la construction et la croissance en général, en plus d’améliorer les infrastructures des régions concernées, d’apporter des développements sur le plan technologique et de mettre à disposition de nouvelles facilités sportives et culturelles, etc. L’impact peut être énorme.

Par ailleurs, ces projets sont pour la plupart des développements ouverts à la région et donc à nous tous. Ce ne sont pas de futurs «ghettos» pour une classe aisée. Bien au contraire. Même si certaines de ces «smart cities» comprennent des phases de quartiers d’affaires, de bureaux ou d’entrepôts, par exemple, presque toutes incluent du développement urbain et commercial s’adressant à une clientèle variée.

BUSINESSMAG. N’y a-t-il pas tout de même des craintes à avoir concernant la transformation du paysage immobilier national ?

Les «smart cities» changeront incontestablement le paysage immobilier de certaines régions puisque ce sont des méga-projets. Mais je ne crois pas que ce changement sera négatif. Au contraire. Il est préférable de voir une région se développer suivant un plan d’ensemble et d’urbanisme bien pensé que de voir dans le temps de petits projets sortir de terre et potentiellement détériorer une région. C’est ce qui arrive quand un développement graduel a lieu sans planification du réseau routier, de la consommation d’énergie et d’eau, des infrastructures nécessaires et après dix ans, on réalise qu’il aurait fallu une meilleure planification.

L’intérêt indéniable des «smart cities», c’est qu’elles proposent un développement réfléchi, par phases, sur une longue période. Les promoteurs auront pris en considération tous les aspects du développement régional de leur «smart city» en en mesurant les impacts positifs et négatifs potentiels et en y apportant des solutions.

BUSINESSMAG. Parlons des investissements directs étrangers (IDE). Selon les estimations du Board of Investment, l’immobilier est le secteur économique qui en attire le plus. Devrait-on s’en inquiéter ?

Je ne crois pas, puisque cette part de plus de 70 % de l’immobilier dans les IDE n’a pour le moment pas d’égal parmi les autres secteurs de notre économie. Il est évident cependant que si d’autres secteurs comme les services financiers - environ 20 % des IDE actuellement -, l’hôtellerie, le médical, l’agro-industrie, l’aquaculture, l’éducation ou l’énergie pouvaient attirer plus d’IDE, cela nous serait extrêmement bénéfique. Mais ce n’est pas le cas pour l’instant et probablement pour les prochaines années, compte tenu de tous les développements - «smart cities», projets sous le régime Property Development Scheme (PDS) - et autres mesures attirant d’une manière contrôlée les IDE vers l’immobilier à Maurice. Une autre raison étant que l’immobilier en lui-même représente un niveau d’investissement en capital beaucoup plus important que toute autre activité économique. Il est clair que l’immobilier restera une des sources les plus importantes d’IDE, et cela nous est pour l’instant salutaire.

BUSINESSMAG. Le Portugal, pays du sud de l’Europe, suscite depuis quelques années un intérêt grandissant chez les investisseurs étrangers pour son climat agréable et les exonérations fiscales qu’il propose, notamment. Doit-on craindre cette concurrence ?

Je ne pense pas. Les acheteurs étrangers que nous rencontrons chaque semaine et qui s’intéressent à Maurice aiment notre île et ont décidé de venir s’installer ici ou d’investir ici par choix. Le Portugal attire des acquéreurs intéressés par l’obtention d’un permis de résidence d’un pays européen. Or, ceux qui cherchent à s’expatrier aspirent souvent à sortir de l’Europe, justement. L’offre mauricienne s’adresse donc à une clientèle différente, avec d’autres intentions. Toutefois, il est vraiment important de garantir à ces acquéreurs un niveau de qualité en ligne avec les prix affichés, tant en termes de prestations offertes que de finitions des biens proposés, par exemple.