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Interview Rencontre

La biodiversité transcende complètement le monde économique

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Mickaël Apaya (Head - Sustainability and Inclusive Growth, Business Mauritius)

L’agence française de développement, en partenariat avec Business Mauritius, poursuit son engagement auprès de Maurice pour accompagner la préservation de sa biodiversité unique. Le responsable des opérations du développement durable et de la croissance inclusive de Business Mauritius s’étend sur le potentiel économique que cela pourrait représenter.

Pour faire face aux enjeux liés à l’environnement, Maurice a bénéficié d’une subvention française de 125 000 € et d’une aide supplémentaire de 75 000 € d’une entreprise mauricienne. Comment pérenniser ce financement ?

C’est un financement assez innovant. Nous avons une méthode de travail intéressante avec l’Agence Française de Développement (AFD) depuis 2012 sur des sujets en lien avec l’énergie et l’efficacité énergétique. Il y a aussi un historique de collaboration entre l’AFD et Business Mauritius (BM).

Concernant la subvention liée à la biodiversité, nous avons bien démontré qu’il y avait une continuité. En février 2020, nous avons coorganisé un événement sur la biodiversité. Puis, il y a eu le confinement. Malgré cela, nous avons travaillé sur un projet que nous avons présenté conjointement à l’AFD, à Paris. C’est ainsi que nous avons eu cette subvention de 125 000 €. C’est un point de départ. Le fait qu’il y a un historique peut effectivement nous amener à pérenniser ce financement. BM est aux côtés du projet pour accompagner les travaux de recherches, entre autres.

Comme les entreprises sont directement engagées dans le projet, nous pouvons apercevoir une forme de pérennité dans le sens où elles vont par la suite investir dans les projets de restauration et de protection de la biodiversité.

Ce projet a pour objectif de construire un dialogue autour de la biodiversité entre tous les acteurs. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Effectivement, sur la biodiversité, il y a des travaux de recherches avec nos partenaires. Puis, l’autre axe fort, c’est de construire un dialogue multipartenaire, c’est-à-dire, le secteur public et les ministères. Quand je dis ministères, je parle aussi des parlementaires. Ils doivent aussi être sensibilisés sur ces sujets-là. Puis, il y a également la vie citoyenne et associative et ONG. Parmi les partenaires, je compte aussi le monde de la communication et de la presse. Nous avons besoin d’eux pour faire le relais.

À BM, nous avons un historique d’entamer des dialogues institutionnels public-privé. La biodiversité transcende complètement le monde économique ; c’est un bien commun. Nous avons pris le pari d’innover. Il faut aussi prendre en compte que nous n’avons pas toutes les solutions aujourd’hui.

La biodiversité a encore beaucoup de choses à nous apporter. C’est de notre responsabilité de la préserver pour ne pas perdre les trésors qu’elle recèle et d’apprendre à agir avec elle, et non contre. Quelle est selon vous son importance ?

Selon moi et la communauté des affaires, il y a à peu près deux ans, nous leur avons demandé la priorité parmi une dizaine de sujets. Nous nous sommes aperçus que le capital naturel du pays est arrivé parmi les quatre premiers importants à être considérés. Nous avons été assez ravis et surpris de constater cette dynamique mauricienne au cœur des entreprises. Du coup, il y a des atouts majeurs que nous connaissons aujourd’hui dans plein de secteurs à Maurice. Nous sommes vus et perçus comme une île avec une biodiversité riche, qu’elle soit marine ou terrestre.

<<Nous sommes vus et perçus comme une île avec une biodiversité riche, qu’elle soit marine ou terrestre>>

Et d’un point de vue très scientifique, elle rend un service écosystémique. Il y a énormément de bénéfices que nous voyons maintenant et qui sont importants pour nous. C’est tout ce service écosystémique que nous voulons démontrer. Beaucoup ont tendance à penser uniquement à l’attractivité de Maurice. C’est moins connu de comprendre que la biodiversité rend service.

D’ailleurs, c’est l’un des projets qui vont être menés par l’Université de Maurice, de déterminer la valeur écosystémique.

Elle assure également la production durable, l’éradication de la pauvreté, la santé… Le soutien financier accordé à Maurice est-il suffisant ?

Nous sommes dans un cadre de dialogue sur la partie biodiversité. Il y a d’autres projets et secteurs thématiques que nous traitons avec l’aide d’autres partenaires et la Banque mondiale, entre autres. Ce sont des sujets très intéressants qui sont tout aussi larges. D’une certaine façon, nous pensons que le fait de pouvoir démontrer que les forêts et les mangroves rendent un service écosystémique peut générer de l’emploi, comme par exemple la gestion des forêts, la restauration des coraux, etc. Donc, cela peut être aussi un subséquent. Ce n’est pas directement un objectif du projet. Par la suite, nous pouvons envisager d’étendre dans la création d’emplois comme des green jobs.

La biodiversité est une activité de développement économique et de création d’emplois. Vos commentaires ?

La biodiversité est un secteur surtout entrepris aujourd’hui par les ONG. Par exemple, pour ce qui est de la Vallée de Ferney, le groupe Ciel intervient beaucoup pour la protection de la biodiversité. Cela démontre qu’elle est prise en charge soit par une entreprise privée soit par des ONG qui mènent des actions. Il faut là saluer le travail effectué par ces ONG. Et le travail est souvent financé par les entreprises à travers le CSR.

Maintenant, nous cherchons, à travers nos travaux de recherches, de voir comment structurer et comment faire un développement économique, une fois que nous avons mis une valeur sur le rôle des forêts et des mangroves, etc. Après, nous serons entrés dans un système un peu plus économique. C’est un peu notre perspective.

Dans une ère où l’épidémie du coronavirus sévit toujours, il est difficile de parler des secteurs économiques qui dépendent des services de la biodiversité et des écosystèmes, dont l’agriculture, la pêche, l’énergie et le tourisme, entre autres. Comment y remédier ?

La pandémie est venue amplifier la compréhension de beaucoup de compagnies. Elle est venue mettre le doigt davantage là où il faut. Ces secteurs économiques réalisent encore plus leur dépendance vis-à-vis des différents écosystèmes.

Aujourd’hui, nous pouvons difficilement l’ignorer car nous nous rendons compte que notre propre développement économique est vulnérable. Si, par exemple, les barrières de coraux cessent de faire leur travail, il y aura beaucoup d’acteurs économiques qui seront totalement vulnérables. Pour y remédier, nous voulons y apporter des solutions scientifiques. Il faut aussi apporter des preuves, d’où notre partenariat avec l’ONG Oceanyka et l’Université de Maurice.

Mickaël Apaya (Head - Sustainability and Inclusive Growth, Business Mauritius)Justement, qu’en est-il des études de terrain menées parallèlement par l’ONG Oceanyka et l’Université de Maurice pour caractériser la richesse en matière de biodiversité du Plateau des Mascareignes ?

Des 125 000 €, plus de la moitié financera ces deux partenaires ; c’est dans notre engagement. Nous allons travailler avec le professeur Vincent Florens de l’Université de Maurice et ses étudiants. Cela va être intéressant car nous allons avoir des étudiants en biologie qui travailleront sur ce projet. Par ces études, nous voulons savoir quelle quantité de CO₂ est capable d’être captée. Nous nous rendons compte que les mangroves captent plus de CO₂ qu’une forêt.

 

Par contre, l’ONG Oceanyka nous a présenté quelque chose d’un peu différent. Elle mène des études sur le hot spot de la biodiversité sur le Plateau des Mascareignes. Elle fera une expédition entre Maurice et les Seychelles. Nous nous sommes rendu compte qu’il n’y a pas eu beaucoup de recherches sur ce plateau qui peut contenir une riche biodiversité que nous n’avons pas examinée.

 

Avec seulement 125 000 €, ce n’était pas possible. C’était important d’avoir du cofinancement des entreprises. La perspective en matière économique, c’est que cela pourrait peut-être développer des activités autour de l’économie bleue. Il se peut aussi qu’il y ait des ressources naturelles qui peuvent être utilisées en pharmaceutique et que nous pourrons exploiter.

 

Pour finir, le maintien de la biodiversité est une implication mondiale. La conservation, la restauration et l’utilisation continue de la biodiversité peuvent amener des solutions durables à plusieurs défis relatifs à la société. Vos commentaires ?

 

D’un point de vue intellectuel, nous savons que la biodiversité a une importance pour tous. Puis d’un point de vue économique, nous cherchons à mener des études de recherches pour que son importance ne soit pas juste comprise par conviction. Elles vont être scientifiquement prouvées. Cela va permettre à la fois de prendre des décisions politiques et d’orienter l’investissement des entreprises. Je pense que pour la société, cela aura un impact économique. Puis, au sein de la société, il y a aussi l’aspect social. Nous nous retrouvons tous dans la biodiversité.

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