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«La coopération économique entre la France et Maurice a toujours été très étroite»

Maurice et la France jouissent d’un fort lien économique et social. En cette période de reprise, le président de la chambre de commerce et d’industrie France – Maurice, John Benatouil, revient sur cette relation bilatérale. Il lève aussi le voile sur le concept du «future of work».

La façon de travailler a considérablement évolué, ces dernières années. Comment les entreprises mauriciennes se sont-elles adaptées à cette nouvelle tendance ?

La recrudescence du nombre de free-lances dans le monde s’est conjointement accompagnée du travail à distance, modalité relativement récente qui s’est accélérée avec la crise sanitaire qui a imposé aux parties prenantes, employeurs comme employés, de se faire confiance et de s’adapter pour travailler autrement.

Aujourd’hui, on parle de plus en plus d’hybridation du travail. Il est de plus en plus commun au sein d’une entreprise qu’une équipe soit composée de collaborateurs, salariés pour certains, free-lances pour d’autres, intervenant sur site pour certains, et à distance pour d’autres. Et malgré cela, non seulement la compétitivité des entreprises ne s’est pas détériorée, mais en plus, les protagonistes, employeurs comme employés, y trouvent leur compte en termes d’organisation et de qualité de vie.

Dans ce contexte, les entreprises mauriciennes n’ont pas fait exception. La crise sanitaire leur a imposé de développer le «work from home», et à l’instar des entreprises des autres pays, les entreprises mauriciennes, lorsque leur métier le leur permettait, s’y sont bien adaptées dans leur ensemble. En ce sens, la crise de la Covid-19 a été un formidable accélérateur pour la transition digitale. Mais si l’adoption des outils de travail à distance est effective dans l’ensemble des entreprises de services, la digitalisation du secteur marchand demeure encore inégale selon les secteurs et la taille des entreprises.

À plus long terme, comment Maurice se place-t-il pour appréhender durablement le tournant du «future of work» ?

Maurice dispose de nombreux atouts pour bien appréhender l’évolution des nouvelles façons de travailler. En tant que pays régulièrement classé parmi les économies les plus stables d’Afrique, il représente une destination privilégiée pour des entrepreneurs et des talents prêts à travailler à distance avec le reste du monde.

Fortement interconnecté technologiquement avec les différents continents, Maurice dispose d’un ingrédient déterminant pour permettre aux différents acteurs de son économie de réduire les distances et d’échanger la voix et la data de façon fiable et à haut débit avec les autres acteurs du reste du monde, employeurs, fournisseurs ou clients.

Dans le Budget 2021-2022, Maurice propose diverses mesures pour attirer les investisseurs ou encore des expatriés afin de contribuer à l’économie locale. Pensez-vous que ces mesures s’inscrivent bien dans cette logique de «future of work» ?

Toute mesure attractive a par nature un effet incitatif sur l’investissement et l’emploi. Et cela s’est déjà démontré dans le passé. Par exemple, dans le domaine des Tic, de nombreuses entreprises se sont implantées à Maurice, encouragées par l’ICT Scheme au cours des années 2000. Souvent, ces entreprises sont toujours là, bien implantées, et font travailler de nombreux salariés. À plus long terme, il faut toutefois faire attention aux effets des dernières mesures relatives à la CSG et au Solidarity Levy qui accroissent mécaniquement le coût de l’emploi et qui peuvent pénaliser la capacité des entreprises à attirer à Maurice les compétences qui peuvent parfois manquer dans les secteurs à forte valeur ajoutée.

En tant que président de la CCIFM, quel regard portez-vous sur la relation France-Maurice sur le plan économique ?

La coopération économique entre la France et Maurice a toujours été très étroite. Elle s’exprime sur le plan touristique et aussi au travers des investissements directs étrangers où les investisseurs français sont largement représentés. Par ailleurs, les actions de coopération sont nombreuses, entre Maurice et La Réunion, notamment, grâce à l’antenne de la Région Réunion sur Maurice, dans un grand nombre de secteurs tels que l’agriculture, la transition énergétique, la formation, l’économie circulaire, mais aussi la santé et les Tic. Sur le plan de l’éducation, la coopération se matérialise par des accords, comme par exemple le partenariat signé entre la MCCI Business School et la Chambre des métiers et de l’artisanat de La Réunion, avec comme objectifs d’améliorer l’employabilité des compétences dans l’océan Indien.

Par ailleurs, l’Agence Française de Développement (AFD) renforce encore la coopération France – Maurice autour de l’accompagnement énergétique, à Rodrigues notamment, et au travers de prêts.

«Les français ont toujours particulièrement affectionné Maurice pour leurs vacances»

D’un point de vue touristique, la France est le pays qui visite le plus Maurice. Cela dit, il fait aussi partie des visiteurs qui dépensent le moins dans le pays. Que faut-il faire pour satisfaire davantage les touristes français ?

Les Français ont toujours particulièrement affectionné Maurice pour leurs vacances. D’ailleurs, il n’est pas rare qu’ils y reviennent plusieurs fois au fil des années. Sur la question du panier moyen des Français, plusieurs facteurs expliquent qu’il est inférieur à celui d’autres nationalités.

D’abord, il faut noter que lorsque les visiteurs qui ont la double nationalité se rendent à Maurice pour visiter leurs proches, ils sont enregistrés comme touristes alors qu’ils n’iront pas nécessairement lo ger dans un hôtel ni systématiquement déjeuner au restaurant. Par ailleurs, les touristes français viennent plus particulièrement à Maurice entre juin et septembre, ce qui correspond à la basse saison assortie de tarifs plus bas qu’en haute saison.

De façon générale, deux leviers pourraient être travaillés pour améliorer le panier moyen des touristes en général, et celui des Français en particulier. Le premier consisterait à réduire le coût du transport aérien, tant en classe économique qu’en classe affaires, particulièrement prisée des touristes plus fortunés. Maurice serait ainsi plus attractif auprès d’un nombre croissant de touristes de toutes catégories.

L’autre levier consisterait à tirer encore vers le haut le positionnement de la destination Maurice, afin de cibler une clientèle plus riche et moins regardante à la dépense.

Qu’est-ce que la CCIFM, et quels sont vos objectifs ?

La CCIFM fédère plus de 200 entreprises mauriciennes et appartient au réseau international des 124 chambres de commerces et d’Industrie françaises à l’étranger, implantées dans 95 pays. Notre rôle est de représenter nos membres auprès des instances locales avec lesquelles nous entretenons des rapports réguliers et de proximité, telles que l’EDB, Business Mauritius, l’ambassade de France, ou encore la MCCI. De plus, la CCIFM a signé un accord de partenariat avec Business France pour appartenir à la Team France Export et proposer des procédures d’amorçage pour les entreprises françaises souhaitant s’implanter à l’île Maurice.

Notre mission consiste à informer nos membres, à défendre leurs intérêts et à animer l’écosystème qu’ils constituent, au travers de webinaires et autant d’événements en présentiel leur permettant de se rencontrer et de développer leurs réseaux.

Une entreprise, pour être éligible et devenir membre de la CCIFM, doit être mauricienne et présenter un lien certain avec la France, que ce soit par son management ou par son activité économique. Ainsi, forte de plus de 200 entreprises, la CCIFM recense au travers de ses membres près de 40 secteurs d’activités et plus de 35 000 personnes.

Vous êtes vous-même dirigeant d’entreprise depuis 2003 à l’île Maurice, et vous avez fondé à il y a trois ans Talenteum.com, une start-up qui connaît une forte croissance et qui a la fierté d’être née à Maurice. Vous connaissez donc bien les difficultés rencontrées par les entrepreneurs français arrivant à Maurice. Comment la CCIFM les accompagne-t-elle ?

Au sein de la CCIFM, nous disposons de services d’accompagnement allant de l’étude de marché aux missions de prospection en passant par la définition des contacts clés. Nous travaillons en étroite collaboration avec des instances locales comme l’EDB. Nous disposons aussi de commissions très actives réservées à nos membres, animées par des professionnels qui sont également des administrateurs élus au sein du conseil d’administration de la CCIFM.

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