Alexandre Piat: «La mise en œuvre de stratégies de développement durable va au-delà des chiffres»

D’ici à la fin du premier trimestre de 2022, Rogers Hospitality, pôle hôtellerie et loisirs du Groupe Rogers, envisage d’étendre la Certification Green Key à l’ensemble de ses hôtels et pense à rendre les séjours au sein des Veranda Resorts neutres en carbone avant la fin de 2022. Ces actions s’insèrent dans l’application de sa charte de développement durable et inclusif «now for tomorrow», qui repose sur les cinq axes d’action du pacte Signenatir de Business Mauritius. Alexandre Piat, Manager – Sustainable Development de Rogers Hospitality, nous en parle.

La pandémie de Covid-19 est à la source d’actions courageuses pour revitaliser les secteurs économiques traditionnels, voire enclencher des réformes structurelles. Le pôle Rogers Hospitality du groupe Rogers semble avoir pris cette réflexion au mot avec ‘Now for tomorrow’…

«Now for tomorrow» a certes été lancé après le début de la pandémie de la Covid-19. Cependant, cet engagement de Rogers Hospitality envers l’environnement et les générations futures remonte à bien plus longtemps. En effet, le groupe est actif depuis plus d’une décennie dans le développement durable et inclusif.

Nous nous sommes notamment investis dans la protection de l’écosystème marin. À titre d’exemple, nous avons collaboré avec Reef Conservation sur le projet Bis Lamer, qui vise à éduquer les jeunes aux trésors de la mer et aux dangers qui les menacent. Nous avons aussi publié un «lagoon directory» qui répertorie les espèces présentes dans le lagon de Bel Ombre. Notre programme d’entretien de dix modules de récifs artificiels à Bel Ombre a aussi permis l’observation de 20 nouvelles espèces de poissons, dont une dizaine d’espèces se sont sédentarisées.

Qui plus est, les deux établissements haut de gamme d’Heritage Resorts – Heritage Awali et Heritage Le Telfair à Bel Ombre – sont certifiés Green Key, un écolabel international garantissant l’excellence en termes de pratiques environnementales et durables dans le domaine de l’hôtellerie, depuis 2016. En outre, le groupe Rogers a contribué en 2011 à la mise sur pied de Plankton, facilité de recyclage du verre à Bel Ombre. De plus, l’unité d’embouteillage d’eau pour l’approvisionnement de nos hôtels nous a, depuis son lancement en 2017, permis d’éviter l’utilisation de l’équivalent de 30 tonnes de bouteilles en plastique.

«Now for tomorrow représente un renouvellement de l’engagement du groupe Rogers pour une industrie de l’hôtellerie et des loisirs plus durable»

‘Now for tomorrow’ n’a ainsi pas été motivé uniquement par la pandémie, mais représente plutôt un renouvellement de l’engagement du groupe Rogers sur la dernière décennie pour une industrie de l’hôtellerie et des loisirs plus durable.

Le développement inclusif nous tient également à cœur. Avec Caritas, nous avons soutenu l’ouverture du Centre d’Éveil de Bel Ombre qui prend en charge des enfants du pré-primaire. Notre ‘Heritage Training Academy’, récemment mise sur pied, permettra d’autonomiser les communautés locales, leur ouvrant une carrière dans le secteur hôtelier.

Comment le changement climatique influence-t-il la décision d’adopter ce paradigme de séjours neutres en carbone au sein de vos établissements ?

tablissements ? L’offre inédite à Maurice de séjours neutres en carbone dans nos deux établissements Heritage Resorts à Bel Ombre, à savoir Heritage Awali et Heritage Le Telfair, découle d’un constat : celui que notre industrie, celle du voyage et du tourisme, a un impact sur l’environnement. À travers ces premiers séjours neutres en carbone, nous souhaitions rectifier cela. Nous sommes conscients de notre impact et voulons inverser la tendance. Cette prise de conscience et cette volonté d’agir représentent un changement de paradigme.

Cet objectif est réalisé à travers un calcul rigoureux de notre empreinte carbone, d’un changement d’attitude quant à l’utilisation et la consommation de produits et de services plus respectueux de l’environnement, notamment à travers l’acquisition de crédits carbone issus de projets locaux.

Cette offre de séjours se concentre jusqu’ici sur vos deux hôtels cinqétoiles. Cette offre hôtelière atypique, mais fondamentalement nécessaire aujourd’hui, ne pourrait-elle pas s’adapter aux budgets séjour-voyages plus modestes ?

Aujourd’hui, le développement durable est l’affaire de tous. Nous notons que les gens réfléchissent désormais plus attentivement à leur façon de voyager. Ils sont à la recherche d’établissements hôteliers offrant des services qui leur permettent de minimiser, d’une manière ou d’une autre, leur impact sur la planète. Nous formulons ainsi actuellement une stratégie de compensation carbone pour nos cinq hôtels Veranda Resorts.

Nous comptons également étendre la certification Green Key à l’ensemble de nos hôtels d’ici à la fin de ce premier trimestre 2022. Nous nous attendons à ce que le concept de «reputation through certification» gagne en importance, car les consommateurs souhaitent être rassurés par des accréditations écotouristiques et de développement durable légitimes.

Entre-temps, Veranda Tamarin, un de nos hôtels milieu de gamme, et Heritage Awali ont reçu la certification “The Pledge on Food waste” en janvier. Ce projet pilote a été pleinement adopté par les équipes, ouvrant la voie au reste du groupe pour adopter les meilleures pratiques en matière de gaspillage alimentaire dans un avenir proche. Les équipes ont suivi une formation rigoureuse, mis en œuvre des changements dans les opérations et passé avec succès l’audit pour atteindre cette étape importante.

À quand, concrètement, l’offre de séjours neutres en carbone pour toute la chaîne hôtelière Veranda Resorts ?

Nous sommes à l’étape finale d’un modèle de compensation carbone pour nos Veranda Resorts. Le calcul de l’empreinte carbone d’un hôtel est un exercice relativement technique qui se trouve à la base de la stratégie de neutralité carbone. Nous étudions plusieurs options de compensation en vue de satisfaire nos différents clients. Nous pensons pouvoir être prêts avant la fin de l’année.

Une soixantaine de vols hebdomadaires sont vraisemblablement opérés depuis octobre pour desservir la destination mauricienne. Inéluctables pour l’industrie touristique, les émissions de carbone générées seront compensées par Rogers Hospitality à travers l’achat de crédit carbone. Pouvez-vous nous dire comment cela va-t-il se passer ?

La compensation carbone d’un hôtel se fait en trois étapes : premièrement, le calcul de notre empreinte carbone qui se fait à travers la méthode «Hotel Carbon Measurement Initiative (HCMI)» (Scope 1, 2 et 3). L’empreinte carbone dépend du taux de remplissage des hôtels. Deuxièmement, par la réduction de nos émissions, à travers notamment l’utilisation d’équipements à faible utilisation d’énergie ; la conscientisation des équipes en les formant constamment ; l’adoption d’une politique d’achats responsables en faisant la part belle au local et, enfin, en proposant à nos clients de participer à des activités non polluantes.

Et troisièmement, et non des moindres, en compensant la part restante de nos émissions à travers l’achat de «crédits carbone». Nous avons choisi de travailler avec le groupe Aera, premier négociant de certificats environnementaux africains, en achetant des crédits carbone issus de projets mauriciens, notamment des fermes photovoltaïques dans le nord de l’île.

Le nombre de crédits carbone est revu tous les six mois afin de s’assurer que le volume de carbone compensé correspond bien aux émissions.

Comment comptez-vous intégrer le voyageur dans l’exercice de compensation carbone ?

Nous encourageons et proposons à nos clients de participer à des activités non polluantes, telles que des balades à vélo, des randonnées en nature, des pique-niques, des activités non motorisées dans le lagon, des expériences culinaires axées sur le local et les circuits d’approvisionnement courts. À moyen terme, nous souhaitons proposer à nos clients de pouvoir participer à nos activités de reboisement.

Il n’est pas donné de pouvoir changer de paradigme pour sortir d’une gestion hôtelière classique vers une gestion éco-responsable. Que cela représente-t-il en termes d’investissement financier ?

La mise en œuvre de stratégies de développement durable va au-delà des chiffres. Nos plus grands défis ont été d’intégrer des concepts de durabilité au sein de nos opérations, qui étaient très traditionnelles. Cela s’est fait en adoptant une nouvelle approche d’économie circulaire dans notre système d’approvisionnement et dans les opérations de nos hôtels. Une meilleure gestion des déchets, l’élimination du plastique à usage unique et des initiatives d’approvisionnement local sont autant d’exemples.

Nous avons aussi revu notre façon de gérer nos équipes, en mettant en œuvre des procédés d’opération impliquant des aspects de durabilité, en sus de la santé et de la sécurité au travail. Et puis, nous avons procédé à un alignement de tous nos partenaires, collaborateurs et prestataires en termes de leur engagement envers la durabilité. Ainsi, nous avons réussi à transformer nos défis en opportunités.

«Nos plus grands défis ont été d’intégrer des concepts de durabilité au sein de nos opérations, qui étaient très traditionnelles»

Rogers Hospitality a fait le choix de privilégier le localisme en s’approvisionnant auprès d’agriculteurs, de fermiers, de pêcheurs et d’éleveurs locaux ou de l’océan Indien. À moyen – long terme, quand davantage de groupes hôteliers convergeront dans la même direction, le secteur agricole local et régional connaîtra-t-il un essor ?

L’idée du localisme et des circuits courts est d’abord de réduire le bilan carbone des produits frais – volaille, viande, fruits de mer, fruits et légumes – consommés dans l’ensemble de nos établissements hôteliers. Ensuite, comme vous le mentionnez, en consommant local, le groupe Rogers Hospitality soutiendra activement les filières agroalimentaires locales et régionales. Cela cadre avec notre engagement d’assurer un développement inclusif. En renforçant les filières de production locales, nous autonomiserons les communautés locales également. De plus, le terroir mauricien regorge de produits sains et de qualité qui, une fois sublimés en cuisine, feront rayonner les saveurs et les couleurs de notre pays. Remettre les produits du terroir et de saison au goût du jour est également notre mission.

Quelles sont vos estimations quant au taux de remplissage de vos établissements jusqu’en juin 2022 dans la mesure où la destination mauricienne attire les 320 000 touristes projetés par les autorités d’ici à la fin de la haute saison ?

La demande provenant de nos principaux marchés est présente. Le fait que cette demande s’accentue sur nos marchés historiques, tels que l’Allemagne et l’Afrique du Sud, est de bon augure. Cela démontre la confiance dans notre destination. Cependant, la situation demeure fragile, d’où l’importance de rester vigilant et de nous assurer d’une destination responsable par rapport à la gestion de cette crise sanitaire.

Au-delà des estimations, il est important d’assurer l’accueil des voyageurs dans le respect des protocoles et de la sécurité sanitaire. Il nous faudra également assurer la visibilité de notre destination et notre compétitivité autant au niveau des prestations hôtelières qu’aériennes. Par rapport à l’aérien, il nous faudra nous assurer qu’on dessert nos marchés émetteurs de façon adaptée.

Au regard des réservations enregistrées à ce jour pour des séjours à Heritage Resorts, quels profils arborent ceux qui choisissent cette nouvelle approche de l’expérience hôtelière ?

Après des mois interminables de réclusion, il émerge une volonté universelle pour les grands espaces. Le temps passé dans la nature, véritable antidote à la vie urbaine moderne, est aujourd’hui reconnu à sa juste valeur. Nos visiteurs sont en quête de vacances qui se déroulent à un rythme plus lent, pour encore plus prendre le temps de vivre l’instant présent, et ainsi profiter de chaque instant intensément avec leurs proches.

Nos Veranda Resorts promettent une expérience «Deep into Mauritius», alors que nos Heritage Resorts garantissent la découverte de la quintessence du domaine exclusif de Bel Ombre. Le Sud sauvage offre aussi un «playground» exceptionnel pour les activités liées au bien-être. Nous notons un engouement grandissant pour ce type d’expérience qui permet à nos clients de se ressourcer et de rentrer chez eux mieux dans leur peau.