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«Nous nous attendons à une bonne croissance au cours des trois prochaines années»

Le groupe la chartreuse compte aujourd’hui plusieurs pôles d’activités. La compagnie lancée il y a 20 ans pour produire du thé se positionne désormais dans la grande distribution avec les supermarchés save mart et dans le secteur immobilier. Asvin bokhoree, ceo de chartreuse group, juge les performances des différents pôles d’activités, dans l’ensemble, satisfaisantes

En 20 ans d’activité, La Chartreuse s’est beaucoup diversifiée. Quelle a été l’évolution du groupe depuis ses débuts ?

L’histoire du groupe La Chartreuse trouve ses fondements dans la résilience et la passion de Kressoon Bokhoree, un modeste planteur de thé qui a transmis son dévouement et son esprit d’entreprise à ses fils. Notre groupe, dans sa forme actuelle, a pris naissance en 2000. Au fil des ans, nous avons diversifié nos activités en faisant des percées dans de nouveaux marchés, notamment la vente au détail, le conditionnement de produits et l’immobilier, afin de continuer à offrir des expériences de qualité à notre fidèle clientèle. Notre entreprise familiale a désormais un ancrage solide dans ces domaines d’activité. Nous avons toutefois conservé un lien émotionnel fort et durable avec la production de thé et nous détenons plus de la moitié du marché local.

Quel a été l’impact de la Covid-19 sur vos opérations ? Le groupe a-t-il eu besoin de revoir ses opérations ?

La Covid-19 nous a effectivement quelque peu contraints à revoir nos opérations. Nous avons été confrontés à une situation plus difficile, avec un effectif restreint et des mesures sanitaires strictes. Le challenge a été de faire prendre conscience à nos employés de la nécessité de poursuivre le travail, car nous proposons des services essentiels.

Pendant le confinement, nous avons opéré avec un personnel réduit d’au moins 20 % et un accès limité aux Work Access Permits (WAP) cette année par rapport à 2020. Dans les zones rouges, les entrées autant que les sorties étaient plus compliquées. Une partie de notre chaîne d’approvisionnement en a été affectée, mais nous avons tant bien que mal réussi à maîtriser la situation et répondre aux attentes.

Par contre, certains coûts ont augmenté exponentiellement, surtout les denrées que nous importons. Outre les retards accumulés et l’incertitude concernant l’arrivée des cargos, le prix du fret a quasiment triplé ces derniers temps. Cela a définitivement eu une incidence sur les prix et beaucoup de clients s’en sont plaints auprès de nous alors que nous étions nous-mêmes des otages de cette situation, tout comme eux.

Le contrôle des marges sur certaines denrées de base par le gouvernement va définitivement nous affecter. Nous allons être limités par ce plafond, ce qui pour moi n’est pas faisable, car certains de nos coûts ne cessent d’augmenter chaque année, notamment au niveau de la masse salariale, de la distribution, etc. Nous faisons tous des affaires pour récolter des bénéfices suffisants. Si tel n’est pas le cas, une remise en question peut se révéler nécessaire. Et sur un marché très dynamique qui évolue constamment, une telle mesure tuera également la compétition, au détriment des consommateurs.

 Quelle est la performance de vos différents pôles d’activités ? Et dans un contexte marqué par cette crise engendrée par la pandémie, lequel de vos pôles jugez-vous le plus porteur ?

Nous sommes un groupe diversifié, certes, mais nous opérons essentiellement dans les produits agricoles et les commodités. Le thé est une denrée très demandée, et encore un peu plus pendant le confinement. Nos plantations ont été partiellement affectées, mais nous avons heureusement pu limiter la casse avec l’obtention rapide des WAP nécessaires.

Nous nous en sortons très bien sur le marché local avec une croissance appréciable de la demande. Nous écoulons quelque 750 tonnes de thé à Maurice annuellement. Il y a toutefois un ralentissement marqué au niveau des exportations, qui restent assez vulnérables avec la situation actuelle. En temps normal, c’est un marché qui représente 2 % à 5 % de notre production.

«Le contrôle des marges sur certaines denrées de base par le gouvernement va définitivement nous affecter»

Malgré quelques contraintes opérationnelles, nos supermarchés Save Mart sont restés ouverts pendant le confinement. Proposant un service de proximité dans certaines régions rurales, ces enseignes ont été très utiles avec les restrictions sur le mouvement des personnes. Les denrées de base proposées par Chartrade – farine, riz et grains secs, entre autres – étaient également en très grande demande. Nous avons fait le maximum pour approvisionner tous nos points de vente, même ceux en zones rouges. Concernant l’immobilier, la plupart de nos bâtiments étant déjà occupés, cela ne nous a pas vraiment affectés.

Malgré une hausse de la superficie des cultures de thé, la production de feuilles a diminué de 31,6 % en 2020. À l’heure actuelle, quel état des lieux faites-vous du secteur ? Devient-il de plus en plus difficile de rentabiliser l’activité théière ? Quelles sont vos recommandations ?

Cette baisse s’explique tout simplement par le fait qu’au moment de l’introduction du confinement total, le 19 mars 2020, la production affichait déjà une courbe descendante. Les plantations ont alors été abandonnées et la cueillette interrompue pendant trois à quatre semaines. Cela nous a ensuite pris deux semaines pour leur réhabilitation et nous avons dû attendre encore deux à trois mois pour avoir de nouvelles pousses. Entre-temps, l’hiver s’est installé, ce qui a retardé la repousse d’encore deux mois.

La production a donc été en veilleuse pendant six à sept mois. Évidemment, la reprise a été timide mais d’octobre à décembre, la progression a été très correcte. C’est ce qui explique que malgré une superficie croissante, la production de feuilles a régressé. Heureusement aussi, cette crise n’est pas survenue en période de pointe, qui est habituellement de novembre à mars, ce qui nous aurait affectés davantage.

C’est presque le même scénario qui s’est répété en 2021. Nous n’avons toutefois dû attendre que deux semaines au lieu d’un mois avant la reprise, ce qui fait que les plantations étaient moins affectées. Nous constatons d’ailleurs un écart assez conséquent entre la performance d’avril 2020 et celle du même mois en 2021. Nous allons probablement connaître à nouveau une régression cette année, mais pas de la même ampleur que l’année dernière.

Mes recommandations seraient d’accompagner davantage les planteurs, notamment au niveau des engrais, des fertilisants et d’autres facilités pour leur permettre de remettre leurs plantations en état et de reprendre une activité normale au plus vite

Le thé reste votre activité principale. Comment évoluent vos opérations dans ce segment et comment vous vous positionnez sur le marché local ?

Nous bénéficions d’une position confortable avec une part de marché de plus de 50 %. Nous menons nos opérations de manière très rigoureuse et nous sommes conscients que la compétition en face est féroce. Nous sommes donc constamment à la recherche de segments encore inexploités. Nous développons aussi pas mal de produits complémentaires.

Le thé est aujourd’hui consommé principalement par les baby-boomers, et les nouvelles générations vont vers d’autres produits. Nous devons comprendre ce qu’elles recherchent et adapter nos produits aux nouvelles tendances, habitudes et aspirations. Dans cette perspective, l’essentiel de notre travail de recherche et développement consiste à trouver et à proposer des produits de très bonne qualité, tels que des tisanes de camomille, du thé à la menthe. Nous avons testé pas mal de nouveaux produits qui ont eu un accueil très positif du marché.

Les nouvelles générations sont très conscientes de leur santé et de leur bienêtre. Nous mettons donc l’accent sur le côté health and wealth, en nous concentrant sur des breuvages naturels qui sont bons pour le corps et l’esprit

Chartrade Company Ltd a nouvellement été créée. Quel sera le rôle de cette entité ? Et comment celle-ci viendra réduire le coût de production ?

Depuis mai 2020, Chartrade Company Ltd effectue l’emballage et la distribution de denrées de base. Notre gamme actuelle de produits comprend plus de 35 articles, dont des grains secs, du sel, du sucre et des articles ménagers commercialisés sous la marque Red Lotus. Nous lançons également une nouvelle marque, ElleSense, dans des produits d’hygiène tels que l’eau de Javel, du liquide vaisselle et de la lessive.

Sur un marché très compétitif, cette entité vise à apporter de la valeur ajoutée à travers une intégration en amont. Nous empaquetons nos propres produits pour approvisionner nos supermarchés, ce qui permet aussi d’améliorer les marges. L’achat en gros nous donne la possibilité de négocier une excellente qualité à d’excellents prix. Un investissement important dans la mécanisation de nos opérations nous permet également de réaliser des économies d’échelle, et ensuite d’en faire profiter nos clients. Le groupe est également propriétaire de la chaîne de supermarchés Save Mart. Quel investissement a requis ce pôle d’activité ? Envisagez-vous d’autres ouvertures et en dehors des régions rurales ? Save Mart nous a demandé pas mal d’investissement depuis janvier 2014. En sept ans, nous avons ouvert 25 supermarchés répartis à travers l’île, principalement dans des emplacements stratégiques en régions rurales. À ce jour, nous employons plus de 450 personnes.

Dès le début, nous avons mis l’accent sur l’importance de la proximité et l’écoute de notre clientèle, en adaptant notre offre aux goûts et préférences de chacune de nos zones de chalandise. Nos supermarchés sont ouverts tous les jours de 8 heures à 20 heures, même les dimanches, pour permettre aux Mauriciens – dont le mode de vie a évolué avec moins de temps à consacrer à la corvée des courses – de faire leur shopping à leur convenance. Cela leur permet aussi d’éviter les dépenses inutiles en achetant ce qu’il leur faut quand ils en ont besoin, plutôt que de stocker à chaque fin de mois plein de choses dont ils ne se serviront pas forcément et qui risquent d’être périmées avant d’être consommées. Avec la crise sanitaire, nous avons été contraints de rééchelonner notre programme d’expansion, mais nous prévoyons d’ouvrir d’autres supermarchés encore d’ici à la fin de l’année.

La technologie, dont la digitalisation, prend de plus en plus d’ampleur au sein des entreprises. Qu’en est-il de votre stratégie digitale ?

Aujourd’hui, l’information est à la base de toute décision. Au niveau du groupe, nous avons investi énormément dans la digitalisation et l’informatisation de nos systèmes, dont le contrôle et la vérification sont centralisés au niveau du siège. Les informations obtenues contribuent grandement à la prise de décisions, et nous arrivons à contrôler pas mal de choses à distance.

Comment voyez-vous l’évolution du groupe dans les années à venir ?

Nous envisageons l’avenir avec beaucoup de sérénité, avec une consolidation de notre positionnement dans tous nos secteurs d’activité. Nous nous attendons à une très bonne croissance sur les trois prochaines années. Nous ne nous laisserons pas dévier de notre objectif suprême par la Covid-19 ; c’est une situation que nous devons apprendre à gérer et nous devons faire face économiquement et financièrement à la nouvelle normalité. Si ce n’est pas la pandémie, il y aura peut-être d’autres défis et nous devrons nous préparer à faire face à n’importe quel type de perturbations.

Ashvin Bokhoree

(Ceo De Chartreuse Group)

Asvin Bokhoree est issu d’une famille de planteurs de thé et il a une formation d’ingénieur aéronautique. Il a travaillé pendant un moment dans ce secteur, mais être con¾né à un bureau ne correspondait pas vraiment à ses ambitions. Vers la ¾n des années 10, il a donc décidé de rejoindre l’entreprise familiale et l’histoire de La Chartreuse a commencé avec la mise en place d’une petite unité de production de thé. Passionné et fonceur, Asvin Bokhoree est animé par l’envie de créer, de constamment se surpasser pour réussir, de continuer à apprendre et de voir les choses différemment des autres. Il est capable de prendre des risques calculés, d’analyser les situations, d’entreprendre et de faire face à des problèmes divers. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis de trouver des solutions et de mener le groupe à son niveau actuel, cela en dépit des obstacles. Plus encore, il croit dans un leadership de partage d’idées et de savoir-faire, avec une grande rigueur et de la discipline. C’est également son équipe qui lui permet d’avancer.

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