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Interview Rencontre

Patrice Robert (General Manager d’IBL Seafood) – « Manque à gagner considérable pour l’industrie du Seafood… »

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IBL est le plus gros investisseur dans le secteur du Seafood mauricien qui représente 15 % des exportations du pays. Face à la crise de l’euro qui perdure et qui influe sur de nombreuses entreprises exportant leurs produits vers l’Europe, IBL parvient à tirer son épingle du jeu.

\BUSINESSMAG. Que représente le cluster Seafood d’IBL aujourd’hui ?

IBL est le plus gros investisseur dans le secteur du Seafood mauricien. Nous sommes verticalement intégrés ; nous avons notre propre bateau frigorifique qui va chercher le poisson dont nous avons besoin des Seychelles où il est transbordé. Froid des Mascareignes possède 350 mètres de quai et 16 chambres froides où nous pouvons débarquer du poisson et l’entreposer. Deux conserveries, dont la principale, Thon des Mascareignes, transforment 230 tonnes de thon par jour.

Nous avons aussi une usine de farine de poisson : Marine Biotechnology Products, qui transforme les co-produits des conserveries en produits pour l’alimentation animale, et Cervonic, la dernière-née, qui, elle, est spécialisée en huile de thon pour l’industrie pharmaceutique et alimentaire. L’ensemble de ces sociétés avec notre petite conserverie, Indico Canning, génère un chiffre d’affaires annuel qui a passé la barre des Rs 4 milliards.

Nous avons aussi une participation à hauteur de 29 % dans Princes Tuna (Mauritius) Ltd et de 50 % dans Mer des Mascareignes, une autre conserverie, en joint-venture avec SAPMER, qui transforme du thon à -40 degrés sans décongélation.

Nous avons pris beaucoup de risques et fait preuve d’a� du point de vue de l’investissement au cours de ces dernières années, avec plus de USD 90 millions investis et 2 500 emplois créés. Autre maillon de la chaîne dans le Marine Cluster, le Chantier Naval de l’océan Indien (CNOI) permet à tous les navires croisant dans la zone d’entreprendre toutes les réparations dont ils pourraient avoir besoin après de longs mois en mer, attirant par la même occasion les thoniers dont nous avons besoin.

Nous sommes heureux d’avoir ainsi réussi le pari d’avoir aidé à créer un nouveau pan de l’économie mauricienne.

 

« Thon des Mascareignes fournit 11 % des importations européennes de longes de thon »

BUSINESSMAG. Quelle a été la performance du cluster Seafood avec la fin de votre année financière ?

La performance de Thon des Mascareignes (TDM) a été plus difficile cette année, avec les cours élevés du prix du poisson et un euro fléchissant. Froid des Mascareignes, Indico Canning, Marine Biotechnology Products et Mer des Mascareignes ont, quant à elles, des résultats plus positifs. Chaque entité est complémentaire l’une de l’autre, ce qui permet ainsi d’apporter de la valeur ajoutée à l’ensemble de la chaîne.

BUSINESSMAG. L’entrée en vigueur des APE vient consolider l’accès hors taxe et hors quota au marché de l’Union européenne pour quatre pays incluant Maurice. Pour un produit comme le thon, c’est une excellente nouvelle, n’est-ce pas ?

Effectivement ! L’entrée en vigueur en janvier prochain des Accords de partenariat économiques (APE) intérimaire nous assure, entre autres avantages, la mise en place de la dérogation automatique, ce que nous attendions depuis un moment déjà. L’Europe étant notre marché prioritaire, l’accès hors taxe qui nous est ainsi garanti est important pour notre compétitivité.

Cependant, les APE nous limitent l’accès au « poisson originaire » pêché dans d’autres zones que celle à laquelle nous appartenons. Ce qui constitue un recul par rapport aux précédents accords de Cotonou qui nous permettaient d’acheter notre poisson dans la zone ACP.

BUSINESSMAG. Où en est le problème de piraterie dans la zone de pêche de l’océan Indien ?

La piraterie affecte directement notre industrie. Depuis 2006, nous avons vu le nombre de bateaux de pêche diminuer, notamment les thoniers senneurs européens. Ceux-ci sont passés de 52 à 32 aujourd’hui, ce qui représente une baisse annuelle conséquente de volume de poissons. Il faut y ajouter les frais de sécurité additionnels pour protéger les bateaux et les équipages, à raison de 600 000 euros annuellement par bateau. Ce surcroît de coût est évidemment répercuté sur le prix du poisson. Et nousmêmes nous avons des coûts supplémentaires pour la protection de notre navire frigorifique qui fait la navette entre Maurice et les Seychelles. Et ce ne sont là que quelques-unes des conséquences directes de la piraterie.

BUSINESSMAG. Certains observateurs estiment que la crise en Europe peut provoquer une baisse de la demande pour les produits du secteur Seafood. Qu’en est-il ?

Le thon en conserve est un cas assez particulier. Ce produit est considéré comme une ‘commodité’, une source de protéines à tarif réduit. La baisse du pouvoir d’achat des ménages européens semble nous affecter moins que d’autres produits exportés, mais nous demeurons très prudents.

Notre huile brute et notre farine de poisson sont utilisées pour l’alimentation animale (poulet, porc, entre autres) ainsi que pour l’aquaculture. La demande pour nos produits est croissante, car ils représentent une importante source de protéines et l’élevage dans le monde ne cesse de s’accroître parallèlement à la population mondiale.

L’autre huile que nous produisons, celle-ci extraite à froid, est, elle, un produit à forte valeur ajoutée. Elle est commercialisée comme un produit « niche ». Mer des Mascareignes est, quant à elle, plus focalisée sur l’Asie, notamment le Japon car elle commercialise des produits de grade sashimi à -40 degrés et est donc moins exposée aux aléas actuels de l’Europe.

BUSINESSMAG. Vous avez participé, il y a quelque temps, à la European Seafood Exhibition à Bruxelles. Quel a été votre constat ? Les produits mauriciens sont-ils compétitifs ?

Maurice et les autres îles de l’océan Indien, à l’instar des Seychelles et de Madagascar, fournissent 23 % du marché européen des importations de thon. Notre usine, Thon des Mascareignes, à elle seule, fournit 11 % des importations européennes de longes de thon. Maurice est le premier fournisseur du marché anglais, et le quatrième du marché espagnol. Nous évoluons dans un secteur hautement compétitif et nous devons constamment nous remettre en question face à la concurrence internationale.

BUSINESSMAG. Dans quelle mesure la baisse de l’euro affecte-t-elle vos opérations ?

Toutes les compagnies exportant vers l’Europe souffrent forcément de la dépréciation de l’euro. Le Seafood hub n’est pas épargné et cela a été un manque à gagner considérable cette année.

BUSINESSMAG. La clé de voûte dans le Seafood, ce sont des produits à haute valeur ajoutée. Quel progrès avez-vous fait dans ce domaine ?

C’est un axe que le secteur Seafood d’IBL a déjà intégré dans ses plans de développement. Aujourd’hui, Mer des Mascareignes se positionne sur un secteur du marché qui est très compétitif, en offrant du thon de qualité sashimi, à -40 degrés. Thon des Mascareignes propose à ses clients du thon sous différentes formes en poches d’aluminium, lesquelles sont très prisées par ses clients. Indico Canning est spécialisée dans la production de filet de thon en bocaux. Et n’oublions pas notre usine d’huile de thon pressé à froid, qui est de qualité pharmaceutique et alimentaire. Nous croyons en l’avenir que représentent ces produits à haute valeur ajoutée.

IBL Biotechnology, créée en 2011, est spécialisée dans la conception et le transfert de technologies liées à la valorisation des produits agro-alimentaires et particulièrement des produits de la mer. Outre sa mission d’accompagnement technologique du Seafood hub, la société élabore de nouveaux procédés industriels d’extraction de protéines, peptides, acides aminés et lipides issus des co-produits générés par les structures de transformation du poisson, à destination de l’alimentation animale, humaine ou de la parapharmacie. IBL Biotechnology exporte ses technologies novatrices au-delà des frontières mauriciennes, dans des projets de partenariats synergiques avec la stratégie d’ouverture participative du groupe IBL.

BUSINESSMAG. Quel est l’avenir du Seafood à Maurice qui représente déjà 15 % de nos exportations, et quelles sont les perspectives réelles de développement dans ce secteur ?

Nous avons atteint notre vitesse de croisière, tant en termes de développement et d’investissement qu’en matière d’approvisionnement en « poisson originaire » qui est limité. Les défis sont réels et il y a encore des synergies à trouver face aux enjeux de demain.

Nous allons poursuivre notre cheminement avec l’esprit d’entrepreneuriat, la passion et le can-do attitude qui nous ont toujours caractérisés.

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