Business Magazine

Patrice Talla Takoukam: «Il faut convaincre la jeunesse que l’agriculture est une activité économique»

u003cpu003eLa sécurité alimentaire est un problème de fond dans lu0026rsquo;océan Indien, mais qui se pose différemment en fonction des réalités de chaque pays, observe Patrice Talla Takoukam, le représentant de la FAO pour la sous-région. Il plaide pour une plus grande coopération interrégionale dans le secteur agricole.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Quelles sont les priorités de la Food and Agriculture Organization (FAO) pour la région de lu0026rsquo;océan Indien et lu0026rsquo;Afrique ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eLe mandat de la FAO est principalement de lutter contre la faim dans le monde et du0026rsquo;assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations. Grâce à son assistance technique, la FAO élabore, pour ses États membres, des stratégies et des politiques portant sur la gestion des ressources naturelles dans le secteur agricole. Bien sûr, quand nous parlons du secteur agricole, cela comprend lu0026rsquo;agriculture, notamment lu0026rsquo;activité de production mais aussi lu0026rsquo;ensemble des secteurs de production, dont la pêche, lu0026rsquo;élevage ou encore le secteur forestier.u003c/pu003eu003cpu003eLa FAO travaille avec ses États membres pour lu0026rsquo;identification des priorités qui sont spécifiques à chaque État et chaque région. Ainsi, en avril dernier, la FAO a tenu sa conférence régionale en Afrique au cours de laquelle bon nombre de sujets ont été discutés. Parmi, lu0026rsquo;innovation dans le secteur agricole à travers la mécanisation. Aujourdu0026rsquo;hui, on ne peut véritablement parler du développement de lu0026rsquo;agriculture que su0026rsquo;il y a une vraie mécanisation dans ce secteur. Et la mécanisation peut se faire à plusieurs échelles. Bref, il faudrait quu0026rsquo;on puisse mécaniser lu0026rsquo;agriculture en Afrique pour le développement de ce secteur.u003c/pu003eu003cpu003ePar ailleurs, la FAO a travaillé avec chaque pays pour y déterminer les priorités de son intervention à travers ce que nous appelons le Country Programme Framework. Par le biais de ce programme, nous avons pu identifier les priorités notamment dans la région de lu0026rsquo;océan Indien car je suis représentant de FAO à Madagascar, aux Comores, à Maurice et aux Seychelles. Globalement, il y a trois secteurs prioritaires qui se retrouvent dans lu0026rsquo;ensemble de ces pays, à savoir lu0026rsquo;intensification de la production agricole, la gestion durable des ressources naturelles et le renforcement des capacités de résilience pour pouvoir répondre aux catastrophes naturelles.u0026nbsp;u003c/pu003eu003cpu003eu0026nbsp;u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e À quel point, la sécurité alimentaire est-elle devenue un enjeu important pour les pays de la région de lu0026rsquo;océan Indien ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eÀ lu0026rsquo;heure où les habitudes alimentaires changent, la sécurité alimentaire se pose à différentes échelles voire en différentes manières en fonction des pays. De ce fait, au niveau de la région de lu0026rsquo;océan Indien, il y a principalement deux groupes de pays. Du0026rsquo;abord, il y a Madagascar et les Comores où la question de sécurité alimentaire se pose en termes du0026rsquo;accès à la nourriture voire de la disponibilité de nourriture. En du0026rsquo;autres mots, il y a une couche importante de la population qui nu0026rsquo;a pas accès à une quantité de nourriture nécessaireu0026nbsp; au quotidien. Concernant les Seychelles et Maurice, le problème est différent. Il se situe au niveau de la consommation. Il nu0026rsquo;y a pas de problème du0026rsquo;accès, mais plutôt en termes de qualité. Il faut savoir que ces deux pays importent à peu près 70-80 % de ce quu0026rsquo;ils consomment. Ils importent parfois de très loin, soit de lu0026rsquo;Amérique latine et lu0026rsquo;Asie de Sud-Est. Ce qui engendre un problème de qualité. Et du coup, cela impacte sur la santé des populations. Conclusion : il y a certes des problèmes de sécurité alimentaire dans lu0026rsquo;océan Indien, mais ils se posent différemment en fonction des réalités de chaque pays.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG. u003c/spanu003eIl su0026rsquo;agit du0026rsquo;un enjeu régional qui nécessite la participation de toutes les îles de la région. Mais ce projet peine à démarreru0026hellip;u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eIl faut savoir que depuis longtemps, la sécurité alimentaire a été une des priorités majeures de la Commission de lu0026rsquo;océan Indien (COI). Celle-ci a toujours cette ambition de faire de Madagascar le grenier de lu0026rsquo;océan Indien afin de pouvoir répondre aux défis de la sécurité alimentaire dans la région.u003c/pu003eu003cpu003eJe pense que pour plusieurs raisons u0026ndash; et dont je ne maîtrise pas forcément u0026ndash; le programme a eu du mal à être mis en place. Néanmoins, suite au Conseil des ministres qui su0026rsquo;est tenu en mais 2015, à Madagascar, le secrétaire général de la COI a été sollicité pour la mise sur pied du0026rsquo;un programme axé sur la sécurité alimentaire. Ainsi, la COI a fait appel à la FAO pour lu0026rsquo;apport du0026rsquo;un appui technique en vue de lu0026rsquo;élaboration de ce programme. Depuis un an, une équipe technique de la FAO, le secrétariat de la COI et les États membres travaillent conjointement pour la mise en place de ce programme. Par la suite, celui-ci a été à nouveau soumis au Conseil des ministres de la COI, qui su0026rsquo;est tenu à La Réunion en février dernier, où il a été officiellement adopté. Maintenant, cu0026rsquo;est à la COI de se pencher sur sa mise en place. Celle-ci a proposé lu0026rsquo;institution du0026rsquo;une unité régionale de coordination de la sécurité alimentaire, laquelle sera basée à Madagascar.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Vous êtes du0026rsquo;avis que Madagascar est appelée à jouer un rôle majeur dans ce programme de sécurité alimentaire. Mais le passé politique houleux de la Grande île ne risque-t-il pas du0026rsquo;être un obstacle à la réalisation de cet objectif ?u0026nbsp;u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eIl est tout à fait vrai de dire que lu0026rsquo;instabilité politique quu0026rsquo;a connue Madagascar pendant les dix dernières années a été lu0026rsquo;un des facteurs majeurs qui explique pourquoi ce programme nu0026rsquo;a pas pu être formulé et mis en œuvre à temps. Mais il faut reconnaître que depuis décembre 2013 avec la fin de la transition et lu0026rsquo;élection du0026rsquo;un nouveau président, il y a eu des conditions favorables. Oui, Madagascar a le potentiel de su0026rsquo;imposer comme le grenier de lu0026rsquo;océan Indien. Car lu0026rsquo;île possède un peu plus de 90 % de terres arables de la sous-région. Autrement dit, des terres sont disponibles pour les activités agricoles, lu0026rsquo;élevage et même la pêche. Maintenant, pour que ce potentiel se développe, il faut que les conditions nécessaires soient réunies, notamment un cadre juridique institutionnel qui encourage lu0026rsquo;investissement. Il est crucial que le secteur privé soit pleinement impliqué. Car un des facteurs importants de ce programme est le partenariat public-privé (PPP). Pour que ce PPP puisse être effectif, il faut quu0026rsquo;il y ait des conditions juridiques institutionnelles garantissant la sécurité de lu0026rsquo;investissement.u003c/pu003eu003cpu003eu0026nbsp;u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Est-ce une tâche ardue de trouver des bailleurs de fonds susceptibles de su0026rsquo;intéresser à ce projet ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eEffectivement, pour sa mise en œuvre, ce programme demande un budget important, soit environ US$ 150 millions. Une fois que lu0026rsquo;unité de coordination sera mise en place à Madagascar, une de ses premières attributions doit être la création du0026rsquo;une stratégie de mobilisation de ressources. Car il faut pouvoir aller vers les bailleurs de fonds, leur présenter le programme et pouvoir les convaincre de le financer. Mais la mobilisation des ressources est toujours un exercice difficile.u003c/pu003eu003cpu003eCe programme fort louable rejoint les objectifs de tous les bailleurs de fonds : assurer la sécurité alimentaire dans tous les pays. Il ne faut pas oublier que la sécurité alimentaire est la base du développement. Et comme les bailleurs de fonds ont vocation du0026rsquo;appuyer le développement, cu0026rsquo;est donc important de se dire que ce programme est aussi une priorité pour eux. Il reviendra à la COI, par le biais de son unité de coordination, de mettre en place une vraie stratégie de mobilisation de ressources pour pouvoir attirer les bailleurs de fonds.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Dans le cadre de ce programme vise-t-on principalement les bailleurs de fonds de la région ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eNous ne pouvons pas nous limiteren termes de bailleurs de fonds. La COI ira vers des bailleurs multilatéraux et bilatéraux, mais aussi de la région. Car il pourrait y avoir des sources de financement importantes dans la sous-région. Il est nécessaire du0026rsquo;explorer toutes les possibilités. Cu0026rsquo;est un programme qui sera mis en œuvre sur une période de cinq ans. Comme ju0026rsquo;ai coutume de le dire, la mobilisation de ressources nu0026rsquo;est pas une activité temporaire, mais permanente. Ainsi, dans le meilleur des cas, la COI peut trouver un budget suffisant pour lancer le projet. Pendant quu0026rsquo;il sera mis en œuvre, elle su0026rsquo;attellera à mobiliser les ressources. Si la COI rassemble 10-20 % du budget, elle pourra lancer le projet.u003c/pu003eu003cpu003eu0026nbsp;u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Lu0026rsquo;un des défis de ce projet est la valorisation des métiers agricoles auprès de la jeune population malgacheu0026hellip;u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eLa valorisation de lu0026rsquo;agriculture auprès de la jeunesse ne concerne pas uniquement les jeunes malgaches. Cu0026rsquo;est une problématique quu0026rsquo;on retrouve dans tous les pays agricoles du monde. Du0026rsquo;ailleurs, cu0026rsquo;est un des sujets qui a été suffisamment discuté pendant la conférence régionale de la FAO. Lu0026rsquo;enjeu est que lu0026rsquo;agriculture malgré la pénibilité quu0026rsquo;elle peut présenter, est du0026rsquo;abord une activité économique. Nous devons parvenir à convaincre la jeunesse que lu0026rsquo;agriculture est du0026rsquo;abord une activité économique.u003c/pu003eu003cpu003eCu0026rsquo;est un secteur pourvoyeur du0026rsquo;emplois, qui peut être générateur de moyens de survie. Toutefois, il y a des conditions importantes pour attirer cette jeunesse. Tout du0026rsquo;abord, il faut su0026rsquo;assurer quu0026rsquo;il y a une disponibilité de terres agricoles. Puis, il su0026rsquo;agit de pouvoir mettre en place des conditions permettant de réduire la pénibilité du travail. Il faut le reconnaître : lu0026rsquo;agriculture est un travail physique et pénible. Nous ne pouvons pas faire lu0026rsquo;agriculture comme nos aînés. Nous devons améliorer les conditions de travail. Il faudra une mécanisation qui aide à réduire la pénibilité, surtout pour le labourage et lu0026rsquo;irrigation. Si nous pouvons labourer et irriguer les terres avec un outil de mécanisation, cela réduit suffisamment la pénibilité. Ce sont des conditions qui peuvent attirer la jeunesse. Il faut mettre à la disposition des jeunes des intrants notamment des semences, pour garantir une production suffisante. Dans le même temps, il est nécessaire de faciliter lu0026rsquo;accès aux marchés. La mise à disposition des financements est également importante. Pour que lu0026rsquo;agriculture soit véritablement une activité agricole, les jeunes doivent accéder à des moyens pour investir.u003c/pu003eu003cpu003eu0026nbsp;u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Maurice apporte pleinement son soutien au projet de faire la Grande île le grenier de lu0026rsquo;océan Indien. Comment entrevoyez-vous cette coopération entre les deux pays ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eOn met lu0026rsquo;accent sur Madagascar car lu0026rsquo;île présente des conditions naturelles et physiques pour répondre aux besoins régionaux. Les autres pays de la sous-région, en particulier les Seychelles, les Comores etu0026nbsp; Maurice, ont intérêt à apporter un appui, quelle quu0026rsquo;en soit la nature, pour la réussite de ce programme. Il est très important que les investisseurs mauriciens su0026rsquo;intéressent et voient dans quelle mesure, ils pourraient investir dans le secteur agricole à Madagascar. Cu0026rsquo;est vrai quu0026rsquo;il y a un problème du0026rsquo;accès à la terre. Celui-ci pourra être résolu par le biais du0026rsquo;une vraie discussion. Je pense que le secteur privé mauricien serait intéressé à investir à Madagascar su0026rsquo;il était rassuré sur la question de sécurité juridique.u003c/pu003eu003cpu003eu0026nbsp;u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#a52a2a;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Quelles sont vos impressions sur le secteur agricole mauricien ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003ePendant une bonne vingtaine du0026rsquo;années, le secteur agricole mauricien a traversé des périodes difficiles, surtout après la baisse du prix du sucre sur le marché européen. Maurice su0026rsquo;en remet progressivement. Avec la nouvelle stratégie élaborée par le ministère de lu0026rsquo;Agro-industrie, ce secteur su0026rsquo;oriente vers la diversification, qui implique quu0026rsquo;on multiplie les possibilités de production, mais aussi lu0026rsquo;accès aux marchés. On su0026rsquo;oriente aussi vers lu0026rsquo;agriculture biologique. Actuellement, la FAO exécute avec le ministère de lu0026rsquo;Agro-industrie un projet du0026rsquo;agriculture biologique. Ce qui permettra non seulement de résoudre les problèmes de sécurité alimentaire, mais aussi ceux liés à la production. Il faudra toutefois créer les conditions pour attirer les investisseurs dans lu0026rsquo;agriculture biologique.u003c/pu003e}]

Exit mobile version