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Paul Perrier (CEO de Fundkiss Technologies) – «Les entrepreneurs peuvent lever des fonds en deux semaines»

Fundkiss se positionne comme un pionnier dans le domaine du prêt participatif. Est-ce qu’il a été difficile de convaincre ?

Le crowdlending existe depuis voilà 15 ans. Il a fait ses preuves aux États-Unis, au Royaume-Uni, ainsi qu’en Europe. La première plateforme était au Royaume-Uni et s’appelait Zopa. Elle a été suivie aux États-Unis par l’émergence d’Ondeck, puis de Landing. On a vu l’évolution de cette industrie.

C’est après 13 ans que ce concept de levée de fonds a été introduit à Maurice par Fundkiss Technologies. En 2019, Fundkiss a démarré les activités en faisant beaucoup de pédagogie autour de ce qu’est le crowdlending. Et nous continuons d’ailleurs de la faire, et cela, à deux niveaux. D’abord, cela se fait auprès des entrepreneurs, soit les PME qui ont été biberonnées depuis des décennies par le crédit bancaire pour financer leur croissance et leur développement. On évolue dans un système extrêmement bancarisé à Maurice. Il a fallu venir casser cette habitude en disant aux entrepreneurs qu’aujourd’hui une alternative aux prêts bancaires traditionnels existe et s’appelle Fundkiss. Et que Fundkiss fait du crowdlending. Voilà nos avantages.

De l’autre côté, puisqu’on est une marketplace (place de marché), on a dû orienter l’éducation sur le crowdlending vers les investisseurs également. Chez Fundkiss, nous avons deux catégories d’investisseurs: des particuliers, comme vous et moi, qui pouvons prêter aux entrepreneurs, à travers la plateforme Fundkiss.mu, à partir de Rs 5 000.

Il y a aussi les investisseurs institutionnels qui peuvent prêter jusqu’à Rs 1 million par projet sur notre plateforme. Au niveau de nos investisseurs aussi, il y a une éducation à faire. Les produits d’investissement les plus prisés sont : le dépôt fixe qui n’est pas très rémunérateur, les produits plus sophistiqués comme la Bourse, et pour ceux qui en ont les moyens, c’est l’immobilier et le foncier. Il n’y a pas trop le choix.

Avec Fundkiss, nous offrons à ces investisseurs une nouvelle classe d’actifs qui est le prêt aux entreprises. Tous les mois, l’investisseur qu’il soit individuel ou institutionnel est remboursé avec capital et intérêt, et cette rétribution s’étale sur une période de 12 à 60 mois. Toute cette éducation initiée depuis 18 mois s’est accélérée depuis le confinement.

À quelle fin ?

Les entrepreneurs ont compris qu’il fallait aller vers le digital, vers les offres en ligne, et nous sommes avec la plateforme de financement de Fundkiss 100 % en ligne. De même, le public a compris qu’il faut trouver des sources de financement alternatives puisque les banques ne peuvent pas tout faire. Pour les investisseurs, de plus en plus, les taux d’intérêt sont relativement bas et volatils et la nouvelle classe d’actifs que propose Fundkiss se positionne comme un placement avantageux.

Que gagne-t-on concrètement en investissant dans les projets pour lesquels Fundkiss lève des fonds ?

Quand on investit dans l’économie réelle, le seul risque qu’on prend, c’est celui se rapportant au business. Vous avez le choix d’investir dans le projet que vous souhaitez à partir de Rs 5 000, et ce jusqu’à Rs 100 000 pour les particuliers. Les investisseurs ont souvent des comportements d’investissement très passifs. Ils confient de l’argent aux Asset managers ou Fund managers et ces derniers font des placements dans une série d’actifs financiers, et ils attendent simplement en retour à recevoir des bénéfices. Avec Fundkiss, c’est vous qui décidez, et ce, en toute transparence sur quelle entreprise vous souhaitez investir.

De plus, on fait du prêt sans garantie ou caution personnelle, d’un montant de Rs 50 000 à Rs 10 millions pour les investisseurs institutionnels. Ensuite, c’est un financement extrêmement rapide. En moyenne, les investissements se font en l’espace de 15 jours. L’entrepreneur sait qu’il aura son argent en l’espace de deux semaines. Et il peut se focaliser sur ce qui est vraiment important à ce moment-là, c’est-à-dire les opérations.

On prélève 5 % du success fee sur les campagnes réussies. Alors que les frais d’administration sur les remboursements sont de 2 %. Il n’y a pas de pénalité sur les ‘early repayments’.

Pour boucler la boucle, une campagne sur Fundkiss, c’est surtout une campagne de communication et de marketing du projet de développement d’un entrepreneur. Les investisseurs deviennent en quelque sorte des ambassadeurs de la compagnie à laquelle ils prêtent. Ils peuvent devenir des clients, des partenaires d’affaires,

des fournisseurs, et c’est une synergie extrafinancière qui est créée.

Il y a cependant une phase d’apprentissage à Maurice, il y a un temps d’adaptation. L’on espère que ce partenariat avec le SME Equity Fund va ouvrir la voie à d’autres partenariats institutionnels.

Reconnaissant la pertinence de la technologie financière, le gouvernement a dans le Budget 2020-21 invité le SME Equity Fund à utiliser les plateformes de «crowdlending» comme levier pour soutenir financièrement les PME. Vos commentaires ?

C’est une belle reconnaissance pour tout le travail qui a été accompli depuis 18 mois. L’on a créé de rien la filière du crowdlending à Maurice, et on est extrêmement fier que ce travail ait été reconnu au plus haut niveau.

Le partenariat de SME Equity Fund s’inscrit dans la dynamique d’accélérer la capacité et la facilité de Fundkiss à soutenir plus d’entrepreneurs et plus vite, en réduisant la moyenne de 15 jours de temps d’attente. Cette prestation de financement change la vie des gens même si parfois ce sont de petits montants ; qu’on remette Rs 50 000 à une couturière ou Rs 250 000 à un petit magasin de bijoux fantaisie pour acheter du stock, ce sont des financements qui leur permettent de continuer à développer leur business et de grandir. À cet égard, Fundkiss est une solution complémentaire au crédit bancaire.

Quand les choses marchent au niveau des pouvoirs publics, il faut saluer cela. Il faut dire qu’à Maurice, on est avant-gardiste. Dès 2017, le gouvernement a pris l’initiative de lancer la Regulatory Sandbox Licence qui permet à des start-up et à certains modèles d’affaires pour lesquels le cadre légal n’existait pas de se lancer. Nous figurons parmi les neuf premières entreprises à avoir obtenu cette licence. Compte tenu des amendements apportés à la loi sur les technologies financières, nous basculerons dans les prochains mois vers les P2P Lending Rules de la Financial Services Commission.

SME Equity Fund est un acteur majeur du financement des entreprises dans le pays. Dans le cadre de la collaboration, cette dernière investira à hauteur de 10 % sur les projets mis en ligne sur notre plateforme, et ce jusqu’à un maximum de Rs 100 000 par projet. Nous croyons au pouvoir de la collaboration pour réaliser notre mission. Nous allons continuer à travailler pour obtenir le soutien de plus d’institutions financières locales et internationales et pour créer des alliances et des partenariats avec les acteurs clés du marché. Tout cela dans le but d’augmenter notre offre afin d’aider les PME à se développer.

Ce partenariat avec le SME Equity Fund est donc un levier pour Fundkiss Technologies ?

À la base même, le SME Equity Fund est un partenariat public-privé puisque 46 % de l’actionnariat est détenu par le gouvernement et les institutions publiques. Et les 44% restants appartiennent aux banques privées commerciales.

La collaboration est dans notre ADN. Nous nous sommes lancés au sein de La Turbine, le premier incubateur du pays. Ensuite, Fundkiss est devenu membre de la Mauritian Africa Fintech Hub, de l’Association of Mauritian Manufacturers, de Business Mauritius, puis de la Chambre de Commerce et de SME Mauritius. On essaie vraiment de collaborer avec tout l’écosystème qui aide les PME à Maurice. Et le SME Equity Fund est le premier investisseur institutionnel de référence avec lequel nous avons signé un protocole d’accord. Ce partenariat est une preuve de confiance dans le travail abattu par Fundkiss ces derniers 18 mois. 

Comment s’articulera la participation du fonds d’action dans le mécanisme de crédit proposé aux entrepreneurs par Fundkiss ?

Concrètement, le SME Equity Fund va investir systématiquement 10 % dans tous les projets mis en ligne sur Fundkiss et ce, jusqu’à un plafond de Rs 100 000 par projet. SME Equity Fund rejoint donc notre communauté d’environ 300 investisseurs actifs sur différents projets. Ce qui est intéressant, c’est que son entrée dans notre portefeuille d’investisseurs pourvoit un mode de financement hybride à notre plateforme, via une combinaison d’investisseurs individuels, privés et institutionnels, qui prêtent à des PME dans l’optique de simplifier et démocratiser le financement.

On espère que ce premier partenariat à long terme ouvrira la voie à d’autres investisseurs institutionnels. Pourquoi ? Parce qu’on propose aux investisseurs institutionnels de diversifier à travers notre classe d’actifs leurs placements, sans oublier qu’il y a un retour sur investissement de 11 % en moyenne.

De plus, cette approche s’inscrit dans le droit fil de l’investissement à impact. En prêtant aux PME à travers la plateforme de Fundkiss, on s’engage dans de l’investissement qui a du sens. Car on permet aux PME de créer ou de maintenir de l’emploi, de générer de la valeur. Ou encore de dynamiser la scène entrepreneuriale mauricienne.

Pour l’instant, ce sont essentiellement des PME qui prêtent à d’autres PME. Un grand groupe investit dans les projets à travers un fonds pour une enveloppe de départ de Rs 500 000. À ce jour, on a financé 70 projets pour un montant de Rs 34 millions.

Qu’en est-il des projets que vous avez écartés ?

Il y a des critères d’éligibilité. On ne finance pas la création d’entreprises ou d’entreprises naissantes. Pour être éligible aux prêts de Fundkiss, si vous êtes une PME, vous devez avoir au moins deux ans d’opération, et si vous êtes un entrepreneur individuel, il faut que vous ayez trois ans d’opération minimum.

Un autre aspect dans l’approche collaborative de Fundkiss se fonde sur ses liens avec l’écosystème des start-up et d’autres PME qui sont dans le même domaine. On a signé un accord de partenariat avec Strategic Insights qui est un spécialiste local d’analyse crédit et de gestion de risques. C’est cette firme qui effectue l’analyse crédit de tous les projets pour lesquels Fundkiss lève des fonds, et ce, de manière rigoureuse et en toute indépendance.

Ensuite, une fois le document de crédit prêt, il est envoyé à notre Head of credit qui revoit et fait ses commentaires. Une fois qu’il est satisfait, il envoie la demande à notre comité de crédit qui prend la décision finale. Ce sont les projets approuvés par le comité de crédit qui sont mis en ligne.

Au cours de nos 18 mois d’opération, on a dû analyser plus de 1 000 dossiers de demandes de crédit.

Y a-t-il eu des défauts de paiement ?

Pendant le confinement, il y a des entreprises que l’on avait financé qui se sont retrouvées en difficulté, et en accord avec tous les investisseurs qui ont pris part aux projets, on leur a donné un moratoire de trois mois sur le capital, mais elles continuent à rembourser les intérêts. Aujourd’hui, il y a une dizaine d’entreprises qui sont dans cette configuration. Tout se passe bien au niveau des remboursements; il n’y a pas de défaut de paiement.

À terme, quelle est la stratégie de développement de Fundkiss ?

Dans un premier temps, on souhaite continuer à accueillir des investisseurs institutionnels pour financer les projets. Ensuite, il s’agit d’investir dans une nouvelle plateforme plus technologique afin d’offrir une meilleure expérience crédit et de financement à nos emprunteurs et à nos prêteurs. En troisième lieu, c’est de continuer à produire du prêt. La vraie révolution de Fundkiss est sur l’expérience du crédit. Les prêts aux entrepreneurs, cela doit être quelque chose de simple, rapide et transparent.

Notre vraie disruption est sur cette expérience de crédit qui tourne autour de cinq axes : la rapidité du financement, la simplicité du process pour les investisseurs et les emprunteurs, la transparence sur les frais (aucun pour les investisseurs) et la fluidité dans l’expérience de la demande de financement à l’octroi potentiel. Sans oublier la personnalisation de nos offres de financement.

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