Business Magazine

Philippe Lam: « Il faut donner un double mandat à la Banque centrale »

u003cpu003eu003cstrongu003eLu0026rsquo;économie mauricienne pourrait être prise dans le piège du revenu intermédiaire, observe Philippe Lam. La baisse de croissance nu0026rsquo;est pas seulement due à la crise mais elle peut aussi su0026rsquo;expliquer par du0026rsquo;autres facteurs comme le vieillissement de la population.u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#ff8c00;\u003eBUSINESSMAG. u003c/spanu003eQuel est votre constat de la situation économique actuelle ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eLe taux de croissance économique est en déclin et est largement insuffisant pour créer le nombre du0026rsquo;emplois nécessaires afin du0026rsquo;absorber les nouveaux intrants sur le marché du travail. Lu0026rsquo;impression qui se dégage cu0026rsquo;est que le manque de visibilité au0026nbsp;entraîné une baisse de lu0026rsquo;investissement privé et, par ricochet, de la création du0026rsquo;emplois.u003c/pu003eu003cpu003eLa baisse du taux de croissance ne date pas du0026rsquo;hier. Un rapport du Fonds monétaire international datant de quelques années avait souligné le fait que, durant ces trois dernières décennies, la moyenne du taux de croissance sur chaque décennie a été en baisse du0026rsquo;au moins 1 %. Le pays entre dans une sorte de trappe où, pour les activités bas de gamme, on fait face à la compétition venant des pays en voie de développement comme le Bangladesh. Et pour les activités à haute valeur ajoutée, nous nu0026rsquo;avons pas encore la capacité de rivaliser avec les pays développés. Cu0026rsquo;est ce quu0026rsquo;on appelle le u0026laquo; middle incometrap u0026raquo;.u003c/pu003eu003cpu003eEn sus de la crise sur nos principaux marchés, il se peut que du0026rsquo;autres facteurs sous-jacents aient aussi contribué à la récente baisse du taux de croissance. Le vieillissement graduel de la population en est un. Du0026rsquo;ailleurs, cu0026rsquo;est le cas au Japon. Peut-être que nous voyons les effets avant-coureurs de ce phénomène ? Mais cela demande une étude approfondie.u003c/pu003eu003cpu003eSu0026rsquo;agissant du taux du0026rsquo;épargne qui est en baisse, il se peut que ce facteur démographique y soit pour quelque chose car ceux qui sont arrivés à lu0026rsquo;âge de la retraite ont tendance à puiser dans leur épargne.u003c/pu003eu003cpu003eLu0026rsquo;inégalité grandissante dans la société mauricienne peut aussi expliquer en partie la baisse du taux de croissance car, selon le rapport de lu0026rsquo;AsianDevelopment Bank de 2012, lu0026rsquo;écart entre riches et pauvres dans la région asiatique a tendance à provoquer une baisse dans le potentiel de croissance dans les pays asiatiques. A Maurice, si notre modèle de croissance était moins inégal, le gouvernement aurait eu moins à dépenser sur les services sociaux et ses ressources auraient pu être allouées aux secteurs productifs.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#ff8c00;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Pourra-t-on atteindre une croissance de 3,3 % cette année ou penchez-vous plutôt pour un taux de 2,9 % comme estimé par la Chambre de Commerce et du0026rsquo;Industrie ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eJe crois que le chiffre exact est du0026rsquo;importance académique.u0026nbsp; Ce qui est important ce nu0026rsquo;est pas le chiffre de croissance tel quel mais son impact sur le marché du travail. Je pense sincèrement quu0026rsquo;au lieu du0026rsquo;avoir des ressources humaines consacrées à avoir une estimation au dixième de pourcentage de notre taux de croissance, le pays aurait plus à gagner si ces ressources rares étaient consacrées à la recherche des solutions à nos problèmes économiques. A Singapour, par exemple, lu0026rsquo;estimation du taux de croissance est faite dans une fourchette de + ou -1 %.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#ff8c00;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Su0026rsquo;il y a une tendance qui inquiète les observateurs cu0026rsquo;est la diminution de la capacité du pays à générer de lu0026rsquo;emploi. Quel est votre avis sur la question ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eCela reflète lu0026rsquo;inadéquation entre les besoins du marché du travail et les ressources humaines disponibles. Lu0026rsquo;année dernière, à Singapour, le constructeur aéronautique Rolls Royce a lancé ses bureaux de design pour lu0026rsquo;Asie avec des investissements de USD 600 millions, soit plus de la totalité de ce que Maurice a reçu en termes du0026rsquo;investissements directs étrangers et, cela, avec un seul projet. Avoir une main-du0026rsquo;œuvre formée est une condition sine qua non pour rendre Maurice attrayante comme base du0026rsquo;opération pour ces types du0026rsquo;entreprise.u003c/pu003eu003cpu003eCertains pays africains arrivent à attirer les grosses pointures dans les domaines de pointe comme le Maroc avec Bombardier, géant de lu0026rsquo;aéronautique etu0026nbsp; la région de Tanger où la société Renault est présente. Dans ce contexte, peut-être devrions-nous revoir la vocation de la zone économique de Jin Fei ?u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#ff8c00;\u003eBUSINESSSMAG.u003c/spanu003e Le déficit commercial devrait atteindre Rs 88 milliards cette année. Il est clair que le pays ne produit pas suffisamment et que notre développement économique est axé sur lu0026rsquo;importation et la consommation. Ce modèle de développement est-il viable pour lu0026rsquo;avenir du pays ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eIl ne faut pas être surpris que le déficit commercial se creuse davantage année après année car tous les centres commerciaux que nous avons ne peuvent que favoriser lu0026rsquo;importation, du moins dans un premier temps. Il est clair que plus du0026rsquo;efforts doivent être entrepris pour trouver du0026rsquo;autres activités pour renverser cette tendance.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#ff8c00;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Les réunions du Monetary Policy Committee de mars et juin ont démontré que la Banque centrale semble avoir perdu le contrôle sur la politique monétaire et le contrôle de lu0026rsquo;inflation. Est-ce grave à votre avis ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eLe Monetary Policy Committee a été mis sur pied justement pour que les décisions concernant le taux du0026rsquo;intérêt soient prises en toute indépendance. Il faut peut-être donner un u0026lsquo;dual mandateu0026rsquo; à la Banque centrale, un peu comme cu0026rsquo;est le cas pour la Reserve Fédérale Américaine qui doit prendre en considération non seulement le taux du0026rsquo;inflation mais aussi le taux de croissance. On lu0026rsquo;a récemment vu, avec la décision inattendue de la Reserve Fédérale de retarder le u0026laquo; tapering u0026raquo; car les indicateurs au niveau de la croissance et de lu0026rsquo;emploi nu0026rsquo;étaient pas suffisamment robustes pour justifier le retrait graduel du stimulus monétaire.u003c/pu003eu003cpu003eu003cstrongu003eu003cspan style=color:#ff8c00;\u003eBUSINESSMAG.u003c/spanu003e Dans le prochain Budget, quels sont les ingrédients qui devraient permettre au ministre des Finances de dynamiser la croissance, tout en consolidant les finances publiques ?u003c/strongu003eu003c/pu003eu003cpu003eLes problèmes économiques demandent des solutions à court, moyen et long termes. Lu0026rsquo;exercice budgétaire est une solution nécessaire mais pas suffisante à nos problèmes. Il nous faut un budget qui choque lu0026rsquo;imagination de tous les Mauriciens tant par la vision tracée pour tous les agents économiques u0026ndash; petits et grands u0026ndash; que par son ambition de transformation sociale. Nous avons besoin du0026rsquo;un budget ambitieux qui donne le signal que Maurice prend résolument la voie pour devenir un pays développé avec des activités économiques de classe mondiale. Cela doit être un budget de rupture avec le passé. Nous nu0026rsquo;allons pas nous contenter du0026rsquo;un budget de continuité, avec ce quu0026rsquo;on appelle le u0026laquo; tinkering around the edges u0026raquo; pour libérer les énergies créatrices. Je fais confiance à mes confrères du ministère des Finances pour venir de lu0026rsquo;avant avec des mesures audacieuses car le temps presse avec le vieillissement graduel de notre population.u003c/pu003eu003cpu003eLe pays peut encore aspirer à devenir un pays développé mais nous risquons de tomber dans le u0026laquo; u003cemu003emiddle income trapu003c/emu003eu0026raquo; si des mesures ne sont pas prises à temps pour favoriser lu0026rsquo;innovation, la recherche et le développement du0026rsquo;activités à haute valeur ajoutée.u003c/pu003eu003cpu003eIl faut non seulement aider les petites et moyennes entreprises mais aussi permettre aux plus grandes de grandir pour devenir des entreprises de taille mondiale. En contrepartie, les grandes entreprises donneront de la sous-traitance aux PME. Cu0026rsquo;est Mauritius Inc. qui en sortira gagnant avec une u0026laquo; u003cemu003ewin-win situationu003c/emu003eu0026raquo;.u003c/pu003eu003cpu003ePendant la période de boom dans le domaine de la confection, beaucoup de petites entreprises bénéficiaient des contrats de sous-traitance venant des grandes entreprises. Aider les grands peut aussi contribuer au développement des PME, à condition que tout le monde joue le jeu.u003c/pu003eu003cpu003ePourquoi ne pas créer un u003cemu003eThink tanku003c/emu003e où toutes les forces vives peuvent contribuer à travers leurs idées ? Comme certains ici ont tendance à beaucoup se référer à Singapour, il faut savoir quu0026rsquo;au début des années u0026rsquo;80, Singapour avait subi une récession. Le gouvernement du0026rsquo;alors avait mis sur pied des comités regroupant toutes les composantes de la population pour justement tracer la voie pour lu0026rsquo;avenir et renforcer et créer de nouvelles activités économiques.u003c/pu003eu003cpu003eIl faut prendre avantage du fait que, selon Kishore Mahbubanidu Lee Kuan School of Public Policy de Singapour, la classe moyenne en Asie va tripler à lu0026rsquo;horizon des années 2020 pour atteindre 1,5 milliard. Il y aura beaucoup de possibilités qui demandent à être exploitées, à part le tourisme.u003c/pu003eu003cpu003eParlant justement de Singapour, ju0026rsquo;ai appris avec intérêt que la cuisine créole des Caraïbes y a été lancée récemment avec la mise sur pied du0026rsquo;un restaurant servant les menus des Caraïbes. Et fait intéressant : il y a un projet pour créer une chaîne de ces restaurants pour toute lu0026rsquo;Asie du Sud-Est. La cuisine créole mauricienne pourrait probablement y trouver sa place. Lu0026rsquo;imagination est une source de richesse. Qui aurait pu imaginer que jusquu0026rsquo;à tout récemment, la vente des livres de Harry Potter serait lu0026rsquo;item qui rapporterait le plus à la Grande-Bretagne sur ses exportations ?u003c/pu003e

Exit mobile version