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Interview Rencontre

Rima Ramsaran (Présidente de L’AMFCE) «La femme a toute sa place dans le monde de l’entrepreneuriat »

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Rima Ramsaran Présidente AMFCE

«Les  femmes brillent dans des filières les plus improbables»

L’Association Mauriciennes Des Femmes Chefs D’entreprises (AMFCE) qui oeuvre à promouvoir la place femme dans la communauté des affaires, a lancé en septembre dernier “Business Without Borders”, un projet de mentorat visant à renforcer les compétences des entrepreneures de la région en matière des gestion d’entreprises. Le point avec la Présidente de l’AMFCE, Rima Ramsaran. 

L’Association Mauricienne des Femmes Chefs d’Entreprises (AMFCE) promeut l’entrepreneuriat féminin. Êtes-vous satisfaite des progrès accomplis à Maurice ?

L’entrepreneuriat féminin passe par une transition intéressante en ce moment. Le terme «femmes entrepreneurs» a toujours eu une connotation artisanale. Aujourd’hui, l’artisanat a toujours sa place sur le marché, avec des produits plus recherchés et qui, de ce fait, répondent mieux aux attentes du marché. Cependant, l’entrepreneuriat féminin est aujourd’hui plus riche, diversifié et complexe. Nous voyons aussi l’émergence de femmes entrepreneurs dans des secteurs clés de l’économie et surtout dans des secteurs traditionnellement réservés – si je peux utiliser ce terme – aux hommes : les Tic, la construction, l’agriculture bio (ou raisonnée), la Fintech, entre autres… Cette nouvelle génération de femmes entrepreneurs a le potentiel de révolutionner le monde de l’entrepreneuriat, et de l’économie en général.

Et dans cette mouvance, les structures d’aide aux femmes entrepreneurs doivent suivre le pas. Les données traditionnelles doivent être revues. Et si ces instances doivent s’accorder à cette nouvelle tendance et surtout s’aligner aux besoins de ces femmes entrepreneurs émergeantes, elles doivent revoir leur stratégie et leur approche.

L’AMFCE a lancé le programme «Business without borders», qui regroupe les femmes chefs d’entreprises issues de la région : Maurice, Seychelles, Rodrigues, Madagascar, Comores. Quels sont les objectifs de ce projet?

Si je peux le décrire en quelques mots, «Business without borders» (BWB) est un projet de mentorat doublé de capacity building, qui vise à renforcer les compétences des femmes entrepreneurs de la région en matière de gestion d’entreprises et à accompagner les femmes entrepreneurs dans l’application des modules de gestion dans leurs entreprises respectives. Cela leur permet de maîtriser ces outils, et ainsi de mieux cerner les failles, faiblesses, forces et opportunités de leurs structures et de leur écosystème.

Sept modules ont été préparés par des formatrices locales et australiennes, toutes spécialistes dans leurs domaines respectifs, et mis à disposition en ligne, sur une plateforme numérique soigneusement sélectionnée : Talent Learning Management System. Les femmes entrepreneurs sur le projet suivent donc les modules en ligne, à leur propre rythme ; idéalement à la fréquence d’un module par mois.

En parallèle, des mentors locaux et internationaux, avec une capacité avérée à identifier les faiblesses entrepreneuriales et à aider les mentorées à surmonter les contraintes grâce à des expériences entrepreneuriales réelles, les guident tout au long de leur parcours. Les 50 femmes entrepreneurs de la région enregistrées sur ce programme ont été jumelées avec des chefs d’entreprises de différentes régions du monde (États-Unis, Australie, Europe et des îles aussi). Le mentorat est surtout axé sur l’application du matériel d’apprentissage dans les entreprises respectives des mentorées.

L’objectif principal de ce projet est d’aider les femmes à capitaliser sur le potentiel de l’ère numérique pour promouvoir la croissance et l’entrepreneuriat. À travers la plateforme numérique, chaque mentorée a bien plus qu’un mentor ; elle bénéficie de la richesse et de l’expérience de tous les mentors / mentorées, par le biais des ‘chat box’, du réseautage et de l’interaction virtuelle.

Après un peu plus de six mois d’activités, quel bilan faites-vous de l’initiative ?

Nous avons eu raison de miser sur le digital et l’agilité ; c’est l’avenir. Le BWB est un programme ambitieux. Nous gérons actuellement sur la plateforme les 50 mentorées régionales et 50 mentors internationaux (hommes et femmes confondus), qui ont tous des besoins et des approches différents. Au-delà des difficultés pratiques, nous aidons les mentorées à se construire un réseau à travers la plateforme, l’idée étant surtout de créer des ouvertures de marché globales.

Et j’aimerai faire ressortir que l’exécutif de l’AMFCE, composé de Sameera Chattun, Trinida Chetty, Rita Heeralall et de moi-même, entre autres, travaille bénévolement sur ce projet. Un petit mot aussi pour les Commissaires de la région, Aline Wong et Patricia Day-Hookoomsing, sans oublier notre chargée de communication, Marie-Noëlle Elissac-Foy, et notre IT specialist, Zulaika Sunthbocus, les moteurs, ou plutôt motrices, du projet.

Nous sommes actuellement à mi-chemin du parcours. La moitié des modules a été parcouru déjà, soit 3-4 modules sur 7, et les retours sont très encourageants. Dans cette lancée, et fortes de cette expérience, nous aspirons à poursuivre le programme sur un deuxième batch de femmes entrepreneurs, qui accommodera probablement 100 mentorées, dans un avenir proche.

Et au-delà du BWB, nous travaillons en ce moment-même sur un projet similaire destiné cette fois aux start-up ou et aspirantes entrepreneures, avec plus ou moins les mêmes paramètres que le BWB mais sur un ensemble de modules différents. Ce nouveau projet sera lancé dans deux – trois mois.

Quel regard jetez-vous aujourd’hui sur la place de la femme dans le monde de l’entrepreneuriat ? Avons-nous toujours des inégalités et des combats à mener face à certains stéréotypes qui perdurent dans le monde des affaires ?

La femme a toute sa place dans le monde de l’entrepreneuriat. Personnellement, je trouve que l’entrepreneuriat est LE milieu qui permet aux femmes de s’assumer pleinement. Être son propre chef demande rigueur et discipline, mais donne aussi à la femme la flexibilité requise pour jongler entre ses divers rôles au sein de la famille et de la société.

Bien sûr, les stéréotypes existent. En fait, les stéréotypes ont pendant longtemps cantonné la majorité des femmes dans les secteurs traditionnels, comme l’alimentation ou l’esthétique / la beauté. Mais pour reprendre mon argument de départ, il y a une remise en question des stéréotypes en ce moment. Et cela n’est que le début d’un processus d’épanouissement et d’émancipation de la gent féminine pour casser les préjugés existants et la voir progresser dans des domaines où elle a toujours été exclue.

Le combat est toujours palpable, mais petit à petit les femmes font leur petit bout de chemin et brillent dans les filières les plus improbables.

En quoi le regroupement de ces îles autour d’une thématique commune, qui est la femme chef d’entreprise, peut permettre à cette dernière de mieux s’émanciper dans le monde des affaires ?

En fait, le regroupement se fait au niveau mondial, pas seulement régional. Nous sommes affiliées à une instance internationale, Femmes Chefs d’Entreprises Mondiales (FCEM), qui regroupe les femmes chefs d’entreprises à travers les cinq continents, et compte plus de 5 millions de membres à travers le monde. L’idée principale derrière le regroupement est d’ouvrir les frontières, les paramètres et les perspectives. En fait, c’est à travers la structure FCEM que nous avons trouvé la majorité des entrepreneurs-mentors qui contribuent bénévolement sur ce projet. Il est important de noter que le BWB compte aussi des hommes engagés comme mentors, notamment Henri Stetter (des États-Unis), Manoj Hanoomanjee, Krishan Deeljore, Manish Rajkoomar et Nishal Aulum (les quatre derniers, de Maurice). La contribution de ces entrepreneurs / consultants-hommes est louable. Elle amène en fait l’équilibre fondamental sur le projet. Le nivellement ne peut se faire sans la contribution des hommes.

L’émancipation, à travers FCEM, se fait par le biais du frottement avec des femmes entrepreneures établies. Côtoyer les femmes entrepreneurs qui brillent sur le marché international permet d’avoir des role models importants, et indirectement de promouvoir la confiance en soi, mais amène aussi une ouverture de marché potentielle. La structure est là et mise à disposition, et cela relève de tout un chacun de puiser dans cette opportunité qu’est le marché international !

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