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Interview Rencontre

Shirin Gunny, directrice générale du Made in Moris – « 92% des Mauriciens pensent qu’il faut acheter les produits Made in Moris»

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Shirin Gunny


La crise de la Covid-19 a remis sur le tapis l’importance d’assurer notre autosuffisance alimentaire. Pensez-vous que les producteurs locaux sont en mesure de relever ce défi ?

En 2020, l’Association of Mauritian Manufacturers fêtera ses 25 ans et le label Made in Moris entame sa huitième année. Les producteurs locaux ont toujours été en première ligne pour fournir au pays des produits de 1ère nécessité. Et cela s’est vérifié depuis le début du lockdown. Non seulement les producteurs locaux ont assuré la production et livraison de denrées alimentaires dans les supermarchés mais ils ont été solidaires et ont soutenu des familles démunies. Nous avons pu éviter la crise alimentaire.

Maurice importe l’équivalent de Rs 40 milliards de nourriture de 80 pays. C’est un fait : nous sommes vulnérables et ne sommes pas à l’abri d’une crise alimentaire si notre approche reste l’importation pour satisfaire 80% de notre demande alimentaire locale. Il s’agit aujourd’hui de rétablir un équilibre entre les importations, l’import-substitution et la production locale. Renforcer nos capacités en termes de production agricole et aquacole et d’élevage est une priorité. Nous avons un nouveau modèle économique à repenser ensemble, ayant pour socle la sécurité alimentaire.


Durant ces deux mois de confinement, les produits locaux ont été plébiscités par les Mauriciens. Pensez-vous que cela a changé le regard des consommateurs sur leur mode de consommation ?

Définitivement. La crise sanitaire a été un véritable eye-opener sur la pertinence du Made in Moris et sa raison d’être, non seulement pour la population mais également d’autres stakeholders. Deux études sont sorties durant le confinement. La première est celle de Speak Up qui analyse les tendances de consommation. Elle a montré que les Mauriciens ont privilégié les marques Made in Moris durant le confinement. De notre côté, nous venons de mener une étude qualitative réalisée auprès de plus de 2000 répondants et sommes contents du saut qualitatif réalisé : 92% des Mauriciens pensent qu'il est important d'acheter des produits labellisés Made in Moris. Le réflexe de l'achat local jusqu';à présent n'était pas systématique. La crise fait que ce paradigme a changé. Reste à espérer maintenant que ce changement soit pour de bon puisqu';il y va de notre avenir. Acheter local est un acte militant, de soutien à notre économie et à l’emploi local.


La production locale a démontré qu’elle pouvait répondre aux besoins de tous les Mauriciens en temps de crise. Doit-on s’attendre à ce que la demande pour le Made in Moris se maintienne dans les mois à venir ?

Oui, nous avons été très sollicités pendant le confinement pour des demandes de labellisation, à tel point que pour ne pas pénaliser les entrepreneurs qui ont fait appel à nous, nous avons dû faire certains entretiens à distance avec SGS, notre partenaire stratégique. Nous reprenons ces jours-ci notre collaboration avec SME Mauritius et comptons déjà 15 potentiels adhérents que nous espérons accueillir très bientôt dans la grande famille du Made in Moris. In fine, et plus que jamais, le Made in Moris devrait être le label qui regroupe toutes les marques locales qualitatives et à valeur ajoutée. Ce projet collectif et inclusif a démarré en 2013 grâce à 11 entreprises volontaires. Le label compte aujourd’hui plus de 90 entreprises dont 50% sont des PME, 250 marques et 3500 produits. A l’image de nos activités économiques, le label est ouvert à six différents secteurs : production industrielle, textile, agro-alimentaire, agricole, culturel et créatif, industrie des services-services hôteliers. Aujourd’hui, le Made in Moris est bien plus qu’un label. Il est devenu un vrai projet de société au service d’une ambition collective et d’un savoir-faire industriel de qualité.


Comment compte s’y prendre l’AMM pour capitaliser sur le regain de popularité de la production locale pour permettre à ce secteur de croître ?

2020 reste une année charnière. Nous avons renforcé notre plaidoyer auprès du gouvernement et des grands acteurs du secteur privés. L’AMM et son label Made in Moris prennent aujourd’hui une place légitime et nous attendons beaucoup du prochain Budget. Nous avons également un partenariat solide et fructueux avec le ministre du Développement industriel, PME et coopératives. Pas de doute là dessus, le secteur manufacturier local est un réel vecteur de richesse pour notre économie. Aujourd’hui, l’AMM et le Made in Moris ont une carte stratégique à jouer en matière d’intégration régionale. D’ailleurs, l’AMM est signataire d’un Partenariat Industriel avec des associations sœurs, l’Association pour le Développement Industriel de La Réunion et le Syndicat des Industries de Madagascar. Il est temps de miser sur la complémentarité de nos îles et de participer de façon plus concrète à la consolidation économique de la région de l’Océan Indien. Nous plaidons également pour un réinvestissement volontaire dans la production locale. Nous avons tous à y gagner.


Les artisans locaux seront parmi ceux qui seront les plus touchés par la crise économique qui se profile. Comment les aider à surmonter cette épreuve ?

Il est important de souligner que le label Made in Moris est également ouvert aux artisans. Au-delà des aides financières ponctuelles, il faut redonner à ce secteur ses lettres de noblesse. Nos artisans – avec leur créativité et leur authenticité – seront appelés demain à être la valeur ajoutée d’un tourisme durable, l’atout local d’un nouveau modèle touristique mauricien. Le local doit recommencer à imprégner nos propositions touristiques. Et certains de nos artisans ont le savoir-faire nécessaire pour proposer une offre de luxe et de grande qualité. C’est une filière à valoriser en créant autour un système de soutien pour leur permettre de monter en compétences. Un artisan doit s’entourer aujourd’hui d’autres professionnels pour le marketing, la vente online ou la communication par exemple.



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