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Rencontre

Jean-Michel Pitot : «Vers une hausse du tourisme hors circuit hôtelier»

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Attitude Property a des visées régionales | business-magazine.mu

Le CEO d’Attitude dresse un bilan positif de la performance du groupe hôtelier au 30 juin 2017. À la veille de leur dixième anniversaire, il se dit confiant en l’avenir et n’exclut pas une expansion à l’étranger.

BUSINESSMAG. Comment se porte le groupe Attitude ?

Nous avons terminé notre année financière au 30 juin 2017 avec une moyenne positive. Notre chiffre d’affaires a connu une hausse importante alors que le taux de remplissage annuel enregistré dans les hôtels Attitude a atteint les 82 %. Je ne peux que me réjouir d’une telle performance. Cela, d’autant plus que nous avions deux gros challenges durant l’année financière. Le premier est la mise en place de l’hôtel Sensimaar Lagoon, à Anse-la-Raie. Désormais, l’établissement est ouvert comme prévu et nous sommes très satisfaits du résultat. L’autre défi consistait à poursuivre la mise en place de l’hôtel Ravenala.

Les fruits que nous récoltons aujourd’hui sont l’aboutissement des investissements auxquels nous avons consenti ces neuf dernières années mais aussi des efforts des actionnaires et des «family members» – nos équipes. Nous avons su créer une belle marque hôtelière qui a clairement pris sa place dans le paysage mauricien.

BUSINESSMAG. Le groupe est un des premiers à Maurice à avoir accédé au titre de «Great Place To Work». Que signifiecette reconnaissance pour vous ?

Comme je l’ai dit, à Attitude, nous appelons les membres de nos équipes nos «family members». Or, avant même de nous prêter à l’exercice du cabinet d’étude Great Place To Work (GPTW) sur la qualité de l’environnement de travail, nous avions déjà établi un mode de questionnement de nos «family members» en interne, pour savoir comment ils se sentaient dans nos établissements. Car je l’ai toujours dit : «Autant un hôtel se construit avec des briques et du ciment, ou encore du bois, autant la satisfaction d’un client se construit, elle, autour des équipes de l’hôtel ; dans notre cas, ses ‘family members’.» En conséquence, un «family member» heureux, c’est la garantie de plusieurs clients heureux.

Suite au dernier sondage réalisé par GPTW, nous avons été qualifiés pour obtenir ce référencement. La grosse majorité de nos employés se disent, en effet, satisfaits de leurs conditions de travail. Il faut savoir qu’en interne, nous avons deux valeurs principales : le respect et l’humilité. De plus, de nombreuses activités sont organisées à l’intention des employés. Leur satisfaction, pour le groupe, est aussi importante que celle du client.

BUSINESSMAG. Attitudefêtera ses dix ans en 2018. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru jusqu’ici ?

Dix ans, c’est à la fois peu et beaucoup. L’aventure a débuté il y a neuf ans avec deux hôtels et 300 chambres. Aujourd’hui, le groupe Attitude, c’est neuf hôtels et environ 1 100 chambres. Notre plan de base était de passer de deux à cinq hôtels et de 300 à 500 chambres. Nous avons doublé nos prévisions et donc, il y a de quoi être fier. Je dois dire que je suis entouré de personnalités importantes qui demeurent assez humbles. Nous avons aussi une équipe de jeunes créatifs au niveau du marketing, du design et du Web. Le groupe compte, de fait, beaucoup de pépites dans la tranche d’âge des 30 à 35 ans. Ce sont tous des Mauriciens. Ils ont étudié à l’étranger et sont rentrés au pays. Nous construisons avec eux et l’ensemble de nos équipes la marque Attitude.

Par ailleurs, comme je le disais plus tôt, nos résultats financiers sont très encourageants. Nous avons vraiment mis le cap sur une amélioration systématique de nos résultats financiers. Nous avons aussi été assez innovants en lançant, il y a deux ans, un véhicule d’investissement, Attitude Property. Cette entité cotée en Bourse nous a permis de lever des fonds en vue d’acquérir l’hôtel Ravenala. Nous avons montré la voie à d’autres dans ce domaine. Le groupe Attitude s’installe peu à peu comme une marque de référence de l’hôtellerie mauricienne dans la gamme des trois et quatre-étoiles.

BUSINESSMAG. Que prévoyez-vous pour renforcer votre positionnement sur le marché local ?

Jusqu’ici, nous avons été en mutation constante ; nous avons toujours construit, rénové ou ouvert des hôtels. Il s’avère qu’en ce moment, nous nous apprêtons à en rouvrir deux, après rénovation : le Coin de Mire Attitude et le Tropical Attitude. Nous allons profiter des travaux de réfection pour leur ajouter des chambres car nous faisons face à une demande croissante.

Nous pensons que nous avons un savoir-faire, des compétences. Il y a des gens qui nous soutiennent sur la place. Nous resterons donc à l’affût des opportunités au niveau local afin d’agrandir notre parc de chambres d’hôtel. Nous tentons d’avoir des terrains, puis nous verrons de quoi l’avenir est fait. Il est clair, toutefois, que le groupe Attitude a encore un rôle à jouer à Maurice. Nous souhaitons renforcer notre présence sur le segment moyen/haut de gamme et, surtout, continuer à être reconnus pour notre rôle de défenseur des valeurs mauriciennes dans le secteur hôtelier.

BUSINESSMAG. Des projetsd’expansion hors de Maurice ?

En effet, nous envisageons sérieusement de faire du business hors de Maurice et nous aimerions que nos partenaires nous suivent dans ces projets lorsqu’ils se concrétiseront. C’est un challenge important pour Attitude.

BUSINESSMAG. Attitudes’intéresse de près à la clientèle chinoise qu’il compte attirer notamment à travers l’application WeChat. Cette décision est-elle due à la dépréciation du rand, de l’euro et de la livre sterling ?

Maurice démontre une tendance à s’ouvrir au marché chinois. Nous ne pouvions en être témoins sans y participer, d’où les moyens mis en œuvre par le groupe en ce sens. Il y a également une diversification des marchés qui se dessine car nous ne sommes pas à l’abri des problèmes monétaires en Europe – Angleterre incluse – et en Afrique du Sud.

BUSINESSMAG. Avec des revenusde Rs 55,9 milliards en 2016, soit une hausse de 11,3 %, le tourisme demeure un des piliers de l’économie. Le secteur peut-il pour autant se reposer sur ses acquis ?

Non. Jamais de la vie ! Cette industrie connaîtra une évolution systématique. Le tourisme change de visage en permanence. Il y a vingt-cinq ans, dix touristes sur dix logeaient dans des hôtels. De nos jours, les chiffres sont nettement inférieurs: 60 % des arrivées se destinent à l’hôtellerie traditionnelle et 40 % à d’autres structures d’hébergement. Or, je pense que ce dernier pourcentage va augmenter. Il y aura un modèle différent et il faut en tenir compte. C’est ce genre de touristes qui aidera les opérateurs à se diversifier. Je parle ici des restaurateurs, excursionnistes et plaisanciers, entre autres.

BUSINESSMAG. Lors des Assisesdu Tourisme, le ministre Anil Gayan a annoncé une hausse de 7 % dans les arrivées touristiques pour cette année. Êtes-vous du même avis ?

Il est vrai que le tourisme a connu une croissance de plus de 10 % les deux années précédentes. Peut-on prétendre à une performance analogue en 2017? On avait évoqué 4 % plus tôt cette année et là, 7 %. Pourquoi pas? Les choses ont bien démarré, donc, croisons les doigts.

De plus, les estimations sur les prochains mois sont très encourageantes. Selon moi, on se rapprochera facilement d’un taux de croissance de 7 %.

BUSINESSMAG. La plupartdes acteurs du secteur touristique se disent satisfaits des mesures annoncées lors du Budget 2017-18. Partagez-vous ce sentiment ?

Oui. Le ministre du Tourisme, Anil Gayan, a su lui aussi parler d’une manière franche aux acteurs du tourisme. Il veut «mettre de l’ordre» dans certains lieux fréquentés par les touristes tels que l’île-aux-Cerfs. Il y a une volonté de s’assurer que le produit Maurice ne perde pas de sa beauté.

BUSINESSMAG. Des opérateursavancent pourtant que Maurice a perdu sa place de leader régional du tourisme au profit des îles concurrentes. Vos impressions ?

Il est vrai qu’il y a quelques années, les Seychelles, les Maldives ou encore le Sri Lanka étaient peu présents dans ce secteur. De nos jours, ces trois destinations ont connu un essor intéressant. Maintenant, la question qui se pose est : en quoi la destination mauricienne est-elle leader? Je dirai, pour ma part, qu’elle demeure une référence importante en termes de stabilité, d’aménagement paysager, de gentillesse. Les autres pays que j’ai mentionnés ont des croissances plus intéressantes par rapport à ces trois aspects mais il faut dire qu’ils ont du retard à rattraper. Toutefois, c’est bon qu’ils existent ; la concurrence fait du bien. Nous pouvons nous inspirer d’eux à certains égards. Par «nous», je veux dire les hôteliers et le gouvernement.

Un autre aspect où Maurice reste indéniablement en position de leader est la sécurité ; notre île est une destination-refuge. Heureusement pour nous, nous n’avons pas derrière nous des années de guerre ou d’instabilité politique. Maurice demeure extrêmement fiable d’un point de vue politique. Là encore, notre leadership est incontestable.

BUSINESSMAG. Le Budget2017/2018 fait aussi mention d’un vol hebdomadaire additionnel vers Singapour dans le sillage du couloir aérien Asie-Afrique. Est-ce suffisant pour toucher les nouveaux marchés émetteurs en Asie ?

Je perçois ce vol sur Singapour comme un moyen de récupérer une clientèle asiatique importante, y compris chinoise. Air Mauritius ne peut pas proposer des dessertes sur toutes les villes de Chine. Par contre, à travers des accords avec Singapore Airlines, entre autres, on peut irriguer de façon plus intelligente le marché asiatique. Ce type de partenariat permet d’avoir une rotation plus agressive et d’ouvrir un peu plus cette partie du monde. Un vol hebdomadaire additionnel vers Singapour, ce n’est pas suffisant mais c’est un pas dans la bonne direction.

BUSINESSMAG. Dans quellemesure les déboires d’Air Mauritius ont-ils impacté le positionnement de la destination Maurice sur les marchés asiatiques ?

Je pense qu’Air Mauritius a toujours joué son rôle dans l’émancipation du pays et qu’elle a énormément apporté à l’industrie touristique. En sus, depuis deux ans, MK s’est donné les moyens d’être beaucoup plus agressive. Il y a de nouveaux avions qui arrivent. Il ne faut pas oublier que si Maurice a fait une percée sur le marché chinois traditionnel, c’est grâce à Air Mauritius. La compagnie a certes ses problèmes mais elle se refait une santé financière.

L’accord avec KLM est aussi très intéressant (NdlR, KLM Royal Dutch Airlines introduira un vol direct Amsterdam-Maurice en collaboration avec Air Mauritius à partir d’octobre 2017). Au niveau de l’hôtellerie, nous sommes enthousiasmés par cet accord. Il représente une ouverture sur les marchés d’Europe du Nord, de l’Est. Ce type d’accords insuffle de l’énergie au paysage hôtelier de Maurice.