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Post-Pandemic Agile Leadership Où en sont nos leaders dans les entreprises mauriciennes deux ans après ?

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LA PANDÉMIE a mis à rude épreuve les capacités de leadership des chefs d’entreprises et celles de leurs équipes dirigeantes. Confrontés au besoin de gérer différemment dans un contexte de jamais-vu, ils n’ont eu le choix que de s’adapter. Où en sont-ils aujourd’hui ?

Avant l’avènement de la Covid-19 et les lockdowns en série, le travail équivalait à du présentiel, où tout était alors sous contrôle pour les leaders des entreprises. Cela dit, une fois l’éclatement de la pandémie, on ne peut qu’imaginer le choc que ces derniers ont dû subir, de devoir gérer des équipes en télétravail du jour au lendemain. Évidemment, personne ne s’y était vraiment préparé, et encore moins à Maurice, où la culture du télétravail et le flexiwork n’existaient pas, bien que ces pratiques se développaient dans le monde, surtout avec l’accès aux technologies de communication et de collaboration. Les dirigeants étaient plus enclins à faire confiance à leur personnel en les voyant travailler sur site et le concept de présentiel, et des heures de travail, était bien ancré. Il leur a donc fallu aux dirigeants de réinventer leur style de leadership et y incorporer plus de flexibilité et d’agilité.

Force est de constater cependant que, dès la réouverture, la majorité des leaders d’entreprise ont décidé de revenir presque totalement à l’ancien business model de travail en présentiel. Ce besoin traditionnel d’avoir son personnel autour de soi pour avoir un sens de travail productif a repris le dessus. Nul ne pourra cependant empêcher la génération de ‘travail hybride’ d’émerger, avec comme besoin critique, la capacité des dirigeants à adapter leur leadership mindset et à innover dans leur style de gestion.

Une histoire de confiance

Dans la théorie X de la motivation, les managers croient que les employés sont paresseux, et ne travaillent que s’ils sont surveillés. À l’opposé, la théorie Y exprime la bienveillance des employés et leur désir de bien travailler pour le progrès de l’entreprise. Un leadership mindshift vers la théorie Y est aujourd’hui essentiel pour faire confiance à ses équipes, et donner de la flexibilité et de l’autonomie à ces employés qui ont démontré leur performance dans des conditions difficiles de lockdown. Exiger un retour à l’ancien normal risque tout simplement de les démotiver, à l’instar d’Apple qui a connu une vague de démissions mi/fin 2021 suite à une return-to-work policy qui est venue enlever en partie l’autonomie, le choix et la flexibilité que confère le remote work. Twitter et Meta (Facebook) ont, eux, par contre, indiqué à leurs employés qu’ils pouvaient work from home forever !

Ainsi on comprend rapidement que pouvoir faire confiance à ses équipes implique d’enlever son regard sur les heures de travail et les focaliser sur l’accomplissement des objectifs. Pour cela, fautil encore que chacun ait des objectifs clairs et chiffrés. À juste titre, les Key Performance Indicators (KPI) étaient largement jusqu’ici traités par les managers comme un chiffre à développer comme imposé par les Ressources Humaines, et que l’on regarde une fois par an pour l’évaluation des performances dans un but de déterminer les augmentations de salaire ou d’autres bonus. Aujourd’hui, ces mêmes KPI deviennent l’outil par excellence de la gestion régulière du travail de tout un chacun. Au-delà d’un chiffre, le KPI, en effet, devrait représenter l’essence même de chaque job ; notamment le job purpose. Cela démontera pourquoi il existe dans l’entreprise et quelle est sa contribution au business. Par ailleurs, ceci est un moyen sûr de connecter l’employé au bigger picture que représente son entreprise, et obtenir son engagement pour la survie, le progrès et les business benefits de ce dernière. Conséquemment, les leaders, s’ils ne le font pas déjà, doivent maîtriser ce processus, ainsi

«Nul ne pourra empêcher la génération de ‘travail hybride’ d’émerger, poussant les dirigeants à adapter leur leadership mindset et innover dans leur style de gestion»

que celui de négocier avec les employés pour arriver à un accord sur ce qui doit être accompli, quand, comment le mesurer et surtout quels sont les supports et encadrements qui seront requis de la part du leader pour arriver au résultat escompté. N’oublions pas que le leadership authentique est celui qui incite ses troupes à être et à donner le meilleur d’elles-mêmes

«Putting people first» – Nous entendons souvent cette phrase, une devise utilisée de manière très large dans les entreprises. Dans le contexte post-Covid, putting people first voudrait dire comprendre les nouveaux besoins des employés et pouvoir mettre en place des solutions rapides pour répondre à ces besoins. Par exemple, selon la BBC, plus d’hommes seraient favorables au retour complet du travail sur site que les femmes, qui ont souvent le rôle primaire de s’occuper des enfants. Subséquemment, il est crucial pour les leaders de pouvoir concilier ces besoins différents sans pour autant exacerber le gender divide.

Il est également bon d’avoir des politiques de travail flexibles dans les entreprises mais il faut cependant que les leaders restent vigilants et fassent de leur mieux pour éliminer les préjugés contre ceux et celles qui restent à la maison pour travailler. Ces organisational biases ; dont les préjugés organisationnels ne devraient pas impacter les évaluations de performances et les opportunités de développement de ces derniers.

Une question d’agilité

La capacité pour le leader d’être et de rester agile est cruciale dans une ère où la flexibilité est réclamée de toutes parts. Le concept ‘Agile’, bien qu’il émane du project management, est un moyen fiable pour les leaders d’être efficaces à mener des équipes hybrides. Entre autres, les capacités de :

– Faire face à sa propre résistance aux changements ; notamment braver la culture de ‘je prends les décisions’ et admettre que ‘je n’ai pas toutes les réponses’

– Prendre des décisions rapides, en consultation avec ses équipes, pour réadapter et innover dans sa firme. Toutefois, ceci demande tant une capacité d’écoute accrue, et la mise sur pied de petites interactions rapides pour un survol efficace des opérations du jour (modèle scrum/ stand up meetings virtuels ou physiques). Ceci viendrait forcément réduire les réunions traditionnelles que beaucoup qualifient d’interminables et pas d’indispensables.

– Mettre en place des projets rapides au lieu de fonctionner en business as usual (modèle Sprint où toute l’équipe est accountable pour l’accomplissement des objectifs sous un délai d’un mois). Ceci amènera une dose considérable d’innovation afin d’éviter que les initiatives ne s’essoufflent sur une trop longue durée.

– Reconnaître les différences humaines et les valoriser, tout en restant proches des personnes dans un contexte d’éloignement physique.

– Garder des équipes hybrides soudées avec des objectifs forts et communs, sans que celles-ci ne bénéficient des interactions journalières en présentiel.

 

«Faire confiance à ses équipes implique d’enlever son regard sur les heures de travail et les focaliser sur l’accomplissement des objectifs»

 Plus encore, dans un contexte économique difficile de reprise, la capacité du leader à inviter du disruptive change au sein de son entreprise sera également un élément déterminant de survie. À titre d’exemple, beaucoup d’entreprises locales font face en ce moment au paradoxe de pénurie de main-d’œuvre pour répondre à leur carnet de commandes, d’une part, et l’incapacité d’employer de la main-d’œuvre à plein temps, d’autre part, car elle sont trop coûteuse. Un disruptive change dans ce domaine voudrait dire réinventer son employment model et donner l’opportunité à ceux qui le veulent de travailler par projet en free-lance plutôt qu’en tant qu’employé à plein temps. On retrouve d’ailleurs déjà ce modèle dans les entreprises locales avant-gardistes et les multinationales présentes à Maurice. Cependant, on constate qu’il y a encore une résistance assez significative des entreprises traditionnelles qui préfèrent voir leurs opérations et projets menés par leurs employés fidèles à qui ils peuvent faire confiance, plutôt que par des individus libres qui prendraient pour mission d’accomplir des objectifs précis dans un temps défini. Qu’à cela ne tienne, ces mêmes leaders réaliseront obligatoirement l’impact financier et considérable de pouvoir acheter du temps productif uniquement, à l’opposé du plein temps avec tout ce que cela comporte comme coûts collatéraux. Ainsi, nous allons doucement mais sûrement dans un modèle où ces mêmes employés fidèles, dans un besoin de flexibilité, iront d’eux-mêmes vers le freelance ou le project-based work. Ceci augmenterait l’étendue de la main-d’œuvre compétente disponible, mais aussi les opportunités de travail pour les demandeurs.

On peut ainsi dire qu’en somme, cet état du future of work dont l’avenir du travail dominera de ce fait le besoin d’agilité dans le future of leadership.

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