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Ravish Pothegadoo (Directeur de Talent On Tap) «Une meilleure visibilité sur le taux de chômage à partir d’Avril»

Ravish Pothegadoo «Une meilleure visibilité sur le taux de chômage à partir d’Avril» – Ravish Pothegadoo.

«Le chiffre des 70 000 chômeurs serait plus proche de la réalité actuelle»  – Ravish Pothegadoo.

L’on comptait pas moins de 62 200 chômeurs à fin sep- tembre dernier. Ce chiffre reflète-t-il la réalité ?

Ce chiffre me semble erroné, puisqu’il n’inclut pas les employés issus du secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Ceux-ci font partie du Workfare Program à l’heure actuelle, mais techniquement, ils sont au chômage, car ils ne travaillent pas. Dans un deuxième temps, il faut également faire la différence entre ceux qui veulent vraiment trouver un emploi, ceux recherchant un emploi avec des horaires classiques de 9 à 17 heures ou encore ceux qui se contentent tout simplement du Workfare Program et refusent même des entretiens. À vrai dire, je suis d’avis
que le chiffre de 70 000 chômeurs serait plus proche de la réalité actuelle. Pour preuve, une entreprise de Business process outsourcing (BPO) avec laquelle je travaillais, Comdata, a récemment mis la clé sous la porte en licenciant 500 employés.

Quels sont les secteurs où il y a ces jours-ci plus de débouchés ?

Tout d’abord, force est de constater que le secteur des Tic n’a pas vraiment subi d’impact, car un Security ana-
lyst ou un Software engineer peut tout gérer à distance. En ce qui concerne les autres secteurs, il faut dire que ceux de l’agriculture, de la pharmaceutique et de la restauration, avec notamment la livraison à domicile, ont connu un boom économique. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. Un adage qui se vérifie aujourd’hui. Avant la Covid-19, il n’y avait aucune demande pour le pain surgelé. Désormais, il semble que la boulangerie Copain ait trouvé le bon filon, puisqu’on trouve cette enseigne un peu partout dans les supermarchés de l’île. Quant aux métiers actuellement en demande, ils sont notamment issus des secteurs suivants : les Tic avec des postes tels que Business analyst, Software engineer, Salesforce consultant, Test analyst ou encore le BPO avec à pourvoir des postes de conseiller clientèle, d’agents de recouvrement et de télévendeur. Dans les domaines de la comptabilité, du global business et du marketing, on recherche des comptables, contrôleurs de gestion et Community managers, respectivement.

Lors du confinement, les nouvelles technologies et services, à l’instar de Zoom, ont permis aux entreprises de continuer à opérer. Vu le contexte économique ainsi que l’évolution de la pandémie, les campagnes de recrutement se font également à distance. Quels sont les outils utilisés et quel est votre avis sur ce sujet ?

Il faut savoir qu’il existait déjà des outils et plateformes de recrutement facilitant le recrutement de candidats, notamment les sessions d’entretien enregistrées, où le candidat se connecte à un site avec un chrono imparti pour répondre à des questions ou effectuer des tâches prédéfinies. Le processus est enregistré en direct afin d’éviter toute tricherie ou encore pour générer des rapports à la fin grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle. Dans le cas de Maurice, la société BI Instruments, basée à Ébène et créée en 2020, propose ce type de Virtual Candidate
Assessments. Pour ma part, je privilégie toujours des entretiens en présentiel puisque le candidat n’est pas dans sa zone de confort, ce qui me permet de mieux juger ses aptitudes, sa motivation ou encore son langage corporel.

 

Le télétravail a notamment permis aux entreprises de maintenir la tête hors de l’eau durant ces temps difficiles. Les économies qu’elles ont pu réaliser grâce au télétravail peuvent-elles servir à financer leurs campagnes d recrutement ?

En effet, les entreprises ont pu obtenir une baisse conséquente des charges locatives ainsi que celles relatives au transport des employés grâce au télétravail. Cependant, pour ce qui est de l’usage de cette manne financière, tout dépend de la situation économique actuelle de chaque entreprise, de son secteur d’évolution, ainsi que de son business plan. Dans la plupart des cas, il me semble que cet argent a servi à survivre durant cette phase compliquée, plutôt qu’à effectuer du Business development.

Quels sont les facteurs influençant les campagnes de recrutement depuis la fin du confinement ?
On a constaté que les employés sont plus réticents à changer d’emploi, car ils recherchent une certaine stabilité dans le contexte actuel. Étant donné qu’ils sont à la recherche d’une sécurité d’emploi dans une entreprise réputée pour sa stabilité, je dirais qu’ils prennent beaucoup plus de précaution avant de décider de faire le grand saut.Je dois également souligner que de plus en plus de profils seniors, à savoir les hauts cadres, en ont profité pour se mettre à leur propre compte et se lancer dans l’entrepreneuriat. De ce fait, ils ne sont plus disponibles sur le marché de travail. Concernant les employeurs, vu que la visibilité sur le monde des affaires est encore floue – les entreprises craignant une seconde vague ainsi qu’une rechute –, ils se montrent encore plus sélectifs en privilégiant le salaire demandé par l’employé (rapport qualité-prix) ainsi que la polyvalence de ce dernier. Quant aux formations à l’étranger, elles sont logiquement gelées pour l’instant, de par l’évolution de la pandémie ainsi que la mutation du virus en un nouveau variant.

Talent on Tap a-t-elle enregistré une baisse au niveau des offres d’emplois dans leur globalité depuis l’éclatement de la crise ?

Pour la période janvier – février 2020, avant le début de la Covid-19, l’on avait enregistré une quarantaine
d’offres d’emplois. Pour le mois de juin, soit après la levée du confinement, l’on en a reçu uniquement 4 à 5, à savoir dix fois moins. Pour ce qui est du nombre de CV, il y a actuellement 20 000 qui sont actifs sur les Job boards. Je suis d’avis qu’au moins 10 000 personnes issues des hôtels, usines et autres centres d’appels se sont enregistrés
sur la plateforme sur les six derniers mois. – Ravish Pothegadoo.

Vu la situation difficile dans le secteur touristique ainsi que l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne, comment entrevoyez-vous la situation sur le marché de l’emploi ?

Je suis d’avis que le pire est à venir, car je crois fermement qu’on aura une meilleure visibilité sur les chiffres réels du chômage à partir d’avril 2021. Pour cause : même si le secteur du Finance and Accounting Outsourcing n’est pas vraiment impacté et qu’un éventuel retard sur les transferts de fonds et autres investissements pourra être compensé par des mesures appropriées, le tourisme est vraiment à l’agonie. Si les autorités concernées ne revoient pas leurs stratégies pour se réadapter tout en proposant des formations de recyclage d’emploi aux employés de ce secteur, voire ceux issus de l’aviation également, le bilan sera beaucoup plus lourd sur les neuf prochains mois. Si
l’on veut donc éviter le pire, il faudra impérativement s’adapter pour se réinventer ! – Ravish Pothegadoo.

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