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Dr Radhakhrishna Somanah : la tête dans les étoiles

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Dr Radhakhrishna Somanah : la tête dans les étoiles | business-magazine.mu

Directeur général de l’Université des Mascareignes depuis bientôt un an, le Dr Radhakhrishna Somanah est, avant tout, un astrophysicien mondialement reconnu.

Il est un des pionniers de l’astronomie professionnelle à Maurice. Aujourd’hui directeur général de l’Université des Mascareignes, Radhakhrishna Somanah a participé dès 1989 au programme de recherche du radiotélescope de Maurice, cet impressionnant système d’antennes qui traverse la forêt de Bras-d’Eau. Le Mauritius Radio Telescope avait pour fonction de fournir des images précises du ciel de l’hémisphère Sud afin que les scientifiques puissent les analyser, réaliser des cartes et surveiller cette partie de l’espace. Cette technologie complexe, qui allie l’utilisation des fréquences radio électriques et de l’informatique, s’est perfectionnée au cours des années et les recherches qui ont été menées sur l’île sont reconnues pour leur contribution à la science à l’échelle mondiale.   

Né le 3 octobre 1960, Radhakhrishna Somanah regardait déjà vers le ciel à l’adolescence. Il voulait devenir pilote de ligne. Mais recalé à cause de sa vue, il a dû renoncer à cette ambition. Il ne nourrit cependant aucun regret quant à l’orientation qu’a prise sa carrière. Nous le rencontrons un mercredi après-midi dans son bureau à l’Université des Mascareignes. La poignée de main chaleureuse et le sourire un tantinet timide, il parle doucement, rythmant ses phrases, s’attachant à trouver les mots justes pour raconter son parcours.

L’astrophysicien est issu d’une famille où la culture occupait une place prépondérante. Son père a été l’un des premiers Mauriciens titulaires d’un doctorat en philosophie indienne. Auteur de livres sur la spiritualité et l’éducation, ce dernier a également fondé le collège Verity à Mahébourg, un établissement qui proposait l’enseignement gratuit à ceux qui n’avaient pas les moyens de payer les cours. «Ma mère, elle, était une des premières femmes hindoues à travailler dans la fonction publique. Elle était aussi parmi les premières filles hindoues à chanter en public», dit fièrement Radhakhrishna Somanah.

Grandissant dans cet environnement familial propice à son épanouissement, le jeune Radhakhrishna fait toute sa scolarité à Curepipe. Inscrit à l’école primaire Notre-Dame-de-La-Confiance puis au Collège Royal, c’est un élève brillant. Après ses études secondaires, en 1981, il bénéficie d’une bourse du Commonwealth pour partir étudier à Chennai, dans le sud de l’Inde. Il est alors admis au collège Loyola, une institution jésuite. Au bout de trois ans, il y obtient une licence de physique avec mention très bien. Puis, il enchaîne avec une maîtrise en physique théorique, également assortie de la plus haute mention. C’est au moment où il passe ses examens que son père décède à Maurice. Ses proches préféreront attendre quelques jours avant de lui annoncer la triste nouvelle, pour ne pas compromettre ses chances de réussite.

Diplômes en poche, Radhakhrishna Somanah rentre au pays en 1986. Après quelques mois de chômage, une rencontre fortuite avec Daniel Koenig, son ancien professeur, l’amène à enseigner la physique et les mathématiques au collège Saint-Joseph. Deux ans plus tard, il passe au niveau supérieur en intégrant l’Université de Maurice. Il officie dans le département d’ingénierie car la faculté de science (qu’il contribuera à créer plus tard) n’existe pas encore. Chargé de cours en physique dans un premier temps, il devient ensuite maître de conférences. C’est en 2006 qu’il obtiendra son doctorat en physique avec une spécialisation en astrophysique, dans le cadre d’un partenariat entre l’université mauricienne et le Raman Research Institute à Bangalore.

«Quand je suis entré à l’Université de Maurice, j’ai eu connaissance du projet Mauritius Radio Telescope et je me suis retrouvé complètement embarqué dans ce programme ambitieux», se souvient-il. Passionné par l’aventure, il est directeur du projet à plusieurs reprises (1992-1996, 2000-2002 et 2004-2008). Les avancées en matière de connaissances astronomiques sont telles qu’en 2004, son groupe de recherche et lui reçoivent une distinction de la Nasa. En 2007, l’agence spatiale américaine et l’International Astronomical Union donnent même le nom de l’astrophysicien à une planète mineure de notre système solaire. Situé entre Mercure et Jupiter, cet astéroïde a été baptisé «(19318) Somanah». Le Dr Radhakhrishna Somanah a aussi été fait chevalier de l’Ordre des Palmes académiques par la France en 2009 et porte le titre de Commander of the Star and Key of the Indian Ocean depuis 2011.

Aujourd’hui, le radiotélescope de Bras-d’Eau n’est plus en fonctionnement, mais l’idée d’observer l’espace depuis notre île est loin d’avoir été abandonnée. Un équipement grandiose est en cours de construction sur le plan international : le Square Kilometer Array. Il s’agira du radiotélescope le plus puissant du monde,  cinquante fois plus sensible que les instruments actuels. Comptant 3 000 antennes installées principalement en Afrique du Sud et dans huit autres pays africains, dont Maurice, il devrait été opérationnel d’ici à 2024. Le Dr Radhakhrishna Somanah est le représentant de Maurice pour le projet depuis 2004. «Il est possible qu’une partie des travaux d’ingénierie se fasse bientôt à l’Université des Mascareignes», souligne-t-il.

En février 2016, le scientifique s’est vu proposer le poste de directeur général de l’Université des Mascareignes. Une opportunité qu’il n’a pas refusée. Il a donc pris un congé sans solde de trois ans à l’Université de Maurice et s’est déplacé de Réduit à Rose-Hill. «J’ai passé des années à faire de la recherche et cela avec les contraintes que nous avons à Maurice. Je sentais qu’il y avait une expérience qui manquait dans ma vie, celle d’administrer à un niveau plus haut. C’est ainsi que j’ai accepté de relever le défi de prendre les rênes de l’Université des Mascareignes», dira-t-il.