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FISCALISTE PASSIONNELLE

Croire en soi, tabler sur ses compétences, rester en ligne avec ses valeurs, notamment, d’un travail de qualité et d’une relation client durable, ou encore ne pas compromettre sur son intégrité, résument bien les principes de Johanne Hague, Fondatrice et Managing Director de Prism Chambers.

LONGUE robe blanche à rayures noires allongeant sa silhouette gracile. Maquillage discret. Choix de bijoux dans le ton et discret. L’élégante simplicité de son look n’est pas ce qui définit Johanne Hague, ni l’objet de notre exercice, d’ailleurs. Cette considération futile en apparence pour l’avocate fiscaliste, qui voudrait être jugée avant tout et surtout sur ses compétences, relève néanmoins un peu de sa personnalité. Moins de deux ans après avoir lancé son propre cabinet d’avocats spécialisé dans le droit fiscal, ses compétences sont valorisées par la signature d’un accord de collaboration entre Prism Chambers, sa boîte, et Andersen Global, réseau américain de professionnels de la fiscalité et du droit à travers le monde.

Lancée en novembre 2019, Prism Chambers est le troisième bébé de cette mère de deux enfants (8 et 5 ans), avocate de formation. Longtemps chéri, ce projet a pris forme après cinq ans de pratique en entreprise à Maurice, et huit ans à Londres. Avocate d’affaires, ayant également servi comme avouée à Londres, Johanne Hague a fait du droit fiscal à l’échelle aussi bien locale qu’internationale sa spécialisation, et celle de Prism Chambers.

«La fiscalité est ma passion, et la desservir fut le premier objectif derrière le projet de lancer ma propre boîte. Créer la nouvelle génération d’avocats et d’avoués spécialisés dans la fiscalité, créneau inexploité à Maurice, puisque dominé par les comptables. Maintenant je ne veux pas dire que les comptables ne doivent pas s’occuper de la fiscalité, absolument pas. Ils ont certaines compétences, et vice versa. Les juristes, les avocats et les avoués ont des compétences légales que les comptables n’ont pas, et c’est une matière qui se complexifie au fil du temps. Si on compare, par exemple, le système fiscal de 2013 avec maintenant, le paysage est complètement différent. C’est beaucoup plus complexe, les normes changent toutes les années ; les institutions internationales nous imposent plein de nouvelles règles auxquelles nous devons nous plier et il faut disposer de cette compétence et de cette formation pour appréhender au mieux ces changements. Pour moi, le but n’est pas de tout faire moi-même ; je veux laisser un legs pour que des membres de la génération future aient les compétences requises en tant que fiscalistes dans le domaine légal.»

Rien de moins. Johanne Hague joue la transparence. Élémentaire pour une spécialiste de la fiscalité ? En tout cas, elle ne tergiverse sur aucune de nos questions. Dans son cabinet d’avocats ‘boutique’, dont les locaux se trouvent dans la cybercité d’Ebène, un panel de jeunes avocats. Un choix nécessaire et assumé pour celle qui place la qualité du travail, et l’importance de la relation-client, au centre de sa proposition de valeur.

<<POUR MOI, IT’S GOOD ENOUGH IS NOT GOOD ENOUGH>>

«Mon approche a toujours été de former des relations à long terme avec le client. Le client n’est pas un ‘one-trick pony’ servant à ramener de l’argent. Comme dans une relation amoureuse, ou amicale, la relation-client se fait dans le temps et se fonde sur un élément de confiance. Dans ce senslà, me lancer avec Prism Chambers n’a pas été un défi du tout. Si défi il y a eu, c’est de commencer from scratch – et en l’espace de trois mois, j’étais déjà débordée – arriver à trouver des juristes compétents, qui comprennen mes valeurs, et qui soient prêts à relever les défis. Je ne tolère pas la médiocrité ; on m’a souvent critiqué pour cela. On est dans un système où l’on se complaît parfois dans ‘it’s good enough’. Pour moi, ‘it’s good enough is not good enough’. Cela a été si difficile pour moi de trouver les compétences adéquates que je me suis retrouvée dans une situation où j’ai constaté qu’il était préférable pour moi de prendre de jeunes avocats-avocates-avoués qui viennent d’être appelés au barreau, et de les former from the ground up de façon organique. Le défi qui se présente dans cette optique est que je dois quand même vérifier le travail pour être sûre qu’il répond au niveau de qualité exigé. Ce défi auquel j’ai eu à faire face à Maurice, je le prends comme une opportunité de créer quelque chose où la qualité était là, et de m’entourer de jeunes compétents qui partagent mes valeurs», détaille Johanne Hague.

ÉQUIPE MAJORITAIREMENT FÉMININE

Une équipe majoritairement féminine d’ailleurs. Bien qu’heureuse de cet hasard dans les recrutements, nuance-t-elle dans un discours fluide et un débit rythmé, cette remarque habituelle sous-tend le conditionnement sociétal de la place de la femme. «On m’a souvent taquinée à cet égard, et je dois dire que ce n’est que pure coïncidence. Cela dit, cela me fait plaisir. On parle souvent des obstacles auxquels les femmes font face, et pour moi cela n’a jamais été une considération. En 2021, on ne doit pas se retrouver face à une question où l’on vient statuer sur le fait qu’un cabinet soit exclusivement féminin. Jamais à un homme on ne parlerait de son cabinet exclusivement masculin. Cette problématique du genre est pour moi ‘completely irrelevant’. Mais si cela peut donner du courage, de l’espoir et de la confiance en soi aux femmes de se dire qu’elles peuvent tout achieve, regardless of their gender ; cela me fait plaisir», laisse-telle échapper.

En sa qualité de femme qui connaît sa valeur et jure par ses compétences, Johanne Hague a un regard non conventionnel, bien qu’éclairant, sur toute cette question de genre. Quitte à donner des coups de pied dans cette fourmilière, elle souligne avec l’enthousiasme et le tact qui caractérisent son discours, l’importance que les femmes réalisent elles-mêmes leurs propres valeurs. «Les femmes ont été conditionnées par la société, parce qu’elles ont des obligations familiales, qu’elles doivent prendre un step back par rapport à leur carrière. Pour moi, cela n’a jamais été une considération, et j’espère que mes clients ne me choisissent pas parce que je suis une femme. Je veux être jugée sur la base de mes compétences».

La femme, poursuit-elle, n’a pas parfois la même confiance en elle, et l’agressivité pour demander une augmentation de salaire, ou négocier son contrat. «Je ne dis pas que c’est la faute des femmes mais si elles avaient la même confiance en elles que les hommes, la moitié déjà des problèmes se dissiperait».

La transparence dans la gouvernance d’entreprise, tant dans les processus de recrutement, de fonctionnement que de rémunération, est également importante, indique l’avocate d’affaires pour la parité hommes-femmes en entreprise. «La deuxième chose qui pourrait aider les femmes à se valoriser est la transparence par rapport à la rémunération. Je ne dis pas seulement cela pour le domaine légal, mais pour toutes les professions. Si je prends le domaine légal, et l’Europe, pour exemple, dans les cabinets d’avocats d’affaires, le Top 100 par exemple, il existe une grille salariale tout à fait transparente. Du moment où vous êtes appelés au barreau au moment où vous devenez partenaire, vous avez une idée d’année en année du niveau de rémunération auquel vous pouvez aspirer. À Maurice, c’est extrêmement opaque, et le fait que ce soit opaque, encourage ce sentiment de discrimination», pense Johanne Hague.

Raison pour laquelle chez Prism Chambers, ce principe de transparence a été adopté pour le professionnel ‘newly qualified’ jusqu’à ce qu’il ou elle devienne partenaire. «Je pense que ce genre de principes, comparativement aux mesures que je qualifierai de cosmétiques, encourageraient les femmes à être valorisées, et à s’attaquer aux besoins, aux injustices.» L’éducation est un aspect critique de cette émancipation féminine, souligne l’ex-boursière du Queen Elizabeth College. Johanne Hague, elle-même d’origine modeste, est l’illustration de ces principes. «J’avais une grande conviction dans ma valeur, dans mes compétences, et une grande passion pour mon métier. Je pense attester du fait que croire en soi, mettre en pratique ses aptitudes et ses valeurs, et ne pas compromettre sur son intégralité donnent des résultats.»

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